Coup dur (2)

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Média : Linkin Park - What I've Done


Durant le trajet, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour Chrystal. Elle a mal, ça se voit, pourtant elle essaie de faire bonne figure. Sa bouche se tord en une vilaine grimace, ses yeux noirs se plissent péniblement et ses sourcils se froncent. Par moment, je la vois presser une main contre son ventre qui se contracte douloureusement. Elle laisse échapper quelques petits gémissements, par ci et par là, mais quand je me tourne vers elle, la mine soucieuse, elle me fait un joli sourire pour me rassurer. Ça ne me soulage pas, bien au contraire. Je sais qu'elle ne veut pas m'alarmer, mais elle a le droit de me dire qu'elle a mal. Je ne connais pas cette douleur, néanmoins je peux la comprendre.

Ma sœur comme Emilie m'ont déjà présenté les mêmes symptômes. Elles réagissent toutes les deux différemment. Helena est plutôt du genre à se laisser envahir par ses hormones, les premiers jours, passant sa colère ou sa tristesse sur moi, puis quand elle le voulait bien, je m'occupais d'elle en lui apportant son chocolat chaud préféré ou un antidouleur pour qu'elle sente mieux. Emilie, en revanche, n'a pas trop mal. Certes, elle m'a déjà avoué ressentir des crampes au début, mais après elle n'a plus rien. D'un corps ou un autre, les ressentis sont distincts.

Je me rapproche de Chrystal dans notre allure et lui désigne le passage clouté à emprunter. Pendant notre traversée, je lui lance :

-        Tu sais, tu n'as pas à te cacher de moi, Chrys.

Ses talons claquent contre le bitume alors qu'on arrive sur l'autre trottoir. Elle me jette un petit coup d'œil latent, interpelée.

-        Comment ça ?

On accède l'accotement. J'enfonce mes mains dans les poches de mon sweat et soupire.

-        Pour tes règles, je veux dire...j'ai grandi avec deux femmes à la maison, ma mère et ma sœur, je sais ce que c'est. Et puis, Emilie m'en parle souvent. Je ne suis pas le genre de mec à être dégoûté, ni à sortir des débilités dessus. C'est quelque chose de naturel, même si ça peut faire un mal de chien.

Je risque un regard vers elle, qui me sourit avec sincérité.

-        C'est gentil, Raff. Vraiment.

Je lui rends son sourire et enroule mon bras autour de ses épaules pour la coller contre mon flanc. Je sens le sien entourer ma taille. On marche ainsi pendant plusieurs minutes de silence jusqu'à ce que Chrystal le rompe :

-        J'ai mal, mais c'est supportable comme douleur. Mon seul remède c'est une bonne bouillote sur le ventre. La chaleur permet de détendre les muscles utérins et à apaiser les contractions. Les médocs, ça ne marche pas avec moi. Ou alors, ils ne sont pas assez puissants.

Elle resserre son étreinte sur moi alors qu'on bifurque sur la gauche. Je repère vite fait la rue dans laquelle on se trouve, on est à cinq minutes de chez elle.

-        Ouais, je crois que ma sœur fait pareil, mais elle a super mal. Du genre... au point de ne pas pouvoir aller à l'école ou être dispensé de sport. Elle peut rester clouée au lit pendant des heures, pliée en deux. Je déteste la voir comme ça.

-        Elle a pensé à consulter ? me demande-t-elle aussitôt, ce n'est pas normal d'avoir aussi mal.

Je hausse les épaules. Lena et les médecins, ça fait deux : elle a la phobie des blouses blanches, elle y va que lorsqu'elle n'a pas le choix.

-        Aucune idée, je crois que ma mère lui en a parlé. Elle dit aussi que ce n'est pas quelque chose d'anodin.

Elle hoche la tête et me lance une œillade plutôt curieuse.

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