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Ava n'en pouvait plus. Depuis son entrée dans l'immeuble des Köning, radio Leo braillait en continu dans sa boîte crânienne. Il lui chanta d'abord son désarroi devant Tessa ; puis il se mit à geindre dès qu'elle s'éclipsa au salon ; alors, quand il vit Kees la suivre à l'intérieur, il en fit tout un mélodrame. Et maintenant, au milieu de la foule d'étudiants et de la musique, elle n'entendait plus que lui : il couvrait toutes les ondes environnantes de sa voix psychique. « Ava, reviens ! » qu'il hurlait, avec autant de puissance que s'il eut utilisé ses bras musclés pour la retenir.

Elle faillit céder à l'impulsion, faire demi-tour, partir en courant le retrouver, mais en se retournant brusquement, elle tomba nez à nez avec Kees Köning. Pendant un instant, la connexion avec Leo avait été si forte qu'elle l'avait oublié.

— Hé ! s'égosilla ce dernier par-dessus le brouhaha ambiant.

Soudain, la poche qui isolait ses tympans se creva, et tout le tapage de la musique et de la foule s'engouffra dans ses conduits auditifs.

— Hé ! répondit-elle.

— Tu vas où ? lui demanda Kees en se penchant sur son oreille.

— Je sais pas. Je voulais pas déranger. C'est tout.

— T'as bien fait.

Ils étaient au milieu du passage des étudiants qui entraient et sortaient de la terrasse au salon. Ava avança d'un pas en percevant derrière elle la démarche zigzaguante d'un soulard et recula aussitôt de deux face au colosse qui approchait. C'était la distance maximum dont elle disposait, suffisant néanmoins pour que Kees, méchamment percuté, ne la bouscule pas dans son élan.

— Ici, c'est pas top, constata-t-il. Viens.

Il lui ouvrit la voie à travers la foule des danseurs et ils gagnèrent le grand escalier qu'un monde fou encombrait. Des squatteurs assis sur les marches bloquaient la circulation, si bien qu'on ne pouvait pas se croiser, et que la file de ceux qui sortaient des sanitaires devait finir de descendre pour que celle qui s'y rendait puisse monter.

À l'étage, les gens s'éparpillaient dans le corridor, avant de disparaître dans les chambres à coucher. Quelques couples attendaient en se touchant qu'une se libère pour qu'ils puissent à leur tour profiter, ce qui arrivait régulièrement lorsque les gars de Kees faisaient une tournée d'inspection afin d'en éjecter les occupants : toutes formes d'activité sexuelle étaient prohibées dans l'enceinte du penthouse, c'était stipulé dans le règlement à l'entrée, même si personne ne le respectait et que Kees, en pratique, le tolérait.

Alors, quand le jeune et riche maître des lieux, accompagné d'une top-modèle traversa le couloir, la populace estudiantine se mit au garde-à-vous pour le saluer.

Il déverrouilla une porte magnétique au bout de l'enfilade de chambres, celle d'une grande salle d'étude pourvue d'une impressionnante bibliothèque. Le silence emplit l'air de la pièce dès qu'il l'eut refermé : ils étaient coupés du reste de la fête. Le cabinet s'étendait d'un bout à l'autre d'une façade entièrement vitrée et donnait sur le balcon filant qui cerclait le second étage.

Kees régla l'éclairage sur une lumière chaude et tamisée, puis se dirigea vers un meuble-bar où se trouvait un luxueux éventail de whiskys et de liqueurs britanniques.

— Puis-je t'offrir quelque chose à boire ? demanda-t-il avec urbanité.

Ava secoua la tête.

— J'aime pas trop l'alcool.

— Alors, de l'eau et des glaçons ? C'est le seul soft dont je dispose ici.

— Volontiers, merci.

Clan VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant