#32 Jeu de rôle (part 2)

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Lorsqu'Ewen arriva devant InStore RC, il trouva porte close. Pourtant, aucune pancarte n'indiquait que le magasin était fermé et les stores métalliques relevés laissaient entrevoir entre deux placards l'intérieur sombre et immobile. Ewen aurait cru les lieux déserts si une ombre derrière le comptoir n'avait attiré son attention. C'était Ez', le patron, qui, l'apercevant à son tour, vint lui ouvrir.

« Désolé, gamin, on est fermé... »

Son regard papillonnait sans se poser, le front plissé d'inquiétude.

« Quelque chose est arrivé ?

— Eh bien, Rik s'est fait serrer hier soir avec de la came sur lui. Il avait pas grand-chose, mais ces connards de keufs, je sais pas ce qu'ils ont, ils veulent pas le relâcher. Depuis ce matin, on fait des pieds et des mains pour lui trouver un avocat.

— Je fais des études de droit. Je connais quelques associations. Je peux peut-être aider ?

— Ça serait vraiment génial, mais... Je doute que tu puisses faire quoi que ce soit. Ils l'ont changé de commissariat, et depuis, ils n'arrêtent pas de nous balader. On ne sait même pas où ils l'ont emmené...

— Laissez-moi essayer. »

Le patron le considéra un instant sans bouger, puis il s'inclina, ouvrit la porte et s'écarta pour le laisser entrer.

« Après toi. »

Dans l'arrière-salle, ça gueulait :

« On a dit d'appeler à ce numéro ! C'est pas bien compliqué ! On veut juste parler à notre pote, putain de merde ! »

Ewen suivit Ez' à l'intérieur. La pièce était bondée de cartons de matériels audio neufs. Quelques-uns étaient sorties de leurs emballages et exposés. Dans un coin, un petit orchestre de variété électronique, une batterie, un synthétiseur, une basse, une guitare électrique et un microphone étaient câblés à une sono numérique. Juste à côté, se trouvait le bureau de gestion des stocks où tout un petit groupe de jeunes était amassé, deux en tailleur sur le sol, un sur une chaise pliante, et deux autres debout, parmi lesquels figurait Ji', le combiné d'un téléphone fixe à l'oreille, elle rugissait comme un lion en cage, en faisant les cent pas, pendant que l'autre lui courait après :

« Comment ça ? Vous n'êtes pas habilité ? Alors, dites-moi qui l'est !

— Ji' ! Pas la peine de t'énerver ! Passe-moi le tel ! »

Elle lui jeta rageusement le combiné qui manqua de s'écraser au sol. Ewen leva la main pour saluer l'assemblée. Elle se braqua vers lui et aboya :

« Mais qu'est-ce qu'il fait là, celui-là ?

— Je venais remercier une certaine personne de m'avoir aidé l'autre fois en l'invitant à prendre café, mais il semblerait qu'il y ait pour le moment d'autres priorités, répondit Ewen en retirant son blazer. Vous êtes en ligne avec qui ?

— Le secrétariat général de police », répondit un des gars, effondré de dépit sur sa chaise.

Ewen leva la main pour prendre le téléphone. Le type qui l'avait récupéré interrogea du regard le patron. Celui-ci haussa les épaules et donna un petit hochement de tête pour signifier que ça valait le coup d'essayer. Ewen prit le combiné : à l'autre bout du fil, une voix de femme, une secrétaire visiblement désemparée.

« Bonjour madame. Je suis monsieur Meyer, conseiller juridique pour la LDDC, la ligue de défense des droits civils, vous connaissez ? Je m'excuse pour l'attitude de mes clients. J'espère néanmoins que vous passez une belle journée, et que nous pourrons tous continuer de passer une belle journée. Comme vous avez dû le comprendre, nous cherchons à joindre monsieur... »

Clan VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant