Twins

Chapitre 22

-Je rêve, comment oses-tu parler ?! Tu crois que je ne te vois pas reluquer Emma en histoire ?

Isaac prend un air innocent lorsque Sam le pointe du doigt, alors que je décapsule trois bières sorties tout droit du réfrigérateur. Dix-huit heures a sonné et la fin de notre motivation pour travailler aussi. Nous sommes descendus il y a une vingtaine de minutes, le cerveau fumant et les yeux fatigués, bien que le devoir ne soit pas à proprement dit "fini". Attablé au bar de ma cuisine, Isaac ne cesse de faire des réflexions sur la vie sentimentale de Sam qui perd de plus en plus patience.

-Emma... La Emma à côté de moi en math ? m'offusquais-je.

Sam approuve d'un hochement de tête exagéré, tout en lançant un regard triomphant au principal intéressé qui devrait pourtant savoir, depuis le temps qu'ils se connaissent, que la rouquine a des yeux partout.

-La fille qui passe son temps à dessiner des petits cœurs dans les coins de ses cahiers et qui a refusé de faire le TP d'svt la semaine dernière, par peur d'abîmer ses faux ongles ?

J'avoue ne jamais m'être figuré que quelqu'un comme Emma serait son style. 
Sam explose de rire pendant qu'Isaac passe une de ses mains dans sa tignasse d'or en bataille. J'ai remarqué que ce geste lui était habituel lorsqu'il est embarrassé ou confus.

-Le cliché parfait du sportif abruti.

Isaac lui lance le coussin du tabouret à côté du sien à la figure ce qui ne fait qu'empirer les gloussements de Sam. 

-Il aurait fallu lui acheter une rose le mois dernier, elle serait tombé à tes pieds.

Je tente de reprendre un rythme de respiration normal en attendant une quelconque riposte d'Isaac, mais cette dernière ne vient pas.

-Ne me dis pas que... crie-t-elle sans achever sa phrase, espérant surement que ce dernier la contredise avant.

Cependant, il ne le fait pas et se mord la lèvre. Sam, hilare comme jamais, se prend la tête dans les mains, pendant que je pouffe en tapotant le dos du misérable don Juan.

-Toi tu peux parler ! me lance-t-il à la hâte, bien content de détourner l'attention de lui. Tu crois qu'on ne voit pas les clins d'oeil que Chris te lance dans les couloirs ?

-Bon, il est tard vous devriez y aller non ?

Ils pouffent tous les deux mais ne rechignent pas. Ils finissent leur bière respective, les descendant d'une traite, et récupèrent leurs affaires.

-Je me suis beaucoup instruite aujourd'hui, lance Sam alors que je les raccompagne jusqu'à ma porte d'entrée. Premièrement j'ai appris qu'Isaac est encore plus con qu'il n'y paraît, que sœur Marylou ose boire en pleine après-midi et qu'en plus elle veut fricoter avec un garçon.

-Je ne suis pas si pure que ça.

-Écris-lui une chanson.

-Dehors sale bête, grognais-je en poussant Isaac vers la sortie.

Sam m'embrasse et me souhaite un bon week-end tandis qu'Isaac m'envoie des bisous dans les airs que je fais exprès de refuser. Il s'offusque avant que Sam l'entraîne sous un crépuscule rosâtre à couper le souffle. Alors que je m'apprête à rentrer, Isaac se retourne soudainement et m'interpelle.

-Au fait, vendredi prochain on a un match et je fais une pool partie pour l'after. Tu es obligée de venir. Ton mec y sera.

Je lui envoie mon majeur tandis qu'il s'engouffre dans la rue sous les réverbères déjà allumés. Je soupire avant de rentrer chez moi.
Je suis exténuée. La journée a été longue et je regrette ma courte nuit de la veille. La faute à un devoir de math. Pour changer. Je débarrasse les bières puis monte dans ma chambre. Le sol est jonché de cahiers et papiers, et la vue de ce bordel ne fait que me décourager davantage. Je m'allonge sur mon lit et m'autorise à fermer les yeux cinq minutes.