#15 Chapitre 4

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Leo se pressa contre la vitre, totalement paniqué.

— Stop, je te dis ! répéta-t-il d'un ton agacé. C'est Ava ! Mais qu'est-ce qu'elle fout encore là à cette heure-ci ? 

La voiture ralentit. Ewen signala qu'il effectuait un arrêt sur la chaussée malgré la file derrière lui. Leo sortit avant même que le véhicule ne soit complètement immobilisé. Ewen lui cria :

— Hé, attends ! Et moi ? Je fais quoi ? 

Mais Leo avait déjà claqué la portière. L'automobiliste de derrière poussa un coup de klaxon énervé. Ewen soupira et redémarra. Qu'il se débrouille, cet idiot ! Lui, il rentrait : il avait des cours à bûcher.

Leo traversa la chaussée sous des huées de sonnettes, pressées de passer. Les feux de la circulation aveuglaient et plongeaient les bas-côtés dans l'obscurité, mais il était certain d'avoir reconnu Ava, sa silhouette, sa dégaine, sa façon de marcher, il la reconnaîtrait entre mille, même en pleine nuit, même les yeux bandés. Elle cheminait sur le trottoir devant lui, les cheveux au vent, son sac à dos pendait au-dessus de son fessier. Il cria :

— Ava ! 

Elle se retourna. Il eut un moment où son cœur oublia de battre, son cerveau de penser, il eut un moment où il oublia même qui il était. Elle se rapprocha :

— Leo ? Que fais-tu là ? 

Il se remit d'un coup à fonctionner et d'un coup, il s'énerva. Le danger pouvait venir de toutes parts, et elle, elle traînait à presque 22 heures dans le centre-ville de Rammestad.

— C'est moi qui devrais te demander ça ! Tu as vu l'heure qu'il est ?

— Bah, j'allais rentrer, répondit Ava d'une voix calme.

Elle ne comprenait pas ce qui l'inquiétait.

— À cette heure-ci ?

— J'ai un exposé à préparer, je faisais des recherches à la bibliothèque avec un autre élève, on n'a pas vu le temps passé...

— Un autre élève ? Qui ça ? 

Ava observa un silence circonspect. Leo insista.

— Le gars qui était avec Molly et toi tout à l'heure ? C'est quoi son nom ? 

— Bon, OK, il est très tard, je dois me dépêcher de rentrer. Tschüs ! 

Elle tourna les talons. Elle n'avait pas envie de s'énerver, de se disputer, d'essayer de faire entendre raison à cette tête de cochon. Leo la retint par le sac à dos.

— Hé, Ava, tu es fâchée ?

— Je veux pas rater mon train.

— C'est bien ce que je dis ! Tu es fâchée !

— Tu me fais perdre du temps...

— Laisse. Je te ramène à la maison. 

Leo avait prononcé ces mots avec une tonalité qui venait des entrailles, profonde et grave, une tonalité qui lui était complètement étrangère : il n'avait pas reconnu sa propre voix. Ça lui arrivait parfois quand il parlait à Ava et il détestait ça : cette tonalité le déstabilisait et souvent, après, il se mettait à bégayer.

— À moto... tu sais... 

Ava écarquilla les yeux de surprise. Ses pieds reculèrent, prêts à partir en sens inverse.

— Je vais me débrouiller. On se voit ce week-end... si tu passes à la maison...

— Attends ! J'ai dit que je te ramenais.

— Non merci. Tu sais Leo, si Ewen ne veut pas monter avec toi, c'est qu'il y a bien une raison.

— Je n'ai ni bu ni fumé, et ça fait deux ans que j'ai mon permis !

— Et ? 

— Je suis sérieux Ava ! Il y a eu... Il y a eu des agressions ces derniers temps sur la ligne vers Leuwendale.

— C'est toujours moins risqué que de monter avec toi.

Le bobard ne prenait pas. Ava fit volte-face pour s'en aller. Leo l'attrapa par le bras : il tira d'un côté, elle tira de l'autre.

— Tu n'as pas compris ! Tu n'as pas le choix ! Papa va me tuer s'il t'arrive quoi que ce soit, alors tu rentres avec moi ! Ava cessa brusquement de lui résister. Elle leva vers lui des yeux glacés et répondit d'une voix pondérée :

— C'est donc ça. Bon, très bien, comme tu veux.

— Ava ! soupira Leo. Ne le prends pas comme ça ! 

Elle secoua son épaule pour se dégager.

— De quoi te plains-tu ? Je viens avec toi. Elleest garée où, ta bécane ? 

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