Je lui raconte l'intégralité de ma soirée, du moment où je suis sortie en douce de chez moi à celui où j'ai passé le pied de sa porte. Elle ne m'interrompt pas une seule fois.
Je suis presque essoufflée lorsque j'arrive au bout de mon histoire. La raconter à haute voix renforce mon amertume. Tout s'est réellement passé.
Je finis par lever les yeux vers elle, dans l'attente d'une quelconque réaction. Cependant, elle ne dit rien. Elle reste silencieuse, se contentant de jouer avec l'élastique qu'elle a autour du poignet.Je laisse alors mon regard se balader à l'intérieur de sa chambre. Il n'y a pas grandes différences, elle est semblable à mes souvenirs mis à part un ou deux nouveaux posters ainsi que de nouveaux rideaux. Mes yeux sont attirés par les quelques photos affichées derrière la porte. Elle les avaient affichées il y a une paire d'année et n'a jamais trouver la foi depuis de les actualiser. Cependant, aujourd'hui, j'en discerne des nouvelles. Je me lève pour m'approcher et constate que je suis encore sur l'une d'entre elle. Mon cœur se réchauffe. On nous voit, Ani et moi, sur la banquette d'un fast-food de Promance. On brandit toutes les deux fièrement nos milkshakes respectifs, souriant à s'en arracher les lèvres. Mes yeux sont clos. A tous les coups, j'ai du lui hurler de l'effacer. Visiblement, elle ne m'a pas écouté.
-Je t'avais poussé à sécher le cours de sport ce jour-là.
-Mes parents m'avaient trucidé.
Elle rigole doucement et balaye du regard les autres clichés scotchés à la porte. La plupart sont des natures mortes ou des paysages. Ani a toujours eu ce don pour la photo. J'ai finis par m'habituer lorsqu'elle s'arrêtait en plein milieu d'une conversation pour dégainer son appareil, capturé un cliché qu'elle seule arrive à percevoir, puis de reprendre là où elle en était, comme si de rien était. Ani arrive à voir quelque chose d'artistique dans n'importe quoi. C'est beau. J'aimerai voir le monde à travers ses yeux.
-ça craint.
-Tu l'as dit.
Je retourne m'installer sur son lit et m'allonge sur le dos, les yeux rivés sur le plafond.
-Tu penses que mes parents me détestent ?
-Non, pas le moins du monde.
Je sais qu'elle pense ce qu'elle dit. C'est ce qui est cool chez Ani. Je n'ai jamais connu quelqu'un d'aussi franc. Pourtant, sa réponse ne parvient pas à faire taire ces voix dans ma tête qui me souffle que je suis la pire fille du monde. Je pivote ma tête vers elle et la vois pianoter quelque chose sur son téléphone.
-Qu'est-ce que tu fais ?
Elle ne me répond pas tout de suite, trop concentrée sur ce qu'elle écrit, et ne redevient attentive que lorsqu'elle pose son cellulaire éteint, sur sa table de chevet .
-J'ai dit à papa et maman que leur fille n'était pas morte et qu'elle était chez moi.
Je soupire, consciente que c'était à moi de leur écrire ce message. Mais je n'en ai pas eu la force.
-Tu trouves que c'était stupide ?
-Non, c'était juste une sorte de burn-out. Ca arrive.
J'acquiesce. C'est à peu près ça, un épuisement, un trop-plein de truc, un manque de résultats qui m'a fissuré de l'intérieure. A moi maintenant de m'arranger avant que le carreau éclate.
-Pourquoi tu as décidé de couper les ponts ?
Cette question me brûle les lèvres depuis des mois.
Elle me considère quelques secondes avant de s'allonger dans la même position que moi. Nos épaules se touchent, ses yeux se rivent sur le plafond.-Je sais pas vraiment. J'avais l'impression que tu m'échappais. Que j'étais du passé. Tu étais là, à me raconter ta vie parfaite et moi j'avais passé une journée atroce. Je crois que j'ai voulu passer mes nerfs sur toi et tout te mettre dessus.
-Ma vie parfaite, répétais je ironiquement.
-Ouais je sais, c'était complètement con. Mais, t'avais l'air tellement différente. Tu faisais des trucs que jamais t'aurais envisagé avant. Et puis je sais pas, t'avais ta nouvelle vie, t'avais l'air heureuse. Je me suis dit que tu n'avais plus besoin de moi et que j'avais plus besoin de toi non plus.
J'avais l'air heureuse. Il n'y a donc que moi qui ne m'en étais toujours pas aperçue.
-J'aurais toujours besoin de toi.
Ani est la seule amie que j'ai eue après Camille. Avant de la rencontrer, je pensais que toutes les copines que j'avais eues étaient en réalité les amies de Cam' et non les miennes. Eleonor en était l'exemple parfait. J'avais l'impression que plus personne ne voulait désormais s'intéresser à moi, que je ne vivais qu'à travers Camille. Ani, elle, m'a aimé pour ce que j'étais. Elle m'a aimé en tant que Marylou.
-Je suis désolée Lou'
Elle n'aime pas s'excuser, c'est pourquoi ses propos me vont droit au cœur.
Ani a été là durant les pires moments de ma vie. Je veux qu'elle fasse aussi partie des meilleures.-Moi aussi.
Je roule sur le côté et elle fait de même, de manière à être face à face. Elle me sourit et revoir ses dents du bonheur que je n'avais pas vu depuis si longtemps m'apaise.
-Mes parents seront ravis de te voir.
Et juste comme ça, tout redevient comme avant.
Je souris à mon tour. Ses parents m'ont toujours adoré, mais j'espère tout de même que cette visite improvisée ne va pas les déranger.
-Donc d'après ce que j'ai compris, tu as énormément de choses à me raconter.
-Oui, je crois que pour une fois c'est moi qui ai beaucoup de choses à dire.
D'habitude, c'est moi qui écoute ces histoires. Mais bizarrement, je suis contente que les rôles soient inversés aujourd'hui.
Je me tourne vers son radio-réveil licorne qu'elle n'a jamais changé. Il est 4h30 passés.-Il est tard.
-Tu sais pertinemment qu'après les examens, je ne remets jamais un seul orteil au lycée.
J'éclate de rire. Elle préfèrerait aller en enfer plutôt qu'au lycée chaque matin. Je la revois encore, scrutant sa montre à chaque heure de classe. Elle me disait que compter les secondes était plus intéressant que le cours en lui-même. Elle n'avait souvent pas complètement tort.
-Tes examens sont passés aussi ?
Je hoche la tête.
-Alors plus personne ne t'oblige à y retourner.
Je discerne quelque chose d'autres dans ces paroles. Quelque chose qui vient enveloppé mon cœur frigorifié et cassé dans une couverture. Tu peux rester ici le temps que tu veux, le temps que tu as besoin.
-On a toute la nuit devant nous, ajoute elle le regard plein de malice et d'impatience.
Je me mords la lèvre, excitée de lui témoigner combien m'a vie a été bouleversée. Mais aussi et surtout combien j'aime ça.
-Je suis contente que tu ailles mieux, murmure-t-elle ses yeux plongés dans les miens.
Moi aussi je devrais l'être.
-Je crois que je vais dans la bonne direction.

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Twins
Teen FictionMarylou n'a jamais vraiment su surmonter la mort de sa sœur jumelle. Cinq ans que Camille est morte, cinq ans que Lou' se sent vide à l'intérieur. Hantée par des souvenirs bien trop limpides, elle peine à remonter la pente. Et ce n'est non pas une...