Chapitre 24

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Je pianote ma table des doigts, trépignante, attendant que les dix dernières minutes de mon cours monotone, incompréhensible et inintéressant de math s'achèvent. Ma mère n'a jamais compris le dégoût que j'éprouve envers cette matière, me répétant qu'en primaire, j'avais les meilleures notes de la classe en mathématiques. Cet argument est débile, certes j'ai peut être du talent pour les additions et multiplications, mais il en est autre chose pour les fonctions du second degré.
Mon ventre gargouille une énième fois, résonnant dans toute la salle. J'ai atrocement faim. Mon inhabituel manque d'appétit de ce matin m'a forcé à sauter le petit déjeuner. 

Grave erreur, puisque actuellement, mon ventre s'amuse à imiter le cri de la baleine à bosse.

-Sérieusement, tu ne peux pas manger le matin ? S'agace ma chère et tendre voisine à mes côtés, suite à un nouveau gargouillis des plus charmants.

Le rouge me monte aux joues instantanément. Tout au fond de moi, j'espère à chaque fois que ça m'arrive que personne n'entend.
Huit minutes. Le temps semble toujours passé au ralenti dans les bâtiments scolaires. Je reprends mes gestes de doigts, priant pour que leur bruit cache un peu celui de mon ventre. Je mêle l'utile à l'utile en mimant ma partition de piano en cours, ou du moins, des bribes dont j'arrive à me souvenir.

-Tu es insupportable, me chuchote Emma m'intimant d'arrêter mes gestes.

Je lève les yeux au ciel devant l'air studieux qu'elle se donne, les yeux fixés sur le professeur et son stylo dans la main. Elle et moi savons qu'elle ne comprend pas plus que moi en math, et qu'elle a passé l'heure à dessiner sur son cahier tout en regardant par la fenêtre l'équipe de rugby s'entrainer. J'ai, moi-même, voué une attention particulière à leur préparation, persuadée que les regarder courir serait plus palpitant que d'essayer de comprendre la parabole représentative d'une fonction polynôme du second degré. De plus, mon petit blondinet s'active lui aussi sur le terrain, préparant sa rencontre de vendredi. J'ai vaguement compris, via notre groupe de message, que le coach avait été contraint de déplacer les horaires d'entraînement de cette semaine et d'empiéter sur les heures de cours. Mais pour être honnête, avec le week-end que j'ai passé, je me contrefoutais des entrainements de notre équipe de rugby.

Je trouve Isaac parmi ses coéquipiers, alors qu'il range les chasubles, et lorsque Emma tourne elle aussi son attention vers le terrain, une idée me traverse l'esprit.

-Je peux te poser une question ?

Je l'entends souffler longuement. Quelques secondes se passent et alors que je pense qu'elle ne me répondra jamais au vue de la haine qu'elle porte à mon égard, elle finit par pivoter vers moi en papillonnant des yeux. 

-Alors, dis-moi...

Je réfléchie un instant, ne sachant pas comment tourner ma question.

-N'imagine pas que ça m'intéresse, mais je me demandais, pour ma culture personnelle, pas pour la sienne bien évidemment. Ne pense pas que c'est lui qui m'a demandé de te questionner, non il ne l'a pas fait puisqu'il n'est pas au courant, et j'espère que tu n'iras pas lui dire, même si je doute que tu en aies réellement quelque chose à faire...

-Pitié abrège !

-Euh, oui d'accord, alors, dis-moi ce que tu penses d'Isaac, juste...pour savoir.

Elle me dévisage, les sourcils froncés. Isaac va m'assassiner.

-Stonwall ?

Je hoche vigoureusement de la tête. Jamais de ma vie quelqu'un m'a demandé de jouer les entremetteuses et pour être honnête, je pense que je manque de subtilité. Je ne sais même pas si j'aurai le cran de rapporter ce que j'apprendrai, peut-être, à Isaac. Cependant, il ne daigne pas tenter la moindre action avec sa bien-aimée, je m'attribue donc à moi-même le rôle de coup de pouce, sans l'avis du principal intéressé mais passons.

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