Chapitre 69 - Talinor, la cité de l'ombre

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        Ils avançaient dans la zone carbonisée, les chevaux s'agitant, comme si ils ne voulaient pas aller plus loin. Lenwë dû laisser Silonel retourner vers la plaine. Il n'avait pas à le forcer. Gïlraen laissa Turgwen faire de même, ce dernier devenant presque agressif. Ils continuèrent à pied, le sol sol sec et craquelé arborant quelques branches noircies, et plus aucun brin d'herbe. La nuit commençait à tomber, et en ce lieu lugubre, le jour ne semblait pas avoir sa place. Ils avancèrent jusqu'aux premières pierres. La grande muraille, l'enceinte protégeant la cité n'était plus qu'un petit mur de pierre, dont certaines roulaient et s'écroulaient encore, soulevant un nuage de poussière épais. Un nuage de cendre. Les restes d'une grande porte de bois et de fer était écrasée au sol, éventrée, brûlée, et les deux tours de gardes, une de chaque côtés de la porte, n'étaient plus qu'un amas de pierre informe. L'une d'entre elle avait le toit arraché et menaçait de s'écrouler, tenant de justesse debout, l'autre étant d'ores et déjà à terre. Un vent glacial se leva, soulevant alors des nuages de cendres qui piquaient les yeux des deux voyageurs qui se cachèrent le visage. Le vent apportait avec lui une odeur de souffre, de sang séché, et de putréfaction. Lenwë regardait ce triste spectacle, choqué, et Gïlraen observait. Il y avait de nombreuses lances qui étaient plantées dans la terre non loin de là, et elle détourna vite le regard, écœurée. Sur chacune de ces lances étaient empalés deux ou trois personnes, certaines étant nues. Il y avait même des enfants et des bébés. Des corbeaux se posaient sur ces traits, arrachant en croassant la chair des cadavres, et sur une partie du mur d'enceinte qui était encore debout, sur des créneaux, se trouvaient des cadavres de soldats. Lenwë se força pour faire un pas en avant, et vit à son tour se triste spectacle. Son cœur battait à tout rompre, tout comme pour Gïlraen, et il décida d'entrer dans la cité. Gïlraen hésita avant de le suivre, mais le fit malgré tout.

Ils traversaient une grande allée, de nombreuses statues de chaque côtés. Elles étaient toutes plus ou moins détruites, certaines ayant une tête en moins, ou alors arrachées de leurs piédestaux...les débris jonchaient les pavés teinté de sang séché, et de nombreux corps à moitié dévorés par des charognards traînaient partout. Ce spectacle désolant donnait un haut le cœur aux deux amis qui pressèrent le pas malgré eux. Mais Lenwë était sur ses gardes. Il avait l'impression que quelque chose planait dans l'air, autours d'eux. Gïlraen s'était un peu écartée, s'approchant d'un mur écroulé. Sous les décombres, des poupées de tissus déchirée et ensanglantées étaient isolées. Des gens étaient écrasés, des bras dépassant des pierres. Les murs aussi étaient en sang. Des corbeaux étaient posés sur les murs, les observant de leurs yeux noirs. Arrivant à la fin de l'allée, ils débouchèrent sur une grande place. Les maisons elles mêmes étaient affaissées. Les poutres écrasaient des personnes, la cloche d'une église avant même roulé sur des toits, avant de percuter un autre mur pour le faire s'écrouler. Le ciel emplis de nuages noirs commençait à gronder. L'orage arrivait. Lenwë sentit soudain quelque chose le faire frissonner. Un courant d'air frais, trop frais passait non loin de lui, lui tournoyant autours. Il le sentait. Il se tourna, et cru voir une lumière passer très rapidement derrière lui, disparaissant derrière un mur. Alors qu'il était figé, Gïlraen vit une poupée d'un autre genre écrasée sur le sol. Un poupée de bois articulée. Puis elle se retourna vers Lenwë, sentant sa nervosité qui l'étonnait. Lenwë était sur les nerfs, ses yeux scrutant la moindre pierre, perçant la moindre obscurité, dans toute les directions. Et surtout, sa main était sur le pommeau de son épée, prêt à dégainer.

« Lenwë ? Qu'y a-t-il ?

...Je sens quelque chose...il y a de nombreuses âmes ici...Et pas que des bonnes. Nous ne devrions pas rester ici trop longtemps.

Je ne comprend pas, il n'y a... »

Elle s'interrompit et regarda derrière Lenwë, les yeux écarquillés. Il se retourna et vit alors qu'une bougie était posée derrière lui. Elle était allumée. Petit à petit, d'autres lumières apparaissaient autours d'eux, et les croassements des corbeaux se firent assourdissant. Lenwë observait toujours, et vit alors de nouveau cette lumière qui semblait graviter autours d'eux. Elle devait être celle qui allumait les bougies. Gïlraen vit alors cette lumière à son tour et fut prise d'un violent frisson. Gïlraen lâcha alors la poupée qu'elle tenait, et rejoignit Lenwë.

Le dernier elfe noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant