Deux semaines se sont écoulées depuis le jour où Sam est sortie précipitamment de la cantine, déçue par mon comportement bien trop mystérieux. Et pour le coup, Isaac avait bel et bien raison. Le lendemain même, elle s'est présentée devant moi, peu avant notre premier cours, et m'a parlé exactement comme d'habitude. Comme si rien ne s'était passé. Elle m'informa tout de même qu'elle était prête à attendre que je sois plus à l'aise pour lui parler, mais qu'elle aimerait que je me confie davantage. J'ai approuvé cette proposition et l'ai mise en pratique rapidement, en lui partageant tout ce qui touche, de près ou de loin, à ma personne, et qui ne nécessite pas la mention de Camille.
Il est temps que je leur ouvre un peu ma bulle.
Je traverse au passage piéton et me retrouve en bas des marches du perron de mon nouveau lycée qui est, depuis une petite semaine, décoré d'une multitude de teintes de rose et de rouge. Des cœurs en papier sont placardés un peu partout et de grandes guirlandes de ruban ornent murs, tableaux d'affichage, et cadres de porte.
Je pousse la porte principale, elle aussi placardée de prospectus de vente de roses, et pénètre dans les couloirs animés. J'entends déjà Sam proclamer qu'elle est bien contente qu'aujourd'hui soit le dernier jour de ces "pitoyables festivités pour les gens niais et les fleuristes". J'aperçois quelques étudiants se balader, alors qu'il n'est que neuf heures, avec une voir plusieurs des fleurs tant convoitées qui sont à vendre pour l'occasion.Isaac et Sam n'ont pas eu besoin de m'expliquer tout ce raffut, tout le monde ne parle que de la saint-Valentin de Columbia depuis des jours. Ici, comme dans beaucoup de lycées de la région, le 14 février est synonyme de bonheur et de fête. On prépare ce jour avec soin et bonté, espérant donner naissance à de nouvelles belles et longues histoires d'amour.
Pathétique, soufflerait Sam.
À l'instar de beaucoup de films romantiques sur Netflix, le lycée réquisitionne des élèves volontaires, souvent des premières années. Ils sont chargés de vendre le plus possible de roses durant une semaine, aux étudiants fou amoureux et prêt à débourser de l'argent. Le matin de l'édit jour, une énorme cargaison de fleurs rouge sang aux pétales élégants et parfumés arrivent au lycée. Toute la journée durant, ces mêmes volontaires passent de classes en classes pour déposer les roses aux heureux destinataires.À vrai dire, je ne pensais pas que cet événement était réellement célébré dans les établissements scolaires, et n'attribuais ce genre de festivité qu'aux films à l'eau de rose, et pourtant, Columbia High school ne cesse de m'étonner de jours en jours.
Je rejoins ma salle et retrouve mes deux amis, adossés contre un mur devant la porte de la classe.
-J'ai l'impression d'être prise au piège dans les vieux feuilletons qui passent après manger à la télé et que personne ne regarde, se lamente Sam.
Je lui tapote l'épaule, comme je l'ai fait durant cette semaine, en lui assurant qu'il y a pire dans la vie que la Saint-Valentin.
-Vous avez déjà reçu des roses les années précédentes ? Demandais-je, curieuse.
-Les terminales de l'équipe de rugby en envoient chaque année à tous les joueurs, et j'ai dû en avoir deux ou trois en plus.
Je jauge soucieusement Isaac du regard, ne m'attendant pas à ce qu'il ait autant de succès. Si on y réfléchit bien, ce n'est pas plus étonnant que cela. Il est beau garçon, il fait parti de l'équipe, il est drôle et ce n'est pas un enfoiré avec les filles, critères qui sont bien difficiles à réunir en une seule et même personne de nos jours.
-Billy Pocket m'en a envoyé une en 3e, c'était mon binôme de biologie. Et il n'y a que Matt qui m'en a acheté une l'année dernière, dit-elle d'un ton las et indifférent.

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Twins
Roman pour AdolescentsMarylou n'a jamais vraiment su surmonter la mort de sa sœur jumelle. Cinq ans que Camille est morte, cinq ans que Lou' se sent vide à l'intérieur. Hantée par des souvenirs bien trop limpides, elle peine à remonter la pente. Et ce n'est non pas une...