Au cœur des nuages (3)

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On s'éloigne de la barrière pour continuer notre numéro à l'abri des regards.

Je chantonne quelques airs et Chrystal danse sous le rythme de mes cordes vocales. Je chante du Imagine Dragons, je réussis à tenir mon souffle sous leur morceau Walking The Wire, et à calquer ma voix sur celle du chanteur grâce au son qui sort de son téléphone. Elle se déhanche en souriant, fait plusieurs sauts sous mes yeux et m'entraine dans sa folie. Je danse n'importe comment, mais je m'en moque tout comme elle s'en fichait de ne pas bien chanter. On claque des mains, on tourne sur nous même en rigolant, on se colle de temps en temps avant d'enchainer plusieurs pas de danse improvisés. Ce n'est pas du tout coordonné, mais ce n'est pas grave, on s'amuse et c'est tout ce qui compte.

Je ne sais pas combien de temps dure tout ceci. Je m'éclate tellement avec elle que j'en oublie le monde extérieur. Les musiques défilent sur sa playlist, on les suit sans se poser de question, comme lors d'une fête imaginaire. Ça me fait du bien, je ne pense même plus à ce qui m'est arrivé à Halloween, ni aux sales journées que j'ai passées.

Je suis essoufflé par moment. Chanter et danser en même temps, c'est vraiment dur. J'ai appris à contrôler ma respiration à mes cours de chant, à la moduler dans mon ventre pour qu'elle ne s'entende pas péniblement, mais danser, ça chamboule vraiment tout. Ce sont des efforts supplémentaires pour une personne comme moi. Je me stoppe quelquefois, le souffle coupé avant de reprendre à nouveau.

Avec quelques entrainements, j'arriverai sûrement à combiner les deux, car après tout, sur scène je me dépense comme tel. Le chant et la guitare, c'est à la fois de la concentration et du sport. Il faut savoir faire tenir le public, de part sa voix, les encouragements et la musique. C'est pour ça que j'en sors toujours suintant de sueur. Je n'ai jamais eu de crise pendant nos concerts et tant mieux. De toute façon dès que je me sentais fatigué, je laissais Max faire son show avec Enzo pour faire diversion. Pendant cette transition, je buvais énormément d'eau et soufflais un bon coup et puis c'était reparti.

- Pouf ! Je n'en peux plus ! finit-t-elle par s'exclamer sans pour autant me lâcher.

Elle m'entraine jusqu'à la clôture du toit, dans une respiration saccadée. Je l'observe avec étonnement franchir la barrière. Elle passe par au-dessus pour se retrouver de l'autre côté et s'assoit sur le rebord, les jambes dans le vide. Je hausse les épaules et finit par l'imiter pour me glisser à sa droite. Mes yeux détaillent à nouveau l'environnement qui m'entoure, mais contrairement à tout à l'heure, ce n'est plus si silencieux. J'entends des jeunes qui s'époumonent à quelques mètres de nous, le métro qui glisse sur les rails ainsi que les moteurs vrombissants. C'est aussi ça, Lille. Une ville qui ne dort jamais. Moins que Paris, moins que New York, mais tout de même. Elle est plus vivante que là où je suis né.

Je sors mon téléphone pour regarder mon écran d'accueil. On approche des vingt-deux heures, j'ai passé pratiquement trois heures aux côtés de Chrys, je n'ai pas vu le temps passer, et j'ai plusieurs messages et appels en absence. Je lis rapidement les textos de mes meilleurs amis :

Maxi Max : « Hé mec ! On vient de rentrer, t'es passé où ? »

« Réponds, Ralf, Em s'inquiète ! »

« Pas là, mais t'es pas là, mais t'es où ? Pas là ! Mais t'es pas là, mais t'es où ? Pas là ! Réponds sinon je vais écrire cette chanson que tu détestes pour te la mettre dans ta tête ! »

Je me mords la lèvre inférieure en voyant qu'il a véritablement mis toutes les paroles du morceau de Vianney en un seul SMS. Putain, il n'avait vraiment que ça à foutre ? Il fait chier, maintenant je l'ai dans la tête ! Je passe à son dernier message en jurant, ce qui fait sourciller Chrystal.

NOUS Au-delà des enviesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant