Chapitre 9

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Je me lève complètement exténuée. Mon réveil sonne depuis 25 bonnes minutes mais ce n'est que maintenant que je me force à bouger. Je sors péniblement de mes draps avec la sensation de tournis et me dirige en titubant vers la salle de bain. Les cours commencent dans 20 minutes. Je suis dans la merde. Mon ventre se tord dans tous les sens et je me retiens de vomir. En passant devant le miroir, je constate tristement l'ampleur des dégâts. Je suis affreuse. Mes yeux rouges sont tout bouffis et mes pupilles dilatées. De grandes cernes violacées soulignent le bas de mes orifices ce qui contraste parfaitement avec la pâleur à faire peur de ma peau lattée. Mon cruel manque de sommeil me fait don d'une atroce migraine et de fortes courbatures.

Une belle journée en perspective.

Je n'ai pas la foi de rectifier le tir à coup de maquillage et de beaux vêtements. Je ne veux faire aucun effort. J'enfile donc un jean et un gros sweat, relève mes cheveux en un chignon approximatif et passe simplement de l'eau micellaire sur mon visage pour dire de. J'hésite un moment en louchant sur mon anticerne, bien consciente que jamais il ne me sera plus utile qu'aujourd'hui, mais mon retard considérable me fait abandonner l'idée de passer un bon dix minutes à me l'appliquer correctement. Les autres devront me supporter sous mon plus mauvais jour, mon véritable jour. J'attrape mon sac et marche sur la pointe des pieds jusqu'au haut de l'escalier. Une fois certaine que je ne risque pas de croiser mes parents, je descends les marches à toute allure et me précipite vers la porte d'entrée.

J'inspire et remplis l'intégralité de mes poumons d'air frais alors que je me tiens encore sur mon palier. Je savoure la sensation du froid qui traverse mon corps, me faisant tousser. Je m'élance ensuite d'un pas rapide en espérant encore pouvoir avoir mon bus. Bien que ce dernier soit bel et bien en retard, il ne l'est pas assez pour me laisser la possibilité d'y monter, et me dépasse à deux pâtés de maisons l'arrêt.
J'ai une poisse monumentale.
Je perds toute conviction et me résigne à faire le chemin à pied sous ce ciel gris. J'arrive au lycée un bon quart d'heure après le début des cours et me retrouve donc à arpenter les couloirs vides du bloc scientifique. Je commence par des sciences. L'horreur
Je hôte l'épaisse capuche de mon sweat, toque doucement à la porte et pénètre dans la salle une fois que l'on m'indique d'entrer. Une fois entrer, je ne sais plus où me mettre. J'ai honte. J'essaye de rester la plus neutre possible et de ne rien laisser paraître, comme je sais si bien le faire, mais mes yeux me trahissent. N'importe qui pourrait comprendre que j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. 

-Et bien, mademoiselle Martines ?

-Excusez-moi de mon retard, annonce-je de ma voix cassée du matin.

Le professeur remarque surement que je ne transpire pas la joie de vivre et me laisse m'installer à ma place en gardant, Dieu merci, ses questions pour lui. Je traverse vigoureusement les rangées en veillant à ne croiser le regard de personne.

Mes deux heures de sciences se terminent plus rapidement que je ne l'aurais cru et je suis presque étonnée d'entendre déjà la sonnerie retentir. Malheureusement, ce fait n'est pas dû à la pertinence et à l'intéressement que j'ai porté au cours, mais bien aux nombreux moments où mes yeux se sont fermés et où j'ai pu m'assoupir.
J'élimine cependant, tout épuisement lorsque la fin du cours est signalée, et passe la vitesse pour sortir de la salle rapidement. J'ai compris depuis, que le premier jour n'était pas une exception. Sam et Isaac m'ont trouvé ce je ne sais quoi, et son bel et bien décider à me tenir compagnie cette année Or, moi, je ne leur ai rien demander. Encore moins ces regards inquiets qu'ils m'ont lancé pendant le cours où les messages que j'ai reçu et que j'ai ignorer. Alors pour éviter toute interaction, je n'ai  jamais été aussi pressé d'aller en maths.

Mr Druffus ne m'accorde pas la moindre attention depuis mon arrivée comme il n'accorde pas la moindre attention au reste des élèves, du moins à ceux qui ne participent pas et qui ne sont pas promus à devenir de grands mathématiciens. Je pense donc qu'il me laissera tranquille. Je sors mes affaires et suis rejointe par ma chère et tendre voisine. Elle me lance un regard de dégoût  puis se détourne de moi. Elle semble décidée à ne pas m'adresser la parole et j'en conclus que cela est très bien comme ça. Le cours débute et je ne mets pas plus de cinq minutes à me désintéresser totalement des calculs et formules.

***

-Mademoiselle Martines ?

Je fronce les sourcils et me promets d'envoyer six pieds sous terre celui qui ose me réveiller. Je mets un moment à ouvrir mes paupières tant la lumière aveuglante de la salle m'éblouit, et à me souvenir d'où je suis. Mes menaces tombent cependant à l'eau lorsque mes yeux rencontrent ceux de Mr Druffus. Je n'ai aucun souvenir de m'être endormie, ni d'avoir ne serait-ce que fermer les yeux.

-Je vous ai réveillée peut-être ?

Je me redresse, morte de honte. Une nouvelle fois.

-Pardon, répondis-je en attrapant mon stylo comme si de rien était. Pouvez-vous répéter la question ?

Je tente de rester naturelle, en priant pour que mon repos ne fut pas trop long. J'évalue son taux d'énervement et suis chagrinée de savoir pertinemment que ce dernier risque d'encore augmenter. Même en temps normal, je suis incapable de répondre à une quelconque question de mathématique. Cependant je ne veux surtout pas faire preuve de mauvaise foi.

-Je vous demandais d'aller au tableau pour corriger les exercices qu'il fallait faire pour aujourd'hui.

Merde. Je n'ai pas fait mes devoirs hier, je n'avais pas la tête à ça. Je prends alors conscience de la journée catastrophique qui a commencé, et qui est loin d'être finie.
Je suis épuisée et n'ai même pas la force de trouver une excuse plausible. 

-Je n'ai pas fait mes exercice.

J'ai l'impression d'avoir commis le pire crime de la terre lorsque Mr Druffus lève les bras et se lance dans une série de reproche.

-Et bien, je vous félicite ! A peine une semaine que vous êtes ici et vous commencez déjà à prendre de mauvaises habitudes. Je ne sais pas comment c'était dans votre ancien établissement, mais ici, les règles sont strictes. Quelqu'un qui n'a pas ses devoirs et qui se permet de dormir alors qu'il y a des examens en fin d'année n'assiste pas à mon cours. Aller plutôt voir la proviseur.

-Mais...

-Ne discutez pas !

Super. Vraiment super.
Il ne sert à rien de protester alors je soupire, me lève et range mes affaires. Je traverse la pièce en trombe sans jeter un seul regard à qui que ce soit, alors que le professeur a déjà repris son cours sans se soucier de moi. Lorsque je ferme la porte, je libère mes muscles et sens les larmes rouler sur mes joues. Je suis presque surprise d'en avoir encore en stock, moi qui croyais ne plus avoir d'eau pour pleurer. Je me ressuis les joues à l'aide de la manche de mon pull, tout en me maudissant d'être aussi faible et de pleurer si souvent.
Je me suis promis mainte et mainte fois d'arrêter pourtant.
Je me dirige vers le bureau de la proviseure, en me concentrant sur ma respiration saccadée. Les exercices contre le stress que j'ai appris à la musique pour gérer l'anxiété avant une audition, me sont d'une très grande utilité au quotidien. Alors que j'essaye de ralentir les battements de mon cœur, je croise Chris au détour d'un couloir. 

-Ça fait beaucoup de coïncidences, tu ne crois pas ? 

-C'est vraiment pas le moment, répondis-je la mâchoire serrée en traçant mon chemin le plus rapidement possible.

Il s'arrête net et me regarde dans le blanc des yeux.

-T'as pleuré ? 

-Lâche-moi bordel !

Je le contourne et me précipite vers l'administration. Lorsque j'arrive devant le bureau, je m'assieds sur l'un des sièges devant la porte et me prends la tête dans les mains. Je suis triste, agacée, consternée, paniquée, déboussolée, honteuse et en colère. Le mélange est infect. J'aimerais avoir plus de temps pour me calmer, pour retrouver un rythme cardiaque régulier et des joues sèches, mais soudainement et trop rapidement à mon goût, madame Wang ouvre la porte. Elle s'apprête à aller je ne sais où, mais s'arrête dans son élan en m'apercevant. Elle semble étonnée de me voir de si bon matin, affalée sur une chaise et aussi apprêté que peut l'être un mort. Je ravale mes larmes et me lève pour la saluer, les ongles plantés dans la chaire de mes paumes.

-Bonjour Marylou, je ne m'attendais pas à te voir ! Tu vas bien ?

Bon dieu, j'en ai marre qu'on me pose cette question.

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