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— As-tu déjà entendu parler du cartel sanguinaire ? demanda Ez.

— Vaguement, répondit Ewen. C'était des terroristes qui s'opposaient aux pouvoirs des bourgmestres dans les villes de Hollande, non ?

— Oui. Officiellement. Mais, le cartel sanguinaire représentait avant tout l'union des 4 clans bataves de Rammestad, de Rotterdam, de Tilbourg et d'Almere. Ça t'évoque quelque chose ?

— Pas que je m'en souvienne.

— C'est affligeant... Je te ferais pas un cours d'histoire, mais l'histoire des clans bataves, c'est notre histoire à nous, les vampires d'Europe de l'Ouest. Pour résumer, ce que tu dois savoir, c'est que nous avons longtemps été traqués et tués par un Ordre religieux de chasseurs...

— Chasseurs ?

— Oui, les Innocents de Sang Martyr. Ils se disent « chevaliers de Dieu », mais « chasseur » correspond bien mieux à leurs méthodes. En ce qui me concerne, ce sont juste des meurtriers qui ne tuent ni par plaisir ni pour survivre, mais par habitude. Ils sont notre cauchemar depuis...

« La fin du Moyen Âge. Nous étions à cette époque, des peuples disparates, appelés du nom générique de démons. La montée du protestantisme et l'indépendance des provinces unies permirent à ceux de Batavie de résister. L'Ordre fut repoussé, et un accord, conclu : les clans s'engageaient à honorer la charte édictée par l'Ordre, et l'Ordre reconnaissait chaque clan comme « société légitime de démons civils et bienveillants », ce qui leur allouait le droit de vivre sans risquer de finir brûler sur la place publique...

« Nous perdîmes notre souveraineté comme nous perdîmes nos crocs. L'arrachage rituel des canines se pratiquait en gage de respect à la première règle de cette charte, qui est... l'interdit de chasser. Pendant que les hordes sauvages étaient éradiquées d'Europe, les clans survécurent grâce à la généralisation du vampirisme individuel, c'est-à-dire le vampirisme social sur lequel tous les clans modernes sont basés. Le cartel sanguinaire est né dans une volonté de permettre à tous les vampires de Batavie de jouir de sa juste part de sang.

— Le droit au sang.

— Exactement. Le sang comme une marchandise commença à circuler, et durant le siècle passé, la Batavie fut le grenier rouge de tous les vampires d'Europe. Cela attira des vampires de régions beaucoup plus dévastées, provoquant des problèmes de vagabondages que les chasseurs ne pouvaient plus gérer. Ils se retrouvèrent avec des centaines de centaines de vampires venus des quatre coins du globe qu'ils parquèrent dans des hospices appelés foyers solidaires, gérés par la fondation innocentiste des Pays-Bas.

« Mais, la fondation n'avait pas les ressources pour subvenir aux dépenses de ces foyers, les donations ne suffisaient pas, c'était un gouffre financier, alors ils obligèrent les migrants à travailler dans leurs coopératives agricoles, pas de salaires, pas de papiers, pas de sécurité sociale... Les foyers se transformèrent en camps d'esclaves, qui ne cessaient de croître malgré les décès journaliers... Il fallait la garder sous contrôle, et pour ça, il fallait lui procurer de quoi subsister.

« Il y a vingt ans, l'Ordre décida de taxer le sang des clans pour le redistribuer aux migrants. Pour le cartel, c'était inacceptable. Cet arrêt signa le début des conflits. Le cartel réduisit son réseau d'exportation, forçant ses membres à se rassembler dans les grandes villes, au plus près du ravitaillement, tandis que pour l'accroître, il renforçait l'activité de ses établissements nocturnes et de ses réseaux clandestins. La criminalité fit un bond.

« L'Ordre avait de l'influence auprès de la couronne. Goedelicht, l'archevêque d'Utrecht notamment. Sous son impulsion, les bourgmestres des grosses villes fermèrent les maisons de passe et les coffee shops appartenant aux clans. L'approvisionnement en fut impacté, le sang commença à manquer.

Clan VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant