Chapitre 16

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Je rentre à la maison totalement épuisée, les yeux maquillés d'anticerne et les jambes en pure compote de pommes. J'ai traîné chez Sam une bonne heure, le temps de me préparer et d'avoir une tête acceptable, mes parents n'étant pas censés savoir que j'ai passé la moitié de la nuit à danser.

-C'est moi ! criais-je en fermant la porte.

J'écarquille les yeux et tente d'avoir un air réveillé et naturel, ce qui n'est pas mince affaire. La voix de ma mère s'élève du salon et m'indique de la rejoindre. On dirait qu'elle est seule. Elle me fait un large sourire et je dois avouer que cela me réchauffe le cœur, après plus d'une semaine de froid. Cette simple trace d'affection me donne du courage, si bien qu'au lieu de monter directement dans ma chambre, comme j'avais prévu de le faire, je m'assoie à ses côtés sur le canapé.

-C'était bien ta soirée ? 

-Oui très bien, Mme Dunkan avait préparé de quoi manger le midi.

-Ne t'en fais pas, renchérie-t-elle tendrement, tu pourrais les inviter un de ces jours, tes amis ?

Une pointe de fierté perce dans sa voix à l'évocation de ce mot, amis. Elle n'a pas l'habitude de le prononcer. Avant, il se résumait à Ani. Mais moi aussi je commençais à croire qu'aujourd'hui était différent. 

Je n'ai jamais vraiment su pourquoi j'en avais si peu, la question ne m'effleurait que très rarement. J'avais ma bulle à moi, et j'avais bien trop peur que quelqu'un s'immisce à l'intérieur. Et pourtant, il n'a suffi que de quelques semaines pour que Sam et Isaac fassent partie de ma vie. Ce constat m'effraie tout autant qu'il me fait sourire. 

-Oui j'y penserai.

Je n'ai plus l'impression qu'elle me fait la tête. Sa bonne humeur et son sourire lui sont revenus. La tornade semble s'être calmée.

-Je suis désolée, murmurais-je la tête baissée.

-C'est oublié, tu ne pensais pas ce que tu disais, tout est rentré dans l'ordre.

Si, je le pensais mot pour mot.

A vrai dire, je ne m'excuse pas pour les propos que j'ai tenu, je ne m'excuse pas pour les horreurs que j'ai dites, je ne m'excuse même pas de croire en ces atrocités, je m'excuse pour avoir parlé aussi mal à ma mère. Et même si elle ne le comprend toujours pas, je me penche vers elle et la prends dans mes bras.

***

-C'est aujourd'hui ta colle ?

Nous sortons tous les trois de notre cours de math et voyageons dans les couloirs jusqu'à notre prochaine salle.

-Oui, à seize heures, réponds-je au blondinet d'un ton las.

La perspective de finir une heure plus tard pour une absurdité pareille ternit mon humeur.  Bien que, de toute manière, elle n'aurait pas été bien bonne tout au long de la journée. En effet aujourd'hui est un jour à marqué d'une pierre blanche, je retourne au conservatoire. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, lorsque ma mère m'en a parlé samedi dernier, j'ai accepté de rencontrer le professeur de piano. La perspective d'une potentielle reprise s'est bien évidemment dessinée. Un poids s'est enlevé de ma poitrine lorsqu'enfin, j'ai réussi à dire ces mots à voix haute. Cela faisait plusieurs mois que l'idée émergeait dans ma tête. Elle s'immisçait dans mes pensées dès que je posais mes yeux sur la grosse caisse de résonance qui encombrait ma petite chambre sous les combles de notre ancienne maison. Cependant, après avoir passé tant d'année à plaider le contraire de cette supposition, il a été difficile de la légitimer et de l'accepter. Pour être honnête, je ne me sens même pas complètement prête, mais ma mère a été l'élément déclencheur qui m'a poussé à forcer le destin, en espérant ne pas tout gâcher.

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