Chapitre 71

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Lorsque j'ouvre mes paupières ce matin, je me sens étrangement légère. Si paisible. Peut être que cela est du au sourire qui ornait mon visage hier lorsque je me suis endormie. Ou alors, cela provient de la perspective de cette journée.
Je tâte ma table de chevet à la recherche de mon téléphone ou d'une quelconque source de lumière. Mes doigts parcourent le fil électrique de ma lampe jusqu'à trouver l'interrupteur et l'actionner. Mes yeux sont aveuglés par la trop forte intensité de l'ampoule et je dois attendre quelques secondes pour que les petites taches noires s'estompent de mon champ de vision. Mon cellulaire en main, je l'allume en me recroquevillant sous ma couette. L'horloge indique 9h. Je suis dans les temps.

Je fais mon petit tour quotidien sur mes quelques réseaux sociaux et réponds à Ani. Elle n'a pas arrêté de me harceler la veille afin de savoir comment s'était passer mon repas avec Isaac et Sam. Je n'ai pu lui répondre que très tardivement, étant donné qu'ils sont partis en toute fin d'après-midi. Je me souviens encore de leur visage baigné de larmes lorsque le film s'est achevé. Le mien était impassible. A force de le regarder en boucle, mes pleurs ont fini par se tarirent. Cela m'a valu des insultes de la part des deux autres qui me traitait de monstre sans cœur.

Je me résigne à me lever de mon lit, prête affronter cette journée, enfin. Je rejoins mes parents tranquillement dans la cuisine et me permets de petit déjeuner devant la télé. Ma mère ne montre aucun signe de désapprobation alors je m'installe confortablement dans le canapé et attrape la télécommande. Quelques minutes plus tard, elle monte à l'étage terminer son travail et me laisse seule avec mon père qui se tue à nettoyer de fond en comble la cuisine. Une belle occupation pour son jour de congé hebdomadaire. Il astique grossièrement le tout, la tête un peu ailleurs. Or, il sait que d'ici une heure et demie, il sera temps de partir, comme je leur ai demandé la veille. 

Une trentaine de minutes plus tard, je débarrasse le reste de mon déjeuner et file à la douche. J'accompagne ma toilette de bonnes musiques et me retrouve à danser toute seule devant mon miroir. Chanter du Olivia Rodrigo à tue-tête n'a jamais été aussi bien.
La vue de ma trousse de maquillage m'encourage à mettre du mascara et du blush, mais pas plus étant donné la chaleur prévue aujourd'hui. En planifiant ma journée, j'avais au préalable, porté scrupuleusement attention à la météo. Un bon 27°C est  aujourd'hui et pour une fois, je décide de croire la météo sur parole et d'enfiler une petite robe. Je prends même l'initiative de me faire quelques boucles au lisseur afin de donner à mes cheveux le volume dont ils manquent cruellement au naturel. Un résultat bancal et quelques brulures aux doigts plus tard, je suis prête.

J'enfile simplement ma paire de stan smith et toque à la chambre de ma mère, pour la prévenir que c'est l'heure. Elle m'indique qu'elle arrive et je rejoins mon père en bas. Ce dernier semble déjà prêt et admire fièrement notre cuisine qui parait maintenant flambant neuve.

—Beau travail.

Il me remercie avant de se retourner vers moi avec un temps d'arrêt. Je le vois me détailler de la tête aux pieds pendant longtemps. Trop pour être normal;

—Il y a un problème ?

—Non bien sûr que non, réplique t-il en agitant la tête, tu es juste très belle ma chérie.

Les creux de mes lèvres s'étirent en un radieux sourire et je pose ma tête sur son épaule en guise de remerciement. C'est à ce moment là que ma mère choisit de descendre en trombe des escaliers. 

—Je n'arrive pas à accrocher cette merde, s'énerve-t-elle en secouant son bracelet.

J'accours à son aide tandis que mon père attrape les clés de voiture. Leur effort vestimentaire est lui aussi à souligner. Ma mère porte une jolie robe longue et je remarque même qu'elle a pris soin de se lisser les cheveux. Mon père lui, est vêtu d'un bermuda blanc et d'un simple polo, mais n'en reste pas moins élégant pour la saison.

Chacun de nous a conscience qu'il est l'heure de partir, mais aucun n'ose s'engager vers la porte. Je surprends mes parents se regarder tendrement et je me rends compte que cela fait bien longtemps qu'ils ne se sont pas disputés. Leurs traits ne sont plus tirés par la fatigue et leur front n'est plus ridé par le soucis. Le simple fait de m'en apercevoir me fait chaud au cœur. Même si le  déménagement avait pour but de redonner un souffle à la famille mais aussi à leur couple, j'avoue avoir pensé que tout était déjà perdu d'avance. Que les fissures étaient trop grandes pour être recollées. Je me suis bien trompée. Visiblement, le soleil de la ville nous va bien au teint. Ce changement radical de vie nous a tous un peu sauvé. 

—Bon on a tout ? questionne ma mère une dernière fois en fouillant dans ses poches.

Je réfléchie un instant avant que ça me saute aux yeux.

—Merde, Camille, chuchotais je en traversant le salon.

Des rires se font entendre de l'entrée et je ne peux réprimander quelques gloussements face à l'ironie de la situation.

***

Je sors et un vent chaud me balaye le visage. Pour une fois que la météo ne se trompe pas. Ma mère fait quelques réflexions sur le temps, qu'elle trouve bien trop chaud à son goût en se dirigeant vers notre Peugeot. Mon père lève les yeux aux ciels mais j'aperçois son air grimaçant lorsqu'il ouvre la portière côté conducteur. L'intérieur de la voiture est un véritable four. C'est à ce moment précis qu'il doit regretter d'utiliser le garage comme fourretout plutôt que comme garage. Je m'installe à l'arrière sur le cuir brulant du siège qui me cuit les cuisses et me fait frissonner. Mon père démarre la voiture sous les plaintes de ma mère et ouvre toutes les fenêtres du véhicule.

Nous roulons un bon quart d'heure afin de rejoindre le centre-ville. Je joue le rôle de GPS en indiquant méticuleusement à mon père la route à emprunter. Lorsque l'idée m'était venue en tête il y a quelques jours, il était hors de question pour moi de faire ça sur une plage qui regorge de touristes et de vacanciers. Je voulais quelque chose d'intime, de privé. J'ai alors tenté de me remémorer les nombreux circuits que nous avons empruntés avec Chris lors de nos footings hebdomadaires. Au final, c'est lui qui m'a fait découvrir la ville en changeant régulièrement de piste. Je me suis alors souvenue de cette petite plage à l'entrée du centre qui était toujours complètement déserte.
Je suis presque sûre d'y avoir vu le panneau "plage privée", mais ce n'est pas un écriteau qui va me refuser l'accès à cet endroit parfait pour l'occasion.

Lorsque nous arrivons à destination, je remarque qu'une fois de plus, la plage est dépourvue d'être humain. C'est du gâchis d'empêcher les gens de venir ici si c'est pour que les propriétaires n'en profitent pas. Au même moment, je sens mon téléphone vibrer dans ma main et reçois un message d'Isaac.

—Isaac vient de me dire qu'ils arrivent dans cinq minutes, annonçais je en un froncement de sourcil. De quoi il parle ?

Mes parents échangent un regard complice puis ma mère se retourne vers moi.

—On leur a dit qu'ils pouvaient se joindre à nous pour la matinée et que vous pouviez passer le reste de la journée ensemble, ça ne te dérange pas ?

-Non bien sûr que non, la rassurais je en constatant sa mine inquiète.

A vrai dire, je suis un peu surprise. Je m'attendais à passer ce moment en famille. Ce n'est pas un évènement des plus banals que nous nous apprêtons à passer. Si personnellement, l'idée me ravie, je n'aurais pas pensé que mes parents leur proposent et acceptent une telle requête.

Je tape un rapide "ok" sur le clavier de mon smartphone et sors enfin de la voiture pour rejoindre mes parents.

—Lou' c'est une plage privée ! m'alarme soudainement ma mère en agitant les bras.

Je lève les yeux aux ciels et la devance dans l'allée.

—ça fait sept mois qu'elle est vide.

Elle croise les bras et me regarde sévèrement. Elle veut me montrer qu'elle désapprouve cette méthode mais elle comme moi savons que quoi qu'il arrive, je ne vais pas renoncer. Elle sait très bien que j'irai jusqu'à la tirer par la peau des fesses.

—Il faut vivre dangereusement maman, les règles sont faites pour être transgressées.

Je ne la vois pas mais devine qu'elle roule des yeux alors que je me moque ouvertement d'elle. Je m'apprête à descendre les escaliers de bois qui bordent la dune mais suis retenue par une voix que je ne connais que trop bien.

—Lou' ?

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