Chapitre 31

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Je descends les marches quatre à quatre, vêtue d'un simple débardeur blanc et d'un short en jean. L'univers a souhaité que cette dernière semaine du mois d'avril soit sous un seul et unique mot d'ordre : la chaleur.
Avril et mai étaient les mois les plus exaltants lorsque nous vivions encore à la campagne. Le printemps redonnait vie au village. La couleur revenait et donnait  l'impression de chasser l'épais brouillard gris qui surplombait la ville en hiver. L'éclosion des fleurs dans les champs de tournesols, le retour du ciel bleu et le soleil qui, bien qu'encore un peu timide, faisait sortir de l'hibernation tous les habitants. Les cerisiers en fleur m'ont toujours paru plus jouissifs que les épaisses couches de neige qui recouvrait les toits des maisons. Le printemps est ma saison préférée, et j'ai toujours été reconnaissante de pouvoir admirer son éclosion dans le petit bout de paradis que représentait mon village.

-Tu comptes rester dans la cage d'escalier toute la journée ?

Je souris à ma mère, confuse, et m'installe au bar où croissants et jus de raisin m'attendent.

-A quoi tu pensais ?

-Au printemps au village. Ca me rend triste de me dire que je ne suis plus là pour l'admirer.

Ma mère soupire en mélangeant son café. Je ne pense pas que la campagne lui manque, cependant, il n'y a que lorsque l'on perd quelque chose que l'on se rend compte de son importance. Je n'imaginais pas que les champs de colza puissent me rendre aussi heureuse, et que je puisse les regretter.

-Au fait, samedi prochain, on reçoit mon supérieur à dîner. La maison devra être nickel, tu seras réquisitionnée toute la journée.

Ce n'est pas une proposition, je n'ai pas le choix.

-D'accord, mais pourquoi la maison devrait être nickel ? Ce sont des gens normaux. Un peu de poussière ne devrait pas les faire fuir, soupirais je en croquant dans ma viennoiserie.

-Il faut faire bonne impression, et une maison négligée ne fait pas bonne impression. Tu comprendras plus tard lorsque tu devras recevoir ton patron chez toi.

Tu comprendras plus tard. Bien sûr. La phrase qui tue.

Ce que je comprends bien, en revanche, c'est que ma mère va se prendre la tête pendant plus d'une semaine pour un type qui ne daigne pas lui accorder le moindre jour de congé. Ce gars est un bel enfoiré ! Ma mère se tue au boulot avec des journées dépassant parfois les douze heures de travail, elle bosse les jours fériés et n'hésite pas à faire des heures supplémentaires la nuit, lorsqu'elle sent que les enfants en difficultés dont elle s'occupe ne vont pas bien. Le jour de son anniversaire le mois dernier, elle a tenu à poser deux jours et le mec l'a magistralement remballé en lui prétextant que la maladie ne prenait, quant à elle, pas de jours de congé. Par contre pour ses trois semaines en Espagne, là il n'y a pas de soucis. 

-Leur fille a ton âge, elle est à Columbia. Je ne me rappelle plus son nom, zut...euh... Salie? Suzie?

-Suzanne !?

-Oui c'est ça ! Bon sang, je n'ai plus toute ma tête. Tu la connais ?

Laisser moi rire.

-Ose me dire qu'elle vient samedi et je saute du toit..

-Ça va de soi voyons, ricane-t-elle en papillonnant des yeux.

-Achève moi.

C'est un cauchemar, je vais me réveiller.

-Allons, elle ne doit pas être si horrible, me sourit ma mère qui ne se rend pas compte de l'absurdité de ses mots.

-Horrible est un maigre mot. Crois moi.

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