Chapitre 10

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-Je ne m'attendais pas à te voir Marylou.

Elle s'installe confortablement dans son large fauteuil de bureau en m'intimant de m'assoir face à elle puis me regarde avec bienveillance. Aucune mèche de ses cheveux noirs de jais ne dépasse de son chignon strict, tout comme aucun pli et aucune poussière ne s'invitent sur sa robe bien ajustée. Si madame Wang n'avait pas ces petites rides aux coins des yeux, on pourrait penser qu'elle ne dépasse pas la trentaine, ce qui contraste parfaitement avec le professionnalisme indéniable qui lui colle à la peau. La voir si droite et parfaite me fait presque oublier qu'elle aussi, traîne en pyjama parfois des journées entières, a une haleine fétide le matin et sort les poubelles comme tout le monde. Un ravin se trouve entre la personne qu'on montre en société et la personne qu'on est entre les quatre murs de chez soi.

-Quelle est la raison de ta visite ? 

-Je n'ai pas fait mes exercices et je me suis légèrement assoupie pendant l'heure, donc Mr Druffus m'a renvoyé de son cours.

Autant jouer la carte de la franchise.
Je relève la tête pour appuyer mes propos et observe son visage afin de décrypter son expression.

-Je vois, chuchote-t-elle, je peux te demander pourquoi tu n'as pas fait tes exercices ?

Je détourne mon regard et le pose, une nouvelle fois, sur le cliché. Ce dernier est un beau portrait de famille. J'y distingue madame Wang et probablement son mari, bras dessus bras dessous tenant chacun par l'épaule un petit garçon. Je reconnais le discret Cheng qu'Isaac m'avait rapidement présenté hier. Cette conversation me paraît bien loin.

-J'ai oublié.

Ce n'est pas le meilleur mensonge que j'ai inventé de ma vie. Et pour cause, la proviseure ne semble pas très convaincue. Pour autant, elle finit par acquiescer. Mon ventre commence à gargouiller, je n'ai rien manger depuis mon gouter d'hier après midi. Je regarde l'heure sur l'horloge accrochée au-dessus de la porte, et constate qu'il ne reste que 20 minutes avant la sonnerie. 

-Tu es sûre que tout va bien, Marylou ?

Je repose mon attention sur madame Wang, soucieuse, dont les mains sont jointes et posées sur le bureau. 

-Oui oui parfaitement !

Mon entrain soudain ne joue pas en ma faveur alors je souris pour paraitre naturelle, d'un sourire qui doit faire peur.

-On dirait que tu as pleuré.

Sans blague.

-C'est mon chat, il... est mort hier. Ecrasé par un...bus.

Je déteste les chats, mais ça, madame Wang n'a pas à le savoir. Cette dernière ne tombe pas dans le panneau. Elle s'y écrase.

-Oh mon dieu, je suis sincèrement désolée. Je t'embête avec toutes mes questions !

Cette bonne vieille femme est bien trop naïve.

-Malgré tout, je vais devoir avertir tes parents au sujet de ton exclusion de cours.

Pitié non.
Tout mais pas ça. Jetez-moi d'un pont, envoyez-moi à la potence ou coupez-moi la tête à cout de petite cuillère, tout est préférable à ça. Déjà que ce n'est pas la joie en ce moment, si mes parents apprennent que je me suis fait virer de cours dès mon quatrième jour, c'est de leurs propres mains qu'ils vont m'étrangler.

-Je pense que ce n'est pas la peine, je leur dirai.

Mon impolitesse me ferait rougir en temps normal.

-Je suis désolée, mais c'est la procédure. 

Je peins mon visage de l'expression la plus triste qui soit et laisse ma lèvre trembler. 

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