Clan V

#46 Deux faces (part 3)

Il n'avait pas passé le carrefour que son téléphone branché en Bluetooth sur le poste radio signala un appel entrant.

« Oui, Leo ?

— Putain ! J'essaie de te joindre depuis dix-sept heures ! Tu foutais quoi, bordel ?

— J'avais un rencard avec une fille.

— Sérieux ? Tu crois que c'est le moment avec ces putains de chiens errants qui traînent sur notre territoire ? On commençait à s'inquiéter ! Visser t'a appelé plusieurs fois ! Même tonton a essayé ! »

Ewen grinça des dents. L'écran de son téléphone affichait plus d'une douzaine d'appels en absence, presque autant de SMS, et cinq messages vocaux, dont deux de son père. Ils n'étaient pas loin de déclencher un état d'urgence et de mettre tout le clan sur le pied de guerre.

« Je raccroche. Je vais rappeler papa avant qu'il alerte maman.

— Pas la peine. Je suis en train de texter Visser pour dire qu'on arrive. Tu penses être à la résidence dans combien de temps ?

— Maximum cinq minutes. Il se passe quoi ?

— Ils ont une piste. Ils nous attendent au terminal des conteneurs. Et devine quoi ? Je te l'avais dit !

— Quoi ?

— Tu te souviens du type qui tournait autour d'Ava ? Eh bien, j'avais raison : il est pas clean !

»

Maintenant tout était claire : Ewen comprenait pourquoi Leo était si remonté, lui qui était encore une loque humaine le matin même, quand ils s'étaient quittés.

« Ah ! C'est pour ça que t'es sorti de ton trou ? Dis-moi ce qu'il a fait, ce pauvre garçon.

— C'est pas drôle ! Il a dit à Ava qu'on était des vampires !

— Merde ! Donc, il sait qui on est.

— Évidemment ! C'est un bâtard de chien errant ! Je te jure, je le coince et je lui défonce la gueule jusqu'à ce qu'il me dise où il a planqué notre sang !

— Eh, doucement ! Je crois pas que ce soit un vagabond.

— Mais t'as entendu ce que je viens de te dire ?

— Je dis pas qu'il soit pas dangereux, je dis juste qu'il fait pas partie du groupe de vagabonds, du moins, je pense pas.

— Bah, ce serait quoi, alors ?

— Je sais pas, mais c'est pas rassurant.

— Je te le fais pas dire ! Heureusement, Ava l'a pas cru ni Molly.

— Oui, enfin, c'est pas ça qui me fait le plus flipper personnellement...

— Dans tous les cas, je vais lui faire comprendre qu'il a plus intérêt à approcher Ava.

— Ça risque pas d'arranger vos histoires... Je suis arrivé. T'es où ?

— Avance encore un peu. »

Ewen récupéra son cousin sur le bord de la route. Ils prirent la direction du nouveau port. À l'entrée du terminal, le portail automatique coulissa pour les laisser passer. Le rayon des phares en tournant balaya la silhouette de Visser qui leur faisait signe de se garer, juste sur la gauche, à côté de sa vieille Peugeot blanche à crottes d'oiseau.

Il les guida à travers la zone portuaire, mal éclairée, où étaient entreposées des montagnes de containers de métal colorés. Entre deux rangées, des spots d'une puissance aveuglante jaillirent devant leurs yeux. Ils traçait sur le fond ténébreux les contours des immenses portiques de manutention.