Chapitre 8

31 2 10
                                    

Je scrute les secondes qui défilent sur le cadran de ma montre en attendant que l'aiguille sonne pile. Seigneur, je n'ai jamais assisté à un cours aussi barbant. Les maths sont ennuyeuses, c'est un fait, mais jamais je n'aurais pensé être aussi peu intéressée par un cours de littérature.
J'ai somnolé, comme tout le monde dans la classe, en regrettant péniblement ma professeur de Stanford. Certes, ce lycée avait des défauts, beaucoup trop de défauts, cependant, les enseignants avaient la décence d'aimer leur matière. Madame Flick, elle, est restée aussi raide qu'un piquet pendant deux heures, en se contentant de répondre à ses propres questions.
La sonnerie est libératrice. Je ne prends pas la direction de la sortie du bâtiment, comme le font les nombreux lycéens qui se bousculent dans les couloirs, mais bifurque vers la porte du CDI. Une salle tapissée de bibliothèque s'offre à moi et je crois être au paradis. Notre village avait, par chance, une librairie en face de la place de la mairie. Il n'y avait pas grand chose à faire d'autres, alors j'ai pris goût à m'y perdre des après-midis entière, en quête de nouveaux livres. L'ennui m'aurait tué dans ce trou paumé si cette bonne vieille libraire n'avait pas décidé, un jour, de faire de sa passion son métier.

Je m'empare des livres de cours que je dois lire pour le prochain semestre et m'autorise quelques romans contemporains, pour mon simple plaisir. La documentaliste m'observe d'un œil soucieux lorsque je lui mets sous le nez une pile de sept livres poussiéreux qui n'ont pas l'air d'être empruntés régulièrement. Elle me demande si je suis bien sûr de vouloir tout ça puis ne me pose pas plus de questions, rapidement désintéressée.  Je sors quelques minutes plus tard, les bras chargés de bouquins.

-Je ne pensais pas qu'il y avait encore des gens qui empruntaient des livres à la bibliothèque du lycée.

Je suis d'abord confuse, me demandant si mes propres pensées ont pu s'incarner d'une voix si grave. Puis tombe nez à nez face à Chris, ce qui me fait lever les yeux au ciel. 

-Et bien, il faut croire que de nos jours il y a des gens qui lisent encore. Tu sais, ce truc avec des mots et des phrases.

Il hausse les sourcils, semblant amusé, ce qui ,ne fait qu'augmenter mon exaspération.

-C'est fou qu'on arrive à se croiser tous les jours alors que tu viens d'arriver.

Je ne prends pas la peine de répondre quoi que ce soit et trace ma route, sous ses bougonnements. Je me force à ne pas me retourner, mais lorsque j'atteins le bout du couloir, je ne peux retenir le petit coup d'œil que je lance derrière moi. J'aperçois la silhouette de Chris qui s'engouffre dans le CDI, avec un livre à la main que je n'avais même pas remarqué.

***

J'ouvre la porte d'entrée et trouve ma mère installée sur le canapé, une tisane à la main.

-Hey !

-Coucou ma puce, ça a été aujourd'hui ?

Je me prépare un petit gouter et lui raconte mes premiers jours dans ce nouveau lycée, étant donné que nous n'avons pas encore eu le temps d'en parler toutes les deux. Je lui montre les romans que je viens de me procurer et lui livre mes impressions sur les cours. Je lui pose à mon tour des questions sur son nouveau travail et constate avec joie que tout se passe pour le mieux.
Je me surprends à avoir espoir d'une perspective de stabilité, après tout ce temps. Enfin
 Alors que je m'apprête à monter dans ma chambre, pensant que la discussion touche à sa fin, ma mère en décide autrement en mettant un nouveau sujet sur le tapis, et pas des moindres

-Au fait, tu as vu qu'il y a une école de musique à côté de la maison, dit-elle le plus innocemment possible.

Alors que rien n'est innocent dans ses mots.

TwinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant