Twins

Chapitre 26

Mes connaissances en matière de rugby sont très limitées, voir complètement inexistante. Bien que mon père soit un adepte de ce sport, il n'a jamais réussi à me transmettre sa passion. Cet échec constitue probablement son plus grand regret dans mon éducation. Ma conscience me susurre que j'aurais dû, tout de même, m'intéresser un minimum aux matchs que mon paternel regardait le soir à la télé, puisque je suis totalement perdue lors des quinze premières minutes de jeu. Je reste scandalisée devant les placages, ne pensant pas une seule seconde au début de la partie, que de telles violences étaient autorisées dans un simple championnat de lycée. Bordel, est-il possible de finir ne serait-ce qu'un seul match en vie ?
A mes côtés, Sam et les autres crient à pleins poumons, tantôt sur les joueurs, tantôt sur l'arbitre, sans que je ne sache pourquoi. J'essaye tant bien que mal de lui demander des informations, mais elle est tellement impliquée dans le jeu qu'elle ne m'écoute que d'une oreille. Même Anastasia semble captivée par la partie. C'est au moment où le public entame un chant, visiblement connu par tous les supporters du lycée, que je prends réellement conscience de l'importance de ce sport. C'est une religion ici. Peu d'établissements iraient jusqu'à supprimer une après-midi entière de cours pour un simple match.
A la demi-heure de jeu, j'arrive à peu près à m'y retrouver. Je ne sais toujours pas pourquoi tous les étudiants crient sur l'arbitre mais, désormais, je crie moi aussi avec eux. Et étonnamment, j'y prends beaucoup de plaisir. Lors de la pause, notre lycée est mené 14 à 20. Sam témoigne haut et fort à quel point elle est exaspérée par le jeu "minable" de notre équipe et s'empresse d'envoyer un message à Isaac, lui disant subtilement de se bouger le cul, bien qu'elle sache qu'il ne verra ce texto d'encouragement rempli d'amour qu'à la fin du match. Le blondinet n'a pas encore marqué de but, d'essai pardon. Je ne sais pas si c'est normal, peut-être qu'il est défenseur ou quelque chose comme ça. Je ne sais même pas s'il y a des postes au rugby, ou si les joueurs se déplacent façon électrons libres. Il faut dire qu'avec leur délire de passe en arrière, c'est d'un compliqué ! Je préfère le foot.

La mi-temps touche à sa fin et les joueurs font leur retour sur la pelouse, le visage fermé. Le coach a poussé sa crise. La tension est palpable dans tout le stade lorsque l'arbitre siffle le commencement de la seconde mi-temps. Notre gradin se met à scander le nom de joueur que je ne connais pas. Madison s'occupe d'éclairer ma lanterne puisqu'elle semble la moins absorbée par le match dans notre groupe et que, de toute manière, Sam est bien trop impliquée dans ses grands gestes de bras. Cinq petites minutes suffisent pour qu'un joueur des red shark stoppe en pleine course le numéro 24 avec un plaquage qui me semble extrêmement grossier. Isaac s'écroule au sol sous le choc. Je me lève d'un bond.

-NON MAIS ÇA VA PAS LA TETE ?!

Or, je suis la seule debout sur mon siège et personne ne semble avoir crié avec moi, face à cette faute d'assassin. Pour une fois que je croyais être dans le bon timing. A la place, tous les regards se tournent vers moi une fraction de seconde avant de se reconcentrent sur le match. Je deviens rose pivoine et m'empresse de me rasseoir, sous les éclats de rire de Sam.

Les équipes sont maintenant à égalité et la fin du match est imminente. Toute la tribune est debout, hurlante, afin d'encourager nos athlètes durant les dernières secondes. Le ballon est à l'adversaire mais soudainement, mon numéro 24 semble avoir un éclair de génie puisque avec une bonne lecture du jeu, il parvint à contrer une passe et à récupérer le ballon. Le numéro 36, qui est aussi le capitaine de l'équipe, s'empare du précieux ovale et se met à courir à toute vitesse afin de traverser le terrain avant la fin du temps réglementaire. 5, il élimine un joueur sur son passage dans une parfaite esquive. 4, il en évite un deuxième de justesse. 3, il perd un peu ses appuis mais se ressaisit. Il est à deux doigts d'y arriver. 2, il marque l'essai de la victoire. 1, je me tourne vers Sam...