Twins

Chapitre 63

Je suis surprise de recevoir une réponse de sa part dans la minute qui suit. Est-il collé à son téléphone ?

Chris le dentifrice
Je peux t'appeler ?

Il est le seul à qui j'ai osé répondre peut-être parce que dans le fond je sais qu'il ne va pas me juger. Chris est le genre de personne qu'on juge au premier regard, qu'on case dans la catégorie populaire abrutit du lycée, sans savoir que lui justement  arrive à voir au-dessus des apparences. Peut-être que c'est pour ça qu'il est ami avec Suzanne. Il a sans doute réussit à voir au-dessus de son apparence hautaine, si tenté qu'il y ait bel et bien quelque chose en dessous.

C'est donc sans réfléchir que mes doigts tapent une réponse affirmative. Parler avec Chris m'a toujours fait du bien. Et honnêtement, j'ai envie de lui parler. A lui. Seulement à lui.
Mon téléphone vibre quelques secondes plus tard, signe qu'il n'a pas lâché son cellulaire en attendant ma réponse. Je me lève de mon siège, traverse l'allée jusqu'à la sortie du compartiment voyageur et me dirige vers la plateforme la plus proche. Je m'appuie sur une barre en face des toilettes et finis par décrocher à la dernière tonalité.

-J'ai cru que tu n'allais jamais répondre.

-Désolée, je suis dans le train

Entendre sa voix sonne comme une bouffée d'air frais, même à travers un téléphone.

-Alors, j'en déduis que tu rentres ?

-Tu déduis bien.

Il rigole doucement et un sourire se dessine instantanément sur mon visage. Mes joues rosissent tandis que je sens mon corps se tordre. J'adore quand il rigole, encore plus quand c'est moi qui le fais rire.

-Tu ne m'as envoyé qu'un seul message.

En effet, tout le monde m'a envoyé des trentaines de sms, mais pas lui.
Pourtant, je suis persuadée qu'il savait pertinemment où j'étais partie. Durant nos nombreux footings à deux, le sujet de mon "ancien chez moi" a souvent été mis sur le tapis. Le plus souvent je m'en plaignais. Or, à chaque fois que Chris en concluait que vivre à la campagne été un calvaire, je ne pouvais m'empêcher de prétendre le contraire. Grandir à la campagne a une saveur tellement particulière. Certes, j'étais bien contente de l'avoir quittée et je ne peux nier les énormes défauts de cet endroit ou encore des gens qui y vivent. Cependant, ce petit patelin aux vaches plus nombreuses que ses habitants renferment mes plus beaux souvenirs. C'est en m'en éloignant que je m'en suis rendue compte. Les après-midis que j'ai passées dans les champs de blé à profiter du soleil qui basanait ma peau, le nombre incalculable d'heures de messe auxquelles j'ai assisté, les baignades au gouffre avec Ani durant les chaudes journées de vacances d'été et les crépuscules incroyables du haut du bunker. La haine que je lui vouais s'est finalement envolé, et contre toute attente, j'en sors reconnaissante d'avoir pu y passer seize ans de ma vie. 

-En effet, rétorque t-il en m'arrachant de mes pensées.

Donc il ne m'a pas envoyé d'autres messages sur les réseaux sociaux. Déçue.

-Pourquoi ?

-Je savais que tu allais en recevoir suffisamment, non ?

-En effet, répétais je à son instar. Mais ... J'aurais quand même voulu que tu m'en envoies plus.

Les mots ont traversé la barrière de mes lèvres sans que je n'ai pu réfléchir aux conséquences de ces derniers. C'est sorti tout seul. Or, ce n'est pas plus mal, je le pense sincèrement. Je n'ai jamais aimé qu'on s'intéresse de trop prêt à moi. Avec Chris, j'ai l'impression que c'est différent. Il m'a dit une fois que je n'étais pas le centre de la terre, mais aussi égoïste que cela soit, j'aime être au cœur de toute son intention.