Chapitre 58

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- Félicitation ! C'est super que tu ais repris le piano !

-Oui c'est tout récent.

Je ne peux cacher la pointe de fierté que je ressens. C'est naturellement que l'envie m'est venue de lui parler du concours.

-Et mes oreilles n'ont presque pas saigné lorsque j'ai écouté les passages des violons après.

Elle rigole doucement, mais semble comprendre le sous entendu.
Nous sursautons toutes les deux lorsque son téléphone sonne. Elle se lève pour l'attraper, tandis que je sors le petit Mp4 ma poche. Il est 19h passé. Je n'ai plus aucune notion du temps.

-Oui il est tard, rigole-t-elle, Polly doit penser que je suis partie sans elle.

Je me lève aussi en lui souriant et me dirige vers la porte, ne voulant pas la déranger plus longtemps. Je l'ai déjà retenu un moment. Elle saisit la hanse de son étui et s'apprête à me rejoindre, mais son regard se perd vers l'étagère que je contemplais moi même il y a quelques minutes.

-Tu veux peut être le reprendre ? me demande t-elle d'une petite voix en désignant le trophée de Camille.

Ca lui coute, je le sais, mais elle a la bonté de mettre son attachement de côté pour penser d'abord à moi, la jumelle de sa défunte élève qu'elle n'a que très peu connue. T'avais raison Cam', Laure est une personne formidable. 

-Non, ça me plait bien qu'il soit là. C'est comme si elle continuait à vivre ici. Ca lui aurait fait plaisir de laisser une trace ici, elle aimait cet endroit du plus profond de son cœur. 

Cette constatation me frappe. Camille est toujours là. Elle vit à travers les objets qu'elle possédait, les endroits qu'elle fréquentait et les gens qu'elle a touché. 

Ses mots semblent faire autant de bien à la violoniste qu'à moi. Elle me rejoins près de la porte et nous descendons toutes les deux les escaliers. Elle me dit de l'attendre deux minutes lorsque nous atteignons le secrétariat. Nicole est toujours là, mais j'aperçois les couettes brunes de Polly près d'elle. Cette dernière a la tête penchée sur la table et semble entrain de dessiner avec une grande application. Laure l'interpelle et à la seconde où elle lève la tête et reconnaît sa mère, elle se jette dans ses bras.

-ça va, je n'ai pas été trop longue ?

Elle semble s'adresser à la fois à sa fille et à sa secrétaire.

-Tu sais très bien que non voyons. Elle est adorable, renchéri-t-elle en levant les yeux au ciel.

Polly récupère ses coloriages et les fourre dans son cartable.

-Avec Maureen et Fred, on a installé la salle pour l'orchestre, raconte-t-elle.

Maureen et Fred... Maureen et Fred... Maureen et Fred !
Je me souviens d'eux. Maureen était ma première professeure de solfège et Fred le chef de l'orchestre des jeunes. Je les voyais presque tous les jours. Comment ai-je pu les oublier ?
Au même moment, tous les deux apparaissent dans l'encadrement de la porte face à moi, qui donne vers la salle des prof. Ils sont identiques à mes souvenirs, bon sang suis-je la seule à avoir vieilli ?

-La furie ne vous a pas trop épuisée ?

-Non, elle a juste mélangé toutes mes partitions mais sinon tout va bien.

Laure fait les gros yeux à sa fille et je rigole devant l'air innocent, mais complètement craquant de cette dernière. J'aurai dû me taire. Les cinq paires d'yeux de la pièce se tournent alors vers moi. J'aimerais me faire encore plus petite que je ne le suis déjà, et par la même occasion, arrêter le rougissement qui me brûle les joues.
Maureen plisse les yeux, semblant en pleine réflexion et tentant probablement de mettre un nom à mon visage. 

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