Chapitre 23

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Hey !

petit aparté au sujet de la chanson. Elle m'a beaucoup inspiré pour écrire ce chapitre et pour retranscrire au mieux les sentiments de Marylou. Ses paroles significatives sont adéquates avec notre protagoniste et il me semblait important de vous les partager ! Bonne écoute et bonne lecture!

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Il y a bien longtemps que je n'avais pas passé un week-end aussi dur émotionnellement parlant que celui-ci. Lorsqu'il n'y a plus la distraction de l'école et qu'on reste enfermé dans la même pièce pendant deux jours entiers, il est très difficile d'éviter de ressasser et de tourner en rond. C'est instinctif, tout semble être fait pour qu'on se morfonde. Les montagnes russes, voici ce qui peut caractériser cet affreux week-end. Un grand huit dont on n'attend que la fin, qui monte et qui descend, qui donne la gerbe. Tellement de sentiments m'ont traversé que je me sens désormais incapable de ressentir la moindre émotion.

Après le départ de mes parents samedi matin, j'ai fixé mes céréales longtemps, très longtemps. Je n'ai pas su décrocher mon visage de mon bol Winnie l'ourson pendant des dizaines et des dizaines de minutes. Quand enfin, je suis sortie de ma torpeur, j'ai monté les marches d'un pas lent, si lent qu'il m'a fallu une minute pour arriver devant la chambre de mes parents. Mes muscles me faisaient mal, je n'avais qu'une envie, dormir jusqu'à ce que mon problème disparaisse. Manque de pot, une sœur morte, ça ne s'oublie pas comme ça. J'ai alors entrepris la tâche qui m'a trahi la veille et ai remis les photos à leur place. Je me suis mise à les fixer si intensément que les larmes ont coulé tout naturellement. Ma vision est devenue floue, mes tympans bourdonnaient et alors que de chaudes larmes coulaient le long de mes joues, j'ai étouffé un sanglot, puis deux, puis trois. Puis j'ai arrêté de compter.
Cette sensation est de loin la pire, lorsque tu sens ton être noircir à vue d'œil de l'intérieur, lorsque tes gémissements bloquent ta respiration et que tu as l'impression de t'asphyxier toi-même, lorsque, même si cela est scientifiquement impossible, tu penses pleurer jusqu'à ce que ton être se vide de toutes gouttes d'eau.

C'était une sorte d'effondrement. Tout est tombé en ruine. Les biens faits de ce déménagement m'ont tous paru dérisoires et mes chances d'un jour m'en sortir ne m'ont rarement paru aussi faible, car malgré les rencontres, la musique et le doux sourire qui ornait mon visage depuis quelques mois. Rien n'a réussi à combler le trou béant qui continue de grandir en moi. Comprendre que ce que tu croyais être ta bouée de sauvetage au beau milieu d'un océan agité n'est en fait qu'un vague mirage éphémère dépourvu de secours, c'est putain de dur. 

Cinq ans.

Soixante mois.

Mille huit-cents vingt-cinq journées ont passé, mais je me sens aussi seule qu'au premier jour.

J'avoue avoir du mal à comprendre. Il y a tellement de gens dans ma situation. Tellement de personnes qui perdent des proches mais qui arrivent à remonter la pente. Pourquoi en suis-je incapable ? Je vais finir par penser que je ne m'y ferai jamais. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. J'ai tenté de sourire en regardant les photos, j'ai tenté de rire en repensant à elle, j'ai tenté d'en parler, de m'imaginer que d'une certaine manière, elle était là, avec moi. Mais non, Camille est morte et la douleur de son absence est toujours aussi forte. Le deuil est universel, c'est une véritable épée de Damoclès qui menace à tout moment de rompre le faible fil qui la retient de nous couper en deux. On m'a arraché ma moitié et j'erre désormais sans but, puisque c'est une partie de moi qui s'est envolée du jour au lendemain et qu'au lieu d'aller de l'avant, je préfère me rattacher à son souvenir.

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