#11 Chapitre 3

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Brouwer téléphona vers midi pour informer que le transfert des stocks aurait lieu dans la journée. De leur côté, l'inspecteur Visser et maître Takeda avaient localisé Kob aux abords d'un coffee shop du quartier rouge, le Hookah Lounge dont le maître avait retrouvé durant la fouille de son appartement, une serviette en papier froissée dans un cendrier qui portait l'empreinte magnétique des vagabonds.

Il possédait la capacité extra-sensorielle de capter les ondes rémanentes résidant dans son environnement, une faculté psychique à laquelle le docteur Müller attribuait l'appellation savante de psychométrie et que Leo nommait vulgairement le don, sans rien y entendre comme la majorité des gens du clan. Mais, le vampire du soleil levant n'était pas un vampire ordinaire : c'était un samouraï rōnin, venu d'un autre temps, d'un autre continent, véritable chevalier aux yeux de Leo que son père avait recueilli contre l'avis général, mais dans son intérêt, jugeant de l'atout qu'il constituerait pour la communauté. Maître Takeda demeurait un peu en marge de leur société, quoiqu'après dix-huit ans de loyaux services, son utilité ne soit plus à prouver et que ses talents soient unanimement respectés.

Leo profita de son après-midi de libre pour visiter Fred à l'hôpital. En tant qu'héritier, l'obligation la plus élémentaire l'enjoignait à s'enquérir de la santé d'un membre blessé dans l'exercice de ses fonctions, surtout en tant que visage du chef quand celui-ci était absent.

Ewen, coincé avec ses cours de droit, ne pouvait l'accompagner. Leo saisit l'occasion pour sortir sa moto, « la bête » comme il l'appelait : une KTM débridée, décarénée, de couleur noire et blanche, avec un orange qui lui donnait un look fougueux et insolent qui lui correspondait parfaitement. Son cousin refusait de monter derrière lui depuis qu'il avait abordé la voie express en sens inverse, après une soirée à enchaîner alcool, fixs et redrops. Il roulait sans permis sur un modèle bidouillé à l'époque, deux auparavant, durant leur dernière année au gymnasium, une année où Leo était beaucoup parti en vrille, il avait failli se foutre en l'air, et s'était ressaisi un mois avant l'examen central qu'il avait réussi à un poil près.

La famille avait mis son comportement sur le compte de la crise d'adolescence. Puis, Leo était entré à l'université, il avait quitté la maison paternelle et s'était calmé, mais Ewen n'avait jamais oublié. Il savait que son cousin était dangereux, un peu pour les autres, beaucoup pour lui-même, et la moto devait figurer dans le top trois de ses morts fantasmées.

À l'hôpital, Leo tomba sur le père Molenaar. Ce dernier se leva d'un bond à son arrivée et le remercia de s'être dérangé, peine qu'il n'aurait pas dû se donner puisque Fred était parfaitement rétabli, contrairement à lui, vu comment ses jambes rachitiques flageolaient. Leo le pria de se rasseoir dans le fauteuil, place qu'il tenait à lui laisser, mais son solide gaillard de fils quitta son lit pour aider Leo à l'y installer.

— Fred pourra sortir dès demain.

Une voix grave avait retenti sur le pas de la porte. D'une bonne stature avec un ventre bien saillant sous sa blouse médicale, le chef de l'hôpital emplit la pièce de son autorité. Une barbe blonde comme le blé couvrait le carré de sa mâchoire puissante et large. Dans sa main : les résultats d'examen de Fred, tous positifs. Le soulagement embua les yeux du vieux Molenaar, tandis qu'il remerciait Dieu et le docteur Müller.

Après quelques plaisanteries, Leo suivit l'éminentmédecin dans son bureau, une pièce propre et élégante, parfumée audésinfectant. C'était là, dans des casiers secrets, cachés derrière lescollections complètes d'encyclopédies et de traités médicaux de son immensebibliothèque, qu'il conservait les dossiers du clan. 

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