Molly regardait le match de basket, assise au milieu des gradins en compagnie d'une autre fille, typée indienne, les membres couverts de tatouages au henné. Elles riaient en se disant des cachoteries. Ava laissa tomber son sac à leur pied. Molly s'exclama sur un ton surexcité :
— Ah, tu es là ! Viens ! Il faut que tu voies ça !
Elle attrapa Ava bras dessus bras dessous et la força à poser ses fesses près d'elle. Ava ronchonna : à la façon dont Molly avait parlé, il n'y avait pas l'ombre d'un doute sur le sujet de son ébahissement. L'autre fille lui adressa un salut auquel elle répondit sans que Molly, assise entre elles, n'y prête attention : elle était beaucoup trop occupée par ce qui se trouvait devant elle pour faire les présentations.
— Tous ces beaux corps masculins en sueur, je suis au paradis !
Ava observa d'un œil blasé les joueurs présents sur le terrain. Parmi eux, elle reconnaissait Leo et Ewen, avec leur ami de la cafétéria et ce gros nounours qu'elle avait rencontré à la collocation. L'équipe de Leo récupéra le ballon et repartit en contrattaque. L'action preste, le ballon remonta jusqu'au panier adverse. Il ne manquait plus qu'à marquer, un double-pas inratable que Leo foira pourtant en beauté. Ionel s'insurgea :
— Putain ! Mais tu fous quoi ? !
Ewen lui tapota l'épaule. Leo jeta un coup d'œil en direction des gradins. L'autre fille murmura à Molly :
— Il est vraiment pas mal le grand blondinet...
— Lui ? C'est beau gosse ! Je le connais, je te préviens, c'est un gros intello. Mais tu as vu ce dieu ? Tous ces muscles ! C'est pas humain !
Elle poussa un gémissement rauque, empreint d'une bestialité sensuelle un peu grotesque qu'elle laissait toujours sourdre quand elle avait trouvé un spécimen digne d'intérêt. Mais quant à savoir de quel joueur il s'agissait parmi les dix présents sur le parquet, Ava n'en avait pas la moindre idée. L'arbitre siffla le quart-temps. Molly se mit à trépider en le voyant relever son maillot et attrapa le bras de la fille d'à-côté. Le chocolat, elle adorait surtout en tablette bien moulée, et là, elle se liquéfiait tant elle bavait devant cette gourmandise cacaotée. Ewen s'avança au milieu du terrain pour récupérer le ballon. Molly lâcha d'un coup ses copines, déboula les deux rangées de gradins et hurla, mais pas trop pour ne pas passer pour une excitée :
— Hé ! Beau gosse ! Viens par-là !
Rien que le timbre de la voix n'était guère de bon augure. Ewen rappliqua sans traîner. On ne contrarie pas Molly dans cet état-là.
— Dis-moi, c'est qui le mec qui jouait avec vous ?
— Le mec...
— Grand black baraqué, avec des tresses africaines, un maillot orange, des épaules de déménageurs, un dos de nageurs et un cul de rugbyman !
— Je suppose que tu parles de Malik.
— C'est ça ! Oui ! Malik ! Il a une copine ?
— Qu'est-ce que j'en sais, moi ?
Ewen fit un premier pas en arrière.
— Attends, tu peux rester deux minutes à discuter !
Un second pour la fille d'à côté qui lui souriait. Molly enchaîna :
— Elle, c'est Aruna. Elle vient de lâcher un an de médecine pour la fac d'art...
Et encore un troisième et même un quatrième, parce que là, franchement, ça sentait le traquenard à plein nez. Il était plus que temps de s'esquiver.
— Ouais, non. Je dois retourner voir les gars. Demande à Leo. Tu auras plus de chance d'avoir une réponse avec lui...
Il vendait son cousin pour se créer une échappée : il lui fallait bien un substitut s'il voulait que Molly lui laisse la paix. Elle lui lança :
— Appelle-moi Leo s'il te plaît !
Mais ce dernier n'était pas idiot. Elle avait besoin d'une bonne raison pour l'obliger à rappliquer. Heureusement, parfois, le hasard fait bien les choses, et il y avait justement ce gars du club d'Ava que Molly avait rencontré en assistant à une de leurs compétitions. Elle héla Frank qui profita de l'occasion pour échanger avec sa consœur ses impressions sur maître Antonides.
— Tu vas participer à son cours ?
— Pour être honnête, je ne sais pas trop quoi en penser...
Ava eut à peine fini sa phrase que Leo ramenait sa fraise. Tellement prévisible, Leo, quand il était question d'Ava, c'était une proie facile. Molly se rua sur lui.
— Alors, dis-moi, ton pote, Malik, il a une copine ?
— Euh, ben, non, je ne crois pas... Attends, je ne m'en souviens plus...
Ava déviait son attention. Il ne cessait de jeter dans sa direction des coups d'œil furtifs. Molly claqua des doigts pour le rabattre de son côté.
— Ouais, si en fait..., balbutia Leo. Ils sont ensemble depuis le secondaire. Elle est entrée à la fac cette année...
— Tu l'as déjà vue ? Elle est comment ?
— Ben, elle vient des fois à l'appartement, mais elle est plutôt du genre discret, vachement timide... Elle est toute petite, menue, la peau mate, les cheveux crépus...
— J'ai mes chances ?
— Ouais, non, aucune. T'es pas son type.
Frank salua Ava et s'en alla. Leo se braqua vers elle.
— C'est qui celui-là ?
— Un pote.
— Comment ça un pote ?
— Oui, un pote, tu sais... comme tu en as plein là-bas.
Leo retourna sur la touche à son corps défendant,pendant que Molly pleurnichait en lançant toutes les malédictions du mondecontre l'horrible copine de Malik qu'elle n'avait jamais rencontrée. Avas'étirait. Elle avait seulement envie de rentrer se coucher. Le tiraillement deson épigastre se propageait dans son bas-ventre. Il lui semblait découvrir dansla douleur, des parties de son anatomie qu'elle ignorait, des organes engourdisqui pour la première fois se réveiller. Son regard flottait sur l'attroupementde joueurs qui s'apprêtaient à entrer sur le terrain. Le corps masculin étaitvraiment différent du corps féminin. Leo avait pris de la masse musculairedepuis la puberté. Il faut dire qu'il s'entretenait. Est-ce qu'elleparviendrait un jour à tenir une compétition entière avec des bras aussimaigres ? Ce n'était sûrement pas la méditation qui les renforcerait...

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Clan V
AcciónLes temps ont bien changé depuis l'époque glorieuse où les vampires de légende chassaient les êtres humains pour se repaître de leur sang. Faibles et anémiés, dépourvus de crocs, ils comptent aujourd'hui sur le clan pour survivre. Avec ses membres i...