Chapitre 50

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Je me stoppe net. C'en est fini. Préparer ma tombe.

Je me retourne et découvre avec horreur que tout le petit groupe me regarde, les yeux ronds.
Bien joué la discrétion. Ana, mon interlocutrice, me fait signe d'approcher. Je lui fais les gros yeux et elle semble s'excuser du regard, n'ayant surement pas trouvé d'autres moyens pour m'intimer de rester ou même pour me parler.
J'hésite. Je devrais prendre mes jambes à mon coup et m'éloigner le plus possible d'eux. Pourtant, je les rejoins.

-J'ai vu les résultats de ton audition. Tu devais être époustouflante. 

Je me souviens alors lui avoir donner le site où les résultats allaient être publiés. Elle est allée les voir. Anastasia est vraiment un ange. Je ne comprends pas pourquoi elle s'entiche avec moi.

-C'était aujourd'hui ? demande alors Isaac.

-Ouais.

Il baisse la tête, comme honteux de l'avoir oublié, mais je ne lui en veux pas. Sam me fixe en plissant les yeux tandis que Chris semble un poil crispé. Je me refuse à considérer les autres où je risque de m'enfuir.

Je ne sais plus où me mettre, ni que faire.

Comment j'ai pu penser une seule seconde que ce serait une bonne idée de venir ici ?

-Qu'est-ce que tu fais là ? Demande Sam impassiblement, rompant le silence inconfortable dans lequel nous baignions.

Qu'est-ce que je fais là ? J'en sais rien.
J'avais prévu de parler en privé à Isaac et Sam, l'idée de leur parler de Camille ne me paraissait même plus aussi mauvaise. Je voulais leurs expliquer, pour qu'ils comprennent. Mais je veux que ce soit les seuls à comprendre. Je ne suis pas prête à aller plus loin.

-J'aimerais vous parler, à tous les deux.

Isaac lève la tête et je vois bien qu'il ne sait lui non plus où se mettre. Il ne me semble pourtant pas si retissant  à l'idée d'entendre mes explications. Pour Sam, en revanche, c'est autre chose.

-On est là tous les deux, continue-t-elle, donc vas-y.

Mon discours entier tombe en miettes.
Je n'ai jamais parlé de Camille à quelqu'un délibérément. Même avec Ani. Peu après leur emménagement, le terrible drame qui s'est abattu sur notre très cher village leur est très vite monté aux oreilles, à elle et sa famille. Je n'ai donc pas eu besoin de lui apprendre la nouvelle. C'est dire à quel point cette tâche m'est difficile. J'estime donc avoir le droit de choisir qui peut être au courant. Et je n'ai aucune envie que toute ma vie entière sois révélée sur une terrasse bondée lors d'une soirée étudiante quelconque.

-On pourrait aller ailleurs ? 

-On est très bien ici. 

J'ai beau l'aimer de tout mon cœur, je n'au qu'une envie à ce moment, lui arracher les yeux. 
Je ne peux pas. 
Je me résigne donc à m'en tenir à quelques simples mots.

-Ecoute, je voulais juste m'excuser pour ... pour tout.

C'est tout ce que j'arrive à dire. Plus personne ne parle, ne reste que les cris des autres lycéens et j'estime qu'il est temps que je parte. Le carnage a assez duré. Alors je m'éloigne simplement vers la mer, en traversant le jardin. Je suis une peu déçue, j'aurai vraiment aimé leur expliquer. J'en avais vraiment l'envie mais après que qui vient de se passer, je doute en avoir de nouveau un jour.
Ne souhaitant aucunement rentrer toute suite, je songe à rester un peu au bord de l'eau, le temps de recouvrer mes esprits. Je traverse la petite route qui me sépare du sable pour me retrouver sur le trottoir d'en face mais je n'ai pas le temps de faire un pas de plus qu'on m'attrape le bras.

On me retourne violemment et je fais face à une Samantha hystérique.

-TU T'EXCUSES ? TU AS TUE QUELQU'UN ET TU T'EXCUSES ?

Je mets un moment à me ressaisir, tant ses yeux remplis de rage me fascinent. Ses cheveux roux sont coiffés en bataille, formant une auréole autour de sa tête, ne la rendant cependant pas plus angélique .

-Tu ne comprends pas.

Je parle tout bas même si je sais que personne ne peut nous entendre de la maison. Nous sommes bien trop loin. Je suis surprise de voir arriver les autres, goutte à goutte. Isaac est le premier à atteindre notre niveau, suivi de près par Chris et Ana. Suzanne, Jake et Matt se dessinent aussi au loin, rendant la situation malsaine et moins rassurante. Si les quatre premiers se soucient peut-être réellement de moi, les trois autres ne sont là que pour le spectacle.

-Moi je ne comprends pas ? Reprend t-elle d'un ton tranchant. Pourtant je pense qu'il n'y a rien à comprendre ! Putain t'imagines ? T'imagines le choc que j'ai eu en l'apprenant ? D'une autre personne que toi qui plus est. T'imagines ce que j'ai ressenti quand j'ai appris que ma soi-disant "meilleure amie" n'était pas ce qu'elle prétend être. Je ne te connais pas Lou'. Bordel je ne sais rien de toi. J'étais tellement déçue. Putain j'ai vu l'article de journal et... et la famille. Ce n'était qu'une enfant, elle avait quoi ? Dix...

-PUTAIN SAM CETTE FILLE C'ETAIT MA SOEUR !

Silence.

Plus personne n'ose parler. Ma respiration devient sifflante, mes yeux se remplissent de larmes involontairement. Sam me regarde horrifiée, les yeux aussi humidifiés que les miens. Je leurs ai à tous, enlever les mots de la bouche. Suzanne ne sait plus où regarder. Isaac est immobile, sa main posée sur sa bouche. Chris a les mains plongées dans ses cheveux et me regarde, interloqué.

Je veux que tout cela s'arrête.

Calme.

Silence.

Très long silence.

Jusqu'à ce qu'un bruit de moteur résonne au loin. Je ne réagis pas instantanément, mais seulement lorsque la voiture s'arrête devant nous, nous éclairant de ses phares. Je me retourne et découvre avec effroi le conducteur ainsi que le passager sortir de la voiture. Ma mère claque violemment la portière.

-Enfin on te retrouve ! NON MAIS CA VA PAS DE PARTIR COMME CA ?!

Elle hurle, rouge de colère, nous faisant tous sursauter.

Bordel.

Quel désastre.

-Tu montes dans la voiture, me crie fermement mon père en me pointant du doigt sévèrement.

Il est aussi hors de lui.

Pitié.

-Deux minutes.

-Non il n'y a pas de deux minutes qui tiennent, Marylou. On rentre immédiat...

-Ta sœur ?

Ma mère se stoppe net.

Je ferme les yeux, ne me rendant pas complètement compte de ce qui est en train de se passer. C'est en train d'arriver. Tout ce que j'ai toujours voulu éviter.
Lorsque mes paupières se rouvrent, j'ai du mal à supporter le regard de Sam face à moi et de chaudes larmes commencent à couler sur mes joues.

-Elle est morte par ma faute.

Ma voix n'est plus qu'un bruit aigu, brisé. Je me mords l'intérieur de la lèvre pour stopper mes sanglots. J'en ai marre de tout le temps pleurer.
On se croirait au cimetière. Je n'entends même plus l'effervescence de la fête. Il n'y a aucun bruit, si ce n'est le vent qui vient agiter les branches des arbres et les vagues qui s'échouent sur le rivage au loin.

-Cam' ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Rétorque ma mère qui semble avoir recouvré sa voix miraculeusement.

Ça me tue de devoir lui dire ça en face. Elle qui a déjà tant souffert.
Je me tourne vers elle. La culpabilité me ronge le cœur.

-Tu vois très bien de quoi je parle maman.

Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard. Un flot de pensées se bouscule alors dans ma tête. Des images, comme des scènes coupées de films qu'on retrouve en bonus dans les dvd. Je me revois à onze ans, Camille à côté de moi lors d'un jour enneigé de décembre.

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