La porte du coffre se referma sur un sac de voyage bondé à craquer.
— Tu es sûr de n'avoir rien oublié ? demanda d'une voix angoissée Adelheid. Tu as bien pris ta brosse à dents ? Et la veste que j'ai détachée ?
— Mais oui, maman, soupira Ewen.
Elle lui servait la même comédie toutes les semaines depuis deux ans qu'il était entré à l'université. Aujourd'hui, c'était pire : elle s'accrochait en trouvant des prétextes pour retarder son départ qu'il avait avancé pour travailler à la bibliothèque. Enfin, selon l'explication officielle parce qu'il était trop tôt pour annoncer à cette maman tigre que son bébé fréquentait des filles. Son père le couvrait, tout en préparant le terrain du mieux qu'il pouvait, car Adelheid était née Van Bloed, et comme tous les Van Bloed, elle était de type obsessionnel dans sa façon d'aimer.
Elle ressemblait à Leo sur des tas de traits, des nerveux tout pareils, d'une grande sensibilité, avec des angoisses difficiles à gérer. Impossible de nier leur lien de parenté à tel point qu'on prenait le neveu pour le fils, et lui pour la pièce rapportée.
Physiquement aussi, avec sa taille moyenne, sa silhouette svelte et tonique, son teint ensoleillé, ses yeux pailletés d'or, c'était le portrait craché de son frère aîné, mais dans sa version ultra féminine : elle avait toujours l'air de sortir de chez le coiffeur, même le matin au petit-déjeuner, un brushing parfait avec un balayage qui éclaircissait son châtain blond foncé. Elle arborait des tenues casual chic de grandes marques, rehaussées de bijoux, preuves d'amour onéreuses que son époux lui offrait, en manière de calmants contre sa jalousie chronique, dont l'efficacité était proportionnelle au prix qu'il y mettait.
— Tu n'oublieras pas de me téléphoner, pleurnicha-t-elle comme s'il repartait pour des mois.
— Mais oui, maman, répéta Ewen.
En attendant qu'elle l'admire un dernier coup, les yeux embués de larmes, avant de lui dire au revoir, l'heure tournait, son mémoire n'avait pas beaucoup avancé, Rik l'avait appelé deux fois sans qu'il puisse décrocher. Il avait perdu un temps fou cet après-midi, au téléphone avec Leo, en pleine crise de logorrhée : impossible de raccrocher.
Il comprenait pourtant fort bien les angoisses de son cousin, maintenant qu'il avait décidé de révéler à Ava la vérité, des mensonges qu'il lui avait faits depuis des années jusqu'aux sentiments sincères qu'il avait toujours éprouvés. Leo avait prévu de la retrouver chez Kees, et il l'avait tanné pour qu'il l'y accompagne...
Mais Ewen avait ses propres problèmes de cœur à gérer, un peu moins torturés, un peu plus risqués aussi. Parce que la jeune et jolie vagabonde qu'il avait dupée ne le prendrait pas avec autant de flegme qu'Ava, et ses gentils petits camarades non plus. Ce soir, il devait trouver le bon moment, un moment comme dans le placard à balai où il pourrait parler à Ji’ sans se cacher.
Le moteur ronronna, le frein se leva : le coupé bleu métallisé glissa sur l'allée empierrée. Ewen était enfin parti. Dès qu'Adelheid Winbeck disparut dans son rétroviseur, il lança l'appel en Bluetooth à Rik :
— Mec, t'es dispo là ? On aurait bien besoin d'un coup de main pour préparer la salle de concert.
— Je quitte chez moi, à l'instant. Je serai sur Rammestad dans une heure.
— Super ! Merci, mec. Je sais vraiment pas ce que je ferais sans toi !

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Clan V
AcciónLes temps ont bien changé depuis l'époque glorieuse où les vampires de légende chassaient les êtres humains pour se repaître de leur sang. Faibles et anémiés, dépourvus de crocs, ils comptent aujourd'hui sur le clan pour survivre. Avec ses membres i...