Descente aux enfers (2)

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Je jette un coup d'œil latent vers l'estrade, là où nous allons jouer d'ici quelques minutes, alors même que le prince de la soirée n'est pas au courant. Kelly nous a promis de rester discrète quant aux préparatifs de la scène et Emilie prend son rôle très à cœur pour lui détourner l'attention, présentant chaque personne qui se ramène pour lui souhaiter un bon anniversaire. Je ne connais pas tout le monde, mais je sais que la petite rousse est le nouveau crush de mon ami parce que je l'ai déjà entraperçue dans l'appartement, et ce à de multiples reprises, et que je sais ô combien ils se tournent autour sans pour autant officialiser leur relation.

D'ailleurs, de là où je suis, je vois Owen rougir en la contemplant, tout comme elle. Ils sont vraiment mignons ces deux-là, c'en est presque affolant. J'ai envie de les coller une bonne fois pour toutes comme un bon entremetteur le ferait, seulement ce ne sont pas mes oignons. Et puis, je préfère boire ma bière bien fraiche et espionner tout le monde de ma table. C'est beaucoup plus fun que se retrouver soi-même face à un léger obstacle.

Que je vais peut-être rencontrer, tôt ou tard...

Enzo et Maxim ne sont pas là, ils sont partis pour préparer d'une façon subtile tout le matériel en compagnie de Lily. Je suis resté pour ne pas lui donner des soupçons et puis ça me permet d'avoir un regard sur tout ce qui se passe : le monde qui afflue dans le pub, hors de l'endroit que nous avons réservé, comme ceux qui viennent à la rencontre du petit prince.

Mais, Chrystal n'est pas là. Elle ne viendra pas...

Je soupire en attrapant mon verre et boit une autre lampée de ma bière fruitée. Je sors mon téléphone pour vagabonder distraitement sur les réseaux sociaux puis j'immortalise à plusieurs reprises l'environnement dans lequel je me trouve. J'en poste un grand nombre dans ma story Instagram et lit les premières réactions jusqu'à ce qu'Emilie m'interrompe en se raclant la gorge. Je lève la tête et la découvre accompagnée d'un mec avec des cheveux blonds. Je hausse un sourcil en saisissant son air nerveux.

- Raff, je te présente Matthieu, mon nouveau copain.

Celui-ci m'offre un grand sourire, aucunement intimidé par ma présence. Je me redresse instantanément pour lui tendre la main alors qu'Emie termine les présentations :

- Et Matt, c'est Raffael, mon meilleur ami.

On serre la main tout en ne se lâchant pas des yeux. Je dévisage un peu trop longuement cet homme dont ma meilleure amie m'a beaucoup parlé et ce dernier en fait de même avec moi. Ces deux loustics ont fini par se mettre ensemble, dès la semaine passée en réalité, après s'être tourné autour depuis des mois. Et je reconnais bien là les goûts d'Emilie : des yeux bleu clair, un visage plutôt amical, une chevelure blonde coiffée à la Zac Efron, et une dégaine de surfeur. Je gratifie ma meilleure amie d'un clin d'œil comme pour lui dire : « hm, quel beau gosse ! Bien joué Emie ! », ce qui la fait glousser comme une gamine.

- Enchanté, Raffael. Depuis le temps qu'Emilie me parle de toi.

- Appelle-moi Raff, je lui dis aussitôt.

Il hoche la tête dans un sourire particulièrement craquant et me dit d'en faire de même avec son surnom habituel. Emilie finit par nous laisser discuter entre mecs, et rejoint dans la foulée Owen pour continuer de jouer son rôle à la perfection. Matt s'installe en face de moi et se sert du pichet de bière dans un verre encore propre.

- Alors, ça fait combien de temps que tu connais Emie ? me demande-t-il comme pour lancer la conversation.

- Cinq ans, depuis la première année au lycée.

Il siffle, impressionné.

- Et c'est vrai que tu chantes ?

Je hausse les épaules. Je suis un peu nerveux qu'il me pose cette question. Je ne vois pas trop en quoi le chant peut susciter autant d'intérêts, de plus que je ne pense pas être si doué que ça. J'ai souvent cette impression qu'on s'attache plus à mes cordes vocales qu'à ma propre personne, même si au fond, je sais très bien qu'il s'agit juste d'une étincelle de curiosité. On ne voit pas tous les jours des chanteurs, je le conçois, alors forcément, on en profite pour poser tout un tas d'interrogations du type : comment est-ce tu fais pour chanter aussi bien ? Tu as travaillé dur ? Tu sais faire les chants gutturaux ? Tu retiens vraiment toutes les paroles ? Des questionnements pas méchantes en soit, seulement ce sont celles qui reviennent à chaque fois lorsqu'on prend connaissance de ma passion.

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