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La nue se délesta de sa charge en humidité durant tout le trajet si bien qu'à leur arrivée, il n'en dégouttait plus qu'une bruine. Le monospace gris métallisé se parqua entre les haies de buis qui bordaient l'allée de garage des Van Hout.

— Tiens, sèche-toi, dit Anke en tendant une serviette à Ava qui frottait ses pieds sur le tapis du hall d'entrée. Ne reste pas là.

Elle la prit par la main et l'emmena au salon. Ava sentait sa paume chaude et douce dans la sienne.

C'était un petit bout de femme, vraiment pas grande, vraiment pas grosse, avec un visage de carré arrondi entouré d'une masse capillaire de boucles brun chocolat, une femme d'une quarantaine d'années, d'une verdeur féminine telle qu'on la prenait encore pour une jeune midinette de vingt ans dans sa robe à fleurs.

Elle posa sur Ava un regard bienveillant, plein de soins et d'affection, un regard comme en avait Nina, la mère de Molly, un regard de maman. Ava rougit comme une enfant.

— Je t'en prie, assis-toi, offrit-elle en lui présentant le canapé. Tu es Ava Van Bloed, c'est ça ? Moi, c'est Anke, et voici Bartholomeus, mon mari.

— Bienvenue à la maison, Ava ! déclara ce dernier.

Il se leva de son fauteuil écossais, presque assorti à la chemise de cow-boy américain, en flanelle à carreaux qu'il portait. Avec son vieux jean taché de peinture, et ses bottes de chantier, seul le chapeau manquait pour compléter son costume de paysan texan.

Il faut dire que la masse toute couverte de poils noirs qui se dressa juste devant elle – une main tendue pour la saluer, – avait de quoi l'intimider. Barbu, chevelu, touffu jusqu'aux phalanges, il aurait eu l'air d'un ours effrayant sans cette bonhommie qui s'exprimait dans ses pommettes roses, ses pattes d'oies rieuses, ses prunelles pétillantes, dans tout son visage allumé d'un franc et frais sourire.

— Alors, c'est avec toi que Marius parle tous les soirs dans son casque micro ? demanda-t-il d'un ton enjoué. Je ne pensais pas que tu étais réelle, mais on dirait que j'ai sous-estimé mon garçon et qu'il a réussi à se dégoter une très jolie copine !

— Papa ! s'écria Marius, embarrassé. On est juste amis et le soir, on joue en ligne sur la console, c'est tout !

— Mais je t'embête, fiston !

— J'ai préparé un gratin d'asperges, annonça Anke à son invitée. J'espère que tu en manges.

Ava acquiesça du chef.

— Voudrais-tu boire quelque chose en attendant ? Un coca ? Un jus de fruits ?

— De l'eau, ça ira, merci.

Anke se dirigea vers un vieux buffet en chêne pour récupérer de grands verres cristallins, trois tumblers et une chope de bière, tandis que son époux ressortait de la cuisine avec plusieurs bouteilles. Toute la petite famille s'activait afin de lui offrir un accueil agréable.

Ava abandonna au salon son sac où son téléphone ne cessait de vibrer pour s'installer à la table du déjeuner, grande, ronde et joliment dressée, dans l'écrin d'une véranda chauffée où croissait un jardin exotique de palmiers, de fougères, d'orchidées, de lianes exubérantes. Les vastes baies vitrées donnaient sur une courte verte et hirsute, gonflée comme de l'éponge par l'eau de pluie.

Anke racontait des anecdotes amusantes sur lesquelles Bartholomeus ne manquait jamais de rebondir dès qu'il y trouvait un moyen de taquiner son fils, et toute la famille plaisantait en se passant les plats. Ava s'y sentait comme chez les Muller.

Les Van Hout s'étaient établis à Rammestad au début de l'été après l'embauche de Bartholomeus en tant que conducteur de travaux sur le projet de rénovation des canaux.

Clan VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant