-Je sens plus mes jambes !
Mes muscles tirent et chaque pas est une épreuve. Ma respiration est si haletante que ça en devient presque alarmant. J'ai la nette impression que mes jambes vont se dérober d'une seconde à l'autre et que mon cœur, compressé au possible dans ma poitrine, s'apprête à sortir de ma cage thoracique.
-C'est dans la tête, Lou'.
C'est dans la tête.
Trois fois. Il a fallu que Chris me répète cette fichue phrase trois fois en l'espace de cinq minutes pour que des envies meurtrières refassent surface dans mon esprit.
C'est dans la tête, mon cul ouais. A ce que je sache on court avec les jambes, pas le cerveau.-Il fait beaucoup trop chaud !
En même temps, quelle idée d'aller courir sous près de 29C° ! Ma mâchoire s'est presque décrochée lorsque, plus tôt dans l'après-midi, Chris m'a appelé pour m'informer qu'il aurait du retard. Et moi qui croyait que la séance était annulée en raison des conditions climatiques...
L'insolent n'a pas cédé, même lorsque j'ai continué de protester alors qu'il était déjà sur le pas de ma porte. Le pire étant qu'il a réussi à avoir ce qu'il voulait. La preuve, je suis là, à courir comme un buffle qui apprend à marcher et à suer comme un porc. Une importante couche de transpiration me recouvre en intégralité, m'apprenant au passage que le corps humain est capable de suer dans des endroits impensables. Mes vêtements qui sont pourtant très légers, sont trempés, et je suis persuadé qu'on pourrait remplir un vers d'eau rien qu'en essorant mes cheveux.
-C'est ton cerveau qui te dit que tu as chaud, ton corps est capable de supporter beaucoup plus.
Je relève la tête pour lancer un regard des plus mauvais à Chris. Bien évidemment, c'est à son dos que je fais face, quelques mètres devant moi. Je n'ai jamais autant haï le soleil que maintenant et je donnerai tout pour plonger la tête la première dans le gouffre de mon ancien village, où j'avais l'habitude de tremper uniquement mes pieds en regardant les autres s'amuser dans l'eau.
Ma seconde d'inattention, occupée à penser à cette vieille rivière que je n'ai pas vue depuis longtemps, suffit à me faire trébucher, et je manque de me tordre la cheville. C'en est trop.-Stop, pause.
Je me penche en avant, tentant tant bien que mal de reprendre mon souffle. Je ne peux réprimer un gémissement de douleur lorsque d'importantes courbatures se manifestent dans mes cuisses et mes mollets. Ma peau colle, je me sens sale, j'ai l'impression de mourir.
-Bordel, comment tu fais pour être aussi bien après ça ?
Chris hausse un sourcil en réajustant le brassard maintenant son téléphone sur son biceps gauche. Bien que sa peau soit aussi luisante que la mienne, et que ses cheveux humides soient plaqués contre son crâne, preuve qu'il a bel et bien ressenti la chaleur, il ne semble pas le moins du monde en difficulté. Son souffle n'est pas aussi saccadé que le mien et il donne l'impression d'être en pleine forme, pouvant encore faire des kilomètres.
-L'expérience, ma grande.
Je ne prends même pas la peine de le regarder sachant qu'il aborde son habituel sourire victorieux et lui fout mon majeur en pleine tête. Je m'assois sur le béton brulant du trottoir en me prenant la tête dans les mains. Mon pouls n'arrive pas à se calmer et mes tympans continuent de claquer horriblement fort dans mes oreilles.
-Tu vas t'en remettre ? M'interroge Chris d'un ton qui se veut détendu, mais qui perse tout de même d'une pointe d'inquiétude.
Je relève ma figure rouge tomate vers lui et je pense qu'il capte que cette fois-ci, il m'en a peut-être un peu trop demandé.
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Twins
Teen FictionMarylou n'a jamais vraiment su surmonter la mort de sa sœur jumelle. Cinq ans que Camille est morte, cinq ans que Lou' se sent vide à l'intérieur. Hantée par des souvenirs bien trop limpides, elle peine à remonter la pente. Et ce n'est non pas une...