Je m'engouffre dans la foule sans trop savoir où aller. Je vagabonde entre les corps dansants, désespérément à la recherche d'une grosse touffe de cheveux roux qui se baladent en titubant. Aucune trace de Sam. Je l'appelle une dizaine de fois sur son téléphone mais tombe toujours sur sa messagerie. Je perds patience rapidement, exaspérée par les lycéens ivres morts. L'ambiance pesante et la chaleur de la maison me font suffoquer. Je suis prise de vertiges et sens mes jambes se dérober. Je me dirige donc vers l'extérieur et prends une longue et grande bouffée d'air frais. La musique commence à me taper sur les nerfs et l'odeur de l'alcool mélangée à celle du tabac ou de je ne sais quoi d'autre, me retourne l'estomac.
Je traverse le jardin jusqu'au fond afin de me trouver au plus près de la mer. Suzanne a une chance incroyable de pouvoir se lever tous les matins avec une vue imprenable sous l'océan. D'une certaine manière, moi aussi j'ai acquis ce privilège en déménageant dans une station balnéaire. Tout ça est juste encore un peu trop frais pour que j'en prenne totalement conscience.
Tout a tellement changé en si peu de temps.
Je m'avance vers le sable tout en observant les rayons de la lune qui se reflètent sur les vagues d'une manière scintillante et lumineuse. L'horizon est difficile à distinguer dans la nuit noire, mer et ciel se confondent dans un profond trou noir. Je m'installe sur le sable froid et soupire, morte de fatigue. Mes pieds sont en feu et je peux prévoir aisément que ma voix ne sera que murmure et souffrance durant plusieurs jours. Je laisse mes paupières qui deviennent de plus en plus pesantes, se fermer et écoute le bruit des vagues me bercer pendant de longues minutes.-Tu devrais t'occuper de ta pote. Elle se vide de tous ses organes dans les toilettes et bloque l'accès.
Bordel. Je me retourne précipitamment vers une fille, que je reconnais comme une amie de Suzanne. L'espace d'un instant, j'ai oublié Sam. J'aurai dû la chercher plutôt que de m'éclipser. Je fais une piètre amie.
Je bondis sur mes deux pieds et demande à la dénommée Jenny où Sam se trouve. Elle m'indique l'une des salles de bain du premier étage et me demande, sans aucune politesse, de soigner mon épave de copine. Je ne relève pas sa remarque et m'éloigne de la mer à grandes enjambées, suivant de près ma camarade d'anglais.
La fête bas toujours à son plein à l'intérieur, mais les personnes sobres se font rares. Cependant, il semble y avoir moins de monde, et la musique ne me parait plus aussi forte. Je gravis les marches du premier étage et tombe nez à nez sur une file de fille attendant devant une porte.
-Dépêche-toi un peu ! grogne l'une d'entre elle. T'es pas la seule à vouloir pisser ici !
Je m'excuse auprès des filles et leur conseille de trouver un autre toilette. J'entre alors dans la salle de bain et retrouve Sam affalée sur le sol et la tête dans la cuvette. Je me précipite vers elle, sans savoir quoi faire. Après une once d'hésitation, je la prends dans mes bras, rongée par la culpabilité. Je ne suis pas très tactile ou démonstrative en général. Mais étonnement pas ici, pas avec Sam. Elle me tapote le bras et j'y vois un signe d'urgence. J'ai à peine le temps de rediriger sa tête vers la cuvette qu'elle extériorise l'alcool en se vidant. Je lui attrape les cheveux et la laisse vomir durant de longues minutes, caressant son dos bouillant.
-Louuuuuuu, je crois que j'ai un tout petit peu trop bu, dit-elle d'une voix pâteuse et enrouée.
-Tu crois ?
Je souris malgré moi et dégage une mèche de son visage pour qu'elle puisse reprendre son affaire. Une fois qu'elle me fait bien comprendre qu'elle a fini, je l'aide à se relever, attrape son sac et sors de la salle de bain avec son bras sur mon épaule. Je tente tant bien que mal de la sortir de la maison sans qu'elle se rétame au sol. Une fois la dure étape des escaliers passée, je me dirige vers la voiture en remerciant le ciel de nous avoir permis de nous garer suffisamment prêt. Je l'installe à l'arrière et la couvre d'un gilet qui trainait sur la banquette. Je prends bien soin de fermer à clé la voiture et retourne à l'intérieur pour prévenir Isaac. Je n'ai pas beaucoup de mal à le trouver puisqu'il est toujours installé sur le canapé du salon, avec l'équipe de rugby.
-Tiens, te revoilà toi ! lance Chris en me voyant arriver.
Je me dirige directement sur Isaac sans relever, et lui explique la situation au creux de l'oreille. Je n'ai pas besoin de beaucoup insister puisqu'il se lève instantanément et m'indique que nous rentrons. Il dit brièvement aurevoir au reste de la bande, me prends par l'épaule et nous quittons la soirée, à trois heures du matin passé.
-Elle est bien amochée, constate Isaac d'un air consterné en découvrant Sam à moitié morte sur la banquette arrière de sa Mercedes.
Je soupire puis me dirige vers le siège passager à l'avant mais Isaac me lance les clefs avant que je puisse ouvrir la potière. Je pose sur lui un regard interrogateur en fronçant les sourcils.
-Quoi ? Sam m'a dit que tu ne comptais boire qu'un petit verre en début de soirée, n'est-ce pas ?
Je comprends alors les pouces levés qu'elle lui a adressés à notre arrivée, juste après m'avoir demandé si je comptais boire. Tout prend son sens.
-C'est une blague ?
-Lou', j'ai bu quelques bières et Sam n'est pas non plus en état de conduire.
-Je n'ai même pas mon permis !
Ok, j'ai mon code et j'ai déjà conduit plus d'une fois la voiture de mes parents dans les rues étroites et biscornues de la campagne. Mais conduire en plein centre-ville, qu'on soit tôt le matin ou en pleine après-midi, c'est autre chose.
-Personne ne va nous arrêter, ne t'en fais pas ! m'assure-t-il, comme si cela était évident.
-Je t'assure qu'on a plus de chance d'avoir un accident moi au volant que toi conduisant bourré !
-Tu n'as pas le choix poupée.
Il me pousse et s'installe à l'avant, sur la place passager qui aurait du être mienne. Je souffle péniblement, mais m'avoue vaincue en me dirigeant vers le siège conducteur.
-Si on a un accident et que la voiture se retourne sur le bas-côté nous emportant, Sam et moi, dans les profondeurs de l'enfer. J'espère que tu t'en voudras toute ta vie.
Il explose de rire et je démarre.
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Twins
Roman pour AdolescentsMarylou n'a jamais vraiment su surmonter la mort de sa sœur jumelle. Cinq ans que Camille est morte, cinq ans que Lou' se sent vide à l'intérieur. Hantée par des souvenirs bien trop limpides, elle peine à remonter la pente. Et ce n'est non pas une...