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— C'est quoi ce monde ? demanda BigJah.

Ji se suspendit son poing au-dessus du visage ensanglanté d'Ewen. La jeune vagabonde accroupie sur le torse de sa victime, inconsciente, redressa la tête vers le fond du tunnel que le gros rasta indiquait du doigt. Des silhouettes sombres se déplaçaient dans le clair-obscur des diodes orange. Sin décroisa les bras.

— Putain ! Ce fils de pute a prévenu son clan de vendus !

— Faut qu'on foute le camp ! ajouta Ji en bondissant sur ses deux jambes.

Elle remit son casque d'Anubis et sortit de son dos un pistolet compact, calibre .22, le pire flingue de la création acheté cinq euros sur le marché. Ils n'iraient pas bien loin avec ça face à la petite troupe armée qui approchait.

— Et lui ? On en fait quoi ? s'enquit BigJah en désignant le corps étendu en travers de la plate-forme.

— On l'embarque, décréta Ji en chargeant dans la poignée un magasin de six cartouches. C'est notre passeport pour foutre le camp d'ici.

BigJah prit Ewen sur son dos, et le trio décampa. Sin en tête tentait de joindre Amad tandis que Ji fermait la marche, l'arme au poing. Les pas militaires du clan résonnaient comme celui d'un seul homme, gros et grand, un genre de géant qui faisait trembler l'air de la cavité. Même le ronflement du système d'aération à proximité ne couvrait pas leur grondement. Rapidement, l'escouade fut à portée de tir. Une voix s'éleva au-dessus du brouhaha, aussitôt supplantée par une détonation. BigJah poussa un gémissement. Ji et Sin se tournèrent vers lui, inquiets, mais par chance, la balle n'avait qu'effleuré son mollet. Son genou ploya une seconde durant laquelle le corps d'Ewen glissa de ses épaules, mais il le rattrapa et se remit vaillamment à avancer.

Les ennemis, après une brève concertation, repartirent sur leurs talons bien plus vite qu'ils ne fuyaient. Ji canarda les tuyaux de canalisations au-dessus d'eux et des geysers les arrosèrent, créant dans leur rang une désorganisation momentanée. Le trio parvint à proximité de la brèche. Sin rugit :

— Putain ! J'arrive pas à joindre Amad ! On fait quoi ?

Ez devait être revenu au centre avec le camion, mais Amad et lui, avaient-ils eu le temps de charger le stock de sang ? Ji se retourna pour mesurer l'avance dont ils disposaient, mais le clan les avait déjà rattrapés. Les sept hommes s'immobilisèrent en position de tir. L'un d'eux s'approcha à pas pondérés. Assez grand, brun, des traits secs, des yeux cernés de fatigue, mais attentifs sous des sourcils épais, tout en lui trahissait le policier. Seulement dix mètres les séparaient. Ji fit volte-face et enfonça son poing armé dans le flanc du jeune héritier.

— Reculez ou je le crève ! tonna-t-elle de sa voix vocodée.

Visser s'arrêta. Son regard scruta les trois individus.

— Vous n'irez pas loin avec un otage inconscient. Laissez-le et je vous promets que nous ne vous poursuivrons pas.

— Va te faire foutre ! s'écria Sin. La parole d'un vendu n'a aucune valeur !

— Je crains que vous ne compreniez pas bien la situation, objecta l'inspecteur. Mes hommes peuvent facilement vous abattre à cette distance.

— Non ! C'est vous qui ne comprenez pas la situation ! rétorqua la voix vocodée. Si vous n'ordonnez pas à vos hommes de s'éloigner, je bute votre précieux héritier !

Visser serra les dents. Ji ricana :

— Eh, oui ! Nous savons qui il est, et nous savons ce qu'il vaut. Alors, n'essayez pas de jouer au plus malin et obéissez !

Clan VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant