Molly accompagna Ava jusqu'à sa salle. Après des années passées ensemble en cursus scientifique, c'était la première fois qu'elles n'étaient pas dans la même classe, et elle s'inquiétait comme une mère s'inquiète pour son petit le jour de son entrée au jardin d'enfants. Et puis, elle savait que l'attitude du frère avait blessé la sœur, même si cette dernière ne laissait rien paraître. Molly la rassurait :
— Dès que tu as fini, je viens te chercher, et on va manger.
Ava acquiesça et poussa la porte de l'auditorium. Une dizaine d'étudiants étaient déjà attablés, d'autres conversaient. Ava choisit une place solitaire, en bout de rangée, assez proche de la sortie pour pouvoir s'échapper.
La voix grave du maître de conférences retentit des haut-parleurs disséminés dans la salle inclinée et sonna le début de ce premier cours, riche d'informations, puis il se termina.
L'amphithéâtre se vida. Ava resta à corriger ses notes en attendant Molly. Un rire la déconcentra de sa tâche. Deux étudiantes descendaient les gradins : une grande blonde en mini-jupe et talons aiguilles, et une brune, plus petite, avec de gros seins qui débordaient d'un décolleté. Cette dernière s'appelait Sofie. Ava la connaissait : elles avaient été dans la même classe l'année précédente, mais Sofie était une langue de vipère, Ava l'évitait comme la peste. Elle pria pour qu'elle passe son chemin, mais sa copine blonde s'approcha et se présenta avec un sourire aussi artificiel que la couche de maquillage :
— Salut ! Je m'appelle Valentyn De Neuville. Tu es Ava Van Bloed, c'est ça ? J'essaie de réunir les gens de la classe. On va boire un verre, ce soir. Si ça te dit, tu pourrais venir...
— Non merci, coupa Ava. Et même si je venais, ce serait sans mon frère. Alors, c'est pas la peine.
— Tu n'es pas obligée de le prendre sur ce ton, rétorqua Valentyn. C'était un simple geste d'amitié. Sofie me disait que tu étais toujours seule dans ton coin, mais maintenant, je comprends pourquoi !
Elle s'en alla avec panache, le menton levé, le fessier encore plus, bien assis sur ses grands chevaux. Ava soupira de soulagement.
— Je n'arrive pas à croire que tu aies dit non !
Molly avait surgi dans son dos. Elle avait entendu suffisamment de la conversation pour s'offusquer de cette occasion manquée.
— Bon, c'est compréhensible, puisque c'est toi, poursuivit-elle. Mais, c'est notre premier jour à l'université, et tu es déjà en train de ruiner notre vie d'étudiante !
— Elle espérait que Leo se pointerait à leur soirée.
— Qui se soucie de ce qu'elle espère ? Il n'y aura pas qu'elle à cette soirée. Il y aura...
Elle fit une pause tant son cœur s'emportait.
— Des tas de beaux mecs... Tu es horrible, Ava ! Je voulais y aller, moi ! Je te préviens, je ne passerai pas ma vie d'étudiante célibataire. Je vais me trouver un petit copain sans tarder, et tu devrais faire de même. Tous les gens ne connaissent pas ta famille ici. La fac, c'est ta chance ! Je ne te dis pas de devenir une super star de l'université, comme la pétasse blonde qui vient de s'en aller, mais d'être juste une fille normale, avec un petit copain normal.
Mais Ava ne comprenait pas pourquoi Molly était obsédée par cette idée, non qu'elle y soit opposée, mais les garçons ne l'intéressaient pas vraiment, les filles non plus, aucun être humain en fait. Elle préférait les pierres et les plantes, tellement moins compliquées.
Entre autres choses, c'était une raison pour laquelle elle était en biologie et Molly en médecine : Molly aimait les gens, et les beaux mecs musclés à plus forte raison, quand Ava ne faisait qu'une différence organique entre les genres, et que les relations interpersonnelles l'ennuyaient.
— C'est pas que je ne veux pas de petit-ami. C'est juste que l'occasion s'est jamais présentée.
— Bien sûr ! explosa Molly. Tu crois que les petits copains, ça tombe du ciel ? Si c'était le cas, je ne serais pas célibataire plus de vingt-quatre heures par semaine ! Bon sang, c'est pas comme si tu ne pouvais pas en trouver ! Tu n'aurais même pas à en faire des tonnes pour en avoir des dizaines à tes pieds...
Molly jeta un regard dépité sur le corps mince de son amie, sur sa silhouette gracile, sa taille de guêpe, ses épaules fines, ses formes galbées alors qu'elle, elle avait des hanches d'hippopotame et pas de fesses ! La Nature était injuste : elle avait fait à Ava le don de la beauté, quand cette idiote ne se rendait pas compte qu'elle était « bien roulée ». Lui expliquer ne servait à rien, et puis Molly aurait eu seulement l'air de se plaindre à côté.
Mais si elle l'appréciait autant, c'était aussi pour ce regard sans égard pour les apparences qu'Ava posait sur les gens quand Molly était constamment prisonnière du regard des gens.
— Excusez-moi...
Une voix masculine encore juvénile les interrompit.

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Clan V
ActionLes temps ont bien changé depuis l'époque glorieuse où les vampires de légende chassaient les êtres humains pour se repaître de leur sang. Faibles et anémiés, dépourvus de crocs, ils comptent aujourd'hui sur le clan pour survivre. Avec ses membres i...