Nous restons dans cette position un moment. Je ne voudrais être nulle part ailleurs.
Constater la place qu'on pris ces deux là me rend à la fois terrifiée et tellement heureuse. J'ai découvert un tout autre aspect de ma personnalité avec Sam et Isaac. Ils m'ont apporté tant de choses, m'ont redonné foi. Certes, ma vie a énormément changé en sept mois, mais je ne m'étais pas encore aperçue que moi aussi. Et ils en sont pour beaucoup.Sam finit par émerger en relevant sa tête vers nous, comme si elle venait de se réveiller d'une hibernation. Je lui adresse un petit sourire rassurant et lui essuie la dernière larme qui lui reste sur la joue.
—Mon maquillage est foutu ?
—On dirait une folle.
Sam donne un violent lui coup dans le ventre du blondinet mais je doute qu'elle lui ait réellement fait mal. Une bonne odeur de lasagne toute fraiche se répand au premier étage et je salive d'avance. Je remercierai toujours Dieu de m'avoir donné une mère aussi bonne cuisinière.
—Je pensais que vous alliez m'en vouloir.
Isaac fronce les sourcils tandis que Sam ouvre grand les yeux. Pourquoi suis-je toujours obligée d'être aussi conne ? Maintenant que je les ai face à moi, je me rends compte que mes craintes étaient démesurées et infondées.
—C'est plutôt le contraire.
—Mais pourquoi ?
Je ne vois pas en quoi je pourrai leur en vouloir. C'est moi qui ai décidé de leur cacher la vérité. Et j'ai continué à la faire même quand tout se retournait contre moi. Je suis responsable de la tournure des évènements, eux n'y sont pour rien.
—Parce que j'aurai dû le voir ! s'écrie Sam à la hâte.
Elle s'en veut terriblement, elle ne devrait pas.
—Non, soupirais je en souriant, personne n'aurait pu le voir. Je joue très bien la comédie.
Trop bien même.
Je ne veux pas qu'ils culpabilisent pour une chose pareille. Je ne leur en veux pas, ils ne m'en veulent pas, c'est le principal. S'il y a bien une chose que j'essaye de faire en ce moment, c'est d'arrêter de ressasser le passé pour pouvoir aller de l'avant.—Mais tout va bien maintenant, vous n'y êtes pour rien. Je veux laisser ça derrière nous.
Isaac m'adresse un petit sourire triste ce qui donne naissance à ses deux merveilleuses fossettes. Je leur fais signe de se relever, étant donné que le parquet n'est pas des plus confortables et on s'installe tous les trois sur mon lit.
Un premier coup de tonnerre retentit, la météo ne nous a donc pas menti. Or ici, la tempête semble être enfin passée—C'est dingue, vous vous ressembliez vraiment comme deux gouttes d'eau, murmure Isaac.
Il scrute les photos accrochées au-dessus de mon bureau. Je n'ai même pas besoin de tourner la tête pour savoir qu'il parle du cliché de Camille et moi, au baptême du petit bout d'un collègue de mon père. Ce dernier ainsi que l'heureux papa s'entendaient très bien à l'époque, c'est donc tout naturellement qu'on fut invité lors du repas suivant la cérémonie à l'Église. Cependant, le couple a déménagé quelques mois plus tard lorsque la maman fut mutée à l'autre bout du pays. Je crois qu'ils ont gardé contact un moment, même après la mort de Cam', mais je serai incapable de dire si mes parents leur parlent toujours. Probablement pas. Le petit Rémi doit avoir bien grandi.
Sam lance un regard de travers à Isaac, mais ce dernier ne s'en rend pas compte. J'avoue qu'Isaac peut être extrêmement maladroit et manquer cruellement de tact par moment. Mais tout de suite, sa remarque ne me blesse pas, elle me fait même sourire.
—Oui, rigolais je doucement, c'était un enfer pour les autres de nous différencier.
Sam pivote elle aussi, sa tête vers la photo et je n'attends pas longtemps avant de voir apparaitre un petit rictus au creux de sa bouche. Il est vrai que nous sommes adorables sur ce cliché, c'est bien pour ça que j'ai décidé de l'afficher. Nos parents aimaient jouer sur notre ressemblance en nous habillant de la même manière. C'est pourquoi nous sommes toutes les deux vêtues d'une robe blanche et d'un serre tête dans les cheveux. Nos sourires éclatants dévoilent de nombreux petits trous dans notre dentition.
—Comment faisaient ils ?
—Au départ, c'était grâce à nos yeux. Cam avait les yeux vert de mon père et j'ai pris les yeux bleus de ma mère. Et puis, on ne le voit pas sur la photo mais déjà à cet âge Camille me dépassait niveau taille. Elle se moquait toujours en disant que c'était parce qu'elle était sortie en première.
Je me demande si à l'heure d'aujourd'hui, elle me dépasserait encore. Peut-être que sa croissance à elle aussi, se serrait arrêter au collège. Ou peut-être que je l'aurai même dépassé. A coups sur, j'en aurai profité pour me venger de toutes les fois où elle m'a traité de petite fille.
—T'as toujours été une naine.
J'attrape le premier coussin qui me tombe sous la main et le balance à la figure du blondinet. Il éclate de rire et fait mine de tomber en arrière sous ma démonstration de force.
—Et...ça ne te gêne pas qu'on en parle ?
Mon rire s'estompe et je me tourne vers Sam. Elle est peu sûre d'elle et prend la chose avec des pincettes, ce qui est assez inhabituel, surtout avec moi.
-Plus tellement. C'est toujours pas simple mais j'arrive à en parler beaucoup mieux qu'avant. Et puis, je pense que ça me ferait du bien de parler d'elle plus souvent, au lieu de tout garder pour moi.
Elle acquiesce en signe de compréhension et prend ma main dans les siennes. Elle la presse doucement et je lui souris.
—Ok donc tout va bien ? questionne Isaac.
Je ne sais pas s'il parle de notre relation ou de mon état, mais dans les deux cas, la réponse est la même.
—Ouais tout va bien.
Au même moment, ma mère nous appelle du rez-de-chaussée pour nous prévenir que nous passons à table. Nous nous levons comme un seul homme et les estomacs sur patte que nous sommes se dirigent à toute vitesse vers l'escalier. J'atteins en première les marches mais me retourne précipitamment ce qui freine mes deux acolytes subitement, manquant de les faire tomber à la renverse.
—ça va pas la tête ! s'écrient ils en même temps.
Je me tourne vers Sam et la dévisage. Elle ne comprend absolument pas ce que j'essaye de lui dire et me regarde bizarrement un moment. Puis elle a soudain une révélation, se retourne et accours à la salle de bain affolée.
—Je n'aimerai pas que tes parents fassent une crise cardiaque ! crie t-elle alors qu'elle ouvre le robinet pour nettoyer son visage de panda.

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Twins
Teen FictionMarylou n'a jamais vraiment su surmonter la mort de sa sœur jumelle. Cinq ans que Camille est morte, cinq ans que Lou' se sent vide à l'intérieur. Hantée par des souvenirs bien trop limpides, elle peine à remonter la pente. Et ce n'est non pas une...