Si on m'avait dit il y a quelques mois, que moi, Marylou Martines, je serais en train de danser sur du Justin Bieber, debout sur l'îlot central d'une cuisine qui n'est pas la mienne, dans une ville à cinq heures de route de ma campagne, en étant totalement déchirée et sous le regard de tous. Je ne l'aurais pas cru. Pire, j'aurais ri jaune.
Et pourtant, la vie est pleine de surprise. Je suis à cet âge où tout ne tient qu'à un fil, tout peut basculer en une fraction de seconde. Tu es toi, et l'instant d'après quelqu'un d'autre. Mais je crois que c'est bien, de changer de principes. De faire son expérience.
Yeah, yeah, yeah (now I'm all gone)
Gone, gone, gone, I'm gone.Les dernières notes de ce qui est, en toute honnêteté, ma chanson préférée, résonnent à l'intérieur de la maison. Mon corps menace de s'écrouler à tout moment et ma voix n'est plus qu'un murmure, mais je me sens bien. L'euphorie est toujours là.
Je viens de me donner en spectacle, et le pire, c'est que ça m'amuse.
Je me rassois puis tente, tant bien que mal, de descendre de l'îlot pour me tenir debout. C'est peine perdue. Je m'écroule instantanément et Chris me rattrape de justesse.
-Sacré Justin Bieber, souffle-t-il près de mon oreille alors que je m'appuie de tout mon poids sur lui.
Je ne prends pas la peine de me relever. Je reste là, dans ses bras, la tête posée sur son torse. Comprenant que je ne souhaite pas bouger, il pose avec appréhension sa main dans le creux de mon dos. Lorsqu'il constate que je ne réagis pas, il se détend et enroule ses bras autour de moi, m'étreignant avec force, mais avec une certaine douceur.
-J'avais jamais vu une nana s'ambiancer à 3h du mat' sur du Justin.
Je glousse légèrement, chatouillant son menton de mes cheveux. J'inspire un bon coup, l'air me semblant soudainement pur, alors qu'il est embué d'alcool, ainsi que de son eau de Cologne qui s'infiltre dans mes narines. Wow, j'adore cette odeur.
-J'adore ton parfum.
Pris au dépourvu, Chris ne trouve pas quoi me répondre.
-Faudra que tu me donnes le nom.
Je ne réfléchis plus à ce que je dis. Les mots sortent tous seuls de ma bouche, comme s'il n'y avait plus aucun trajet entre mon esprit et mes lèvres.
-Tu me le diras mercredi quand on ira courir. Oh oui, j'oubliais, tu me fais la gueule.
Je l'entends soupirer, tandis que mes yeux fixent le robinet mal fermé qui goutte à intervalles réguliers.
-Tu réalises ? T'as réussi à me faire aimer le sport. C'était peine perdue. Bon en vrai, j'aime pas courir, et puis soyons honnête, je suis nulle. Archi nulle. Mais j'étais toujours contente d'être mercredi. Je savais qu'on allait rigoler et que t'aller m'embêter. Je te disais que t'étais chiant mais en vrai de vrai, j'aimais bien ça. Et même si tu me battais toujours à la course, j'aimais bien courir avec toi.
Je reprends mon souffle et ajoute.
-Tu m'as manqué.
Je le serre fort dans mes bras, calant ma tête dans le creux de son cou. Depuis combien de temps avais je envie de faire ça ?
Il met un moment à assimiler les choses, ne me rendant mon étreinte qu'au bout de quelques secondes.-T'es vraiment amochée hein ?
-T'imagines pas à quel point.
Il rit de bon cœur et attrape son téléphone. Je l'entends pianoter dessus rapidement et perçois dans la foulée, le tintement annonçant une réponse. Je suis en transe, consciente mais à la fois endormie. C'est étrange. Je ne réagis plus à ce qui m'entoure, me contentant de m'appuyer sur Chris, les yeux fermés. Mes pieds se détachent du sol et je sens qu'on me soulève. Le vent qui vient me chatouiller le visage me réveille doucement et je constate que nous sommes a l'extérieur. Chris se dirige vers une voiture. Je crois que je la connais. Une silhouette maigrichonne se dessine alors à côté du capot. Isaac. J'ai envie de crier et de me jeter à son cou, lui déclarant mon amour de manière aussi humiliante que je l'ai fait avec Chris mais je suis trop fatiguée pour esquisser le moindre geste. Ils échangent quelques mots et j'entends Isaac déverrouiller sa caisse. Chris ouvre la portière et me pose délicatement sur la banquette arrière. Il va partir. Non, je n'ai pas envie qu'il parte.
Juste avant de s'éloigner et après m'avoir convenablement attaché, il dépose un bisou sur mon front et me chuchote à l'oreille :
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Twins
Teen FictionMarylou n'a jamais vraiment su surmonter la mort de sa sœur jumelle. Cinq ans que Camille est morte, cinq ans que Lou' se sent vide à l'intérieur. Hantée par des souvenirs bien trop limpides, elle peine à remonter la pente. Et ce n'est non pas une...