Chapitre 18

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L'infernale sonnerie de mon réveil me fait péniblement sortir de mon sommeil et interrompt la courte nuit que je viens de passer. Mes yeux peinent à s'ouvrir et je sens mes muscles affaiblis et incapables de me porter où que ce soit.

Les cauchemars sont revenus.
Presque trois mois sans. J'avais commencé à prendre goût à ces nuits paisibles. J'avais espoir que les cauchemars disparaitraient en même temps que leurs affreux évènements. Pourtant ce matin, alors que deux heures venaient de sonner, j'ai eu l'impression que jamais les souvenirs n'avaient été aussi limpides.

Les mauvais rêves ont commencé juste après sa mort et ont continué de me rendre visite au moins une fois par semaine, toute l'année durant. C'était généralement le même, je connaissais donc par cœur sa débouchée. Pourtant, je hurlais toujours à la mort.
Je me débattais dans mon lit en criant, attendant désespérément que mes parents me secouent pour me réveiller et me libérer de cet enfer. Il m'arrivait de pleurer parfois, c'est comme ça que j'ai appris que pleurer dans son sommeil était possible.
Mon père arrivait généralement le premier, il était plus vif que ma mère. Cependant, je peux parier que cette dernière éprouvait une certaine réticence à se lever en m'entendant crier. Mes hurlements ne faisaient que lui faire remémorer. Je suis sûre que ça lui permettait de vivre mon cauchemar.
Dès lors où ils me touchaient, il ne me fallait pas plus de cinq secondes pour me réveiller. Puis la maison retombait dans un calme olympien. Je buvais de l'eau, changeais mes draps ainsi que mon pyjama, trempés tous deux de sueur. Il m'arrivait de filer à la douche ou de finir devant la télé, tant j'avais peur de refermer les yeux. Lorsque le ciel était clément avec moi, il suffisait que l'un de mes parents se couche à mes côtés pour que je me rendorme. Ces nuits-là étaient les meilleures parmi les pires.
En grandissant, les cauchemars se sont espacés dans le temps. J'ai peu à peu arrêté de crier. Je ne voulais pas que mes parents voient que les rêves continuaient et que je ne m'en sortais pas. Je ne voulais pas qu'eux même s'enfoncent également. Leur peine était si grande, je ne voulais pas l'aggraver. 
Ce genre de terreur nocturne ne s'invite plus avec la même assiduité dans mes nuits. Mais elle n'en reste pas moins éprouvante, bien que cinq ans se soient écoulés depuis. Je ne cesse de me demander si au bout d'un moment elles partiront. Si elles s'effaceront, comme Camille. Brutalement et du jour au lendemain. 

Je repousse l'idée que ce cauchemar est du à mon retour au conservatoire et ordonne à mes maigres jambes d'avancer jusqu'à la salle de bain. Chaque mouvement me demande une énergie considérable. Je suis restée éveillée quatre heures, je n'ai retrouvé le sommeil qu'au petit matin. Je prends l'initiative de mettre la température de l'eau de ma douche à un niveau bas, pour tenter de me réveiller et m'empêcher de rester trop longtemps dans la cabine. 

Je descends à la cuisine, jean et sweat à capuche sur le dos, n'ayant aucune envie de faire le moindre effort sur ma tenue vestimentaire. Je rejoins ma mère assise devant le bar fraichement couvert de mignardises.

-Bonjour chérie.

La dernière fois que je l'ai réveillé remonte à plus de deux ans et demi. Elle doit penser que c'est fini depuis bien longtemps. Il faut qu'elle le pense. 

***

-Le XVIIIe siècle, ce qui correspond donc à quel mouvement de la littérature britannique ? Marylou ?

Je relève la tête de mon cahier, nonchalamment et elle me lance un regard désapprobateur.

-Le romantisme ?

-Victorien voyons. Tu n'es pas dans ton assiette aujourd'hui, constate mademoiselle David, quelque peu amusé.

Sans blagues.

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