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La musique pénétrait en lui par tous les pores de la peau. Les poils tout hérissés, le cœur connecté sur la fréquence des beats qu'elle envoyait, son cerveau parasité ne pensait plus qu'en hertz, et son corps en réaction aux stimuli acoustiques s'ébranlait. Il suivait les oscillations sensuelles de ses accords, glissant contre les hanches féminines qui épousaient son balancement.

Leo était en transe. Les deux jeunes demoiselles – dont il ne connaissait toujours pas le nom, – l'escortaient dans son voyage hyperesthésique. Leur contact devenait de plus en plus érotique. Leo se laissa embrasser le cou, chavira de la tête en arrière ; brusquement, il tomba dans la volupté d'un rêve face à la fille qu'il aimait. Leo lui rendit son baiser. Ses doigts coulèrent dans la longue chevelure de soie blonde que les jets de l'éclairage festif irisaient. Il attrapa une de ses mèches et susurra à son oreille :

— J'adore les cheveux noirs. 

Aucun des partis ne se rendit compte de la méprise. L'autre fille l'embrassa à son tour. Leo reprit conscience de la situation. Elles le tiraient à l'extérieur de la piste. La soirée s'annonçait particulièrement intense. Il tâta la poche intérieure de son blouson. Elle était là, la panacée en double dose que le docteur Muller lui avait remise. Avec ça, il pouvait tenir toute la nuit, monter au Nirvana, ne plus redescendre et devenir le nouveau bouddha. Les demoiselles se jetèrent sur lui et le poussèrent sur le lit de la chambre où ils avaient atterri. Des gens sur le balcon fumaient, à moitié déshabillés. Leo écarta ses charmantes assaillantes et se redressa.

— Eh, minute, les filles ! Laissez-moi respirer un instant, leur dit-il en sortant la pochette réfrigérée.

— Ah, non ! Pas question ! 

Elle avait la main sur son entrejambe. Il passa l'élastique autour de son bras, tira sur un bout avec les dents et serra.

— Eh, tu nous fais profiter ?

— Sûrement pas. C'est pas pour les demoiselles, ça ! 

Les gens du balcon rentrèrent. La fille récupéra son jean sur le lit. Ils ramassaient leurs affaires pour partir et leur laisser la place. Leo avait déjà perdu son pantalon et subissait les caresses de ses deux amantes. Il serra le poing et se piqua. L'extase du sang en affluant dans ses veines le saisit. À chaque fois qu'il prenait de cette panacée, il avait toujours cet instant où, juste après la morsure de la seringue, son corps se convulsait, ses muscles se raidissaient, puis se relaxer brusquement avec un soulagement profond, un orgasme presque ! dans lequel il sentait une chaleur se propager, courir à travers ses vaisseaux sanguins. La jouissance qu'elle lui procurait sublimait l'effet de l'alcool, du sexe, de toutes les autres drogues qu'il avait assimilées. Un cocktail de sensations intenses qui le faisait décoller du lit où il était installé. Leo se laissa aller, en suspension dans l'air de la chambre, au plaisir qu'il recevait. Ses doigts s'entremêlèrent aux mèches de soie blonde. Il ferma les yeux et bascula une nouvelle fois, la tête renversée, dans cette dimension onirique, seul avec cet amour qui le tuait.

— Leo ?! 

Il ouvrit les yeux. Dans l'embrasure de la porte, il y avait une silhouette féminine, une femme dont les traits flous lui semblaient familiers. La tristesse vernissait de larmes la surface pigmentée de ses joues. Leo referma les yeux. Il ne voulait pas voir : ce visage lui rappelait trop ce que la vérité avait de plus cruel, et combien elle avait fait de cœurs brisés. Pas ce soir. Non, ce soir, il profiterait de tout ce qu'il pourrait, il jouirait du moindre plaisir qu'il trouverait, une jouissance aussi éphémère qu'illusoire, avant que la douleur ne revienne avec le retour à la réalité.

Clan VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant