Toute l'après-midi, Leo l'avait passée à la salle de sport, comme si quelques heures d'exercices intensifs pouvaient le rendre tout à coup plus sexy aux yeux d'Ava.
Ce rendez-vous, c'était le rendez-vous de sa vie. Pas question de se louper. Et là, appuyé sur les rebords du lavabo, il repassait pour la centième fois les paroles qu'il emploierait en changeant pour la énième fois mille petits mots, phrases, paragraphes entiers sans jamais parvenir à un résultat cohérent.
Un soupir d'agonie embua le miroir, et la blanchâtre nébulosité recouvrit son reflet. Il ne supporterait pas un rejet : le doute l'avait torturé des années, la certitude l'achèverait. Il avait beau aimer la vie, ses petits plaisirs, sa famille, Ewen, Molly, rien ne comptait pas sans Ava.
Et lui n'était pas si important. Ni pour elle ni pour personne. Le monde continuerait de tourner : son cousin ferait un très bon chef, on le pleurerait sans doute longtemps, mais le bonheur reviendrait. Ewen se marierait, Molly aurait des enfants, et Ava serait enfin libre, elle partirait à l'étranger, elle rencontrerait un type bien, un avocat ou un médecin, elle tomberait amoureuse, et elle l'oublierait.
Son regard se posa sur son rasoir. Son poing se serra, faisant saillir le tracé enflé des veines de son poignet. Il était temps d'en finir. Leo se redressa pour appliquer sur son cou une épaisse couche de crème à raser.
Il perçut un bruissement dans l'appartement désert. Tout le monde était parti depuis longtemps pour manger des pizzas avant la soirée. Lui avait préféré rester pour se préparer. Il espérait qu'Ewen passerait déposer ses affaires, mais ce dernier ne donnait plus de nouvelles depuis son départ de Leuwendale. À la façon dont il avait refusé de l'accompagner, Leo soupçonnait que la-fille-avec-qui-ce-n'était-pas-sérieux se cachait derrière cette brusque envie de s'isoler. Sa curiosité le démangeait, mais il attendait que son cousin en parle le premier : Ewen était d'une nature secrète, mais il finissait toujours par se confier.
Leo enfila une serviette autour de la taille, puis regagna sa chambre, ouvrit son placard et en sortit ses pièces préférées : des rangers en cuir et un bomber authentique des US Air Force. Pour compléter, un jean moto et un maillot orange, simples et confortables, suffiraient. Et bien sûr, un caleçon propre...
Mais, tout ce qu'il trouva en bas des étagères fut une pelote toute chiffonnée de vieux sous-vêtements crottés. Son regard lorgna sur le placard d'Ewen. Ce dernier gardait en réserve un tiroir de 30 boxers, de quoi tenir un mois entier.
Leo s'en approcha comme un voleur d'un coffre-fort rempli de billets. Ça lui faisait bizarre de partager le sac à boules d'un autre, fût-ce son cousin. Pire qu'un vol de propriété, presque un viol de l'intimité. Sa main tremblante frôla ce sacro-saint bout de tissu qui avait un jour élevé l'homo sapiens au rang d'homme civilisé.
À cet instant, Ionel fit irruption dans la chambre et le prit la main dans les sacs à boules de son cousin. Leo bondit en arrière.
— Putain ! Dieu merci ! Leo, t'es encore...
Ionel s'interrompit et considéra un instant l'air franchement coupable que son coloc avait plaqué sur la face.
— Tu trafiquais quoi dans les affaires d'Ewen ?
— Je cherchais des fringues...
— Depuis quand t'empruntes ses fringues ?
— J'ai plus de caleçons propres, grommela Leo. Ça le fout mal, surtout qu'il est pas là. Tu pourrais m'en passer, toi ?
— J'ai pas pour habitude de prêter mes calbutes, répondit Ionel, en haussant les sourcils d'étonnement.
— Tant pis...
Leo en était soulagé, quoique guère plus avancé. Ionel s'approcha pour discuter.
— Tu vas chez Kees, là ?
— Ouais, je m'habille et je bouge. Pourquoi ?
— Tu peux m'emmener ? Je rentre du taf : j'ai pas encore pris de douche et je pue l'huile de friture. Mais si tu m'attends, je te prête un caleçon ! Marque Hannes ! Propreté garantie !
— Deale, soupira Leo, à regret. Mais, grouille-toi par contre. Je suis attendu.
— Oh ! Une fille ? Tessa ? Vous vous êtes réconciliés ?
— Non, pas Tessa.
— Alors qui ? Raconte !
— C'est Ava...
— Oh, ok...
Ionel se retourna vers la sortie, mais au moment de franchir la porte, sa main s'arrêta sur le chambranle, il rejeta la tête en arrière et demanda :
— Eh, Ava, c'est quand même pas la fille de la photo ?
— À ton avis ?
Son regard était grave, son ton, désinvolte : impossible de déterminer s'il avait lâché une bombe ou s'il plaisantait, mais Leo ne lui laissa pas le temps de s'interroger :
— Bon, tu me le passes, ce caleçon ?
— Ok, je vais le chercher.
Ionel revint avec un modèle rayé rouge, presque rose, tout frais, qui embaumait la lavande et la vanille. La bouche de Leo se tordit en le pinçant du bout des doigts.
— Sérieux ? Tu parfumes tes caleçons ?
— Ouais ! Avec du Jean-Paul Gaultier ! Comme ça, quand je sors mes boules, ça sent le Mâle, tu vois ?
— Non.. Je vois vraiment pas en quoi le fait de schlinguer le pot pourri de luxe, ça fait de toi un homme...
— Ah ! Ah ! C'est vrai que toi, tu préfères embaumer le fauve ! Et puis, si t'es pas content, t'as qu'à prendre ceux d'Ewen. Même son linge sale pue la lessive.
— C'est clair ! agréa Leo, en enfilant l'objet de polémique. Des fois, je me demande s'il lui arrive de transpirer...
— Franchement, je crois pas. Il est pas humain !
Et Ionel qui avait détourné la vue, se retourna pour voir le résultat.
— Eh ben voilà ! Il est parfait, ce moule-bite ! Tes boules bougeront pas d'un poil de cul avec ça.
— Tant mieux ! Tout ce que j'espère, c'est qu'elles restent en place, ce soir.
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On finit le chapitre dans l’ambiance avec Can’t Hold Us de Macklemore et Ryan Lewis feat. Ray Dalton... So...
Tonight is the night !!!
Let the night come, before the fight's won
Some might run against the test
But those that triumph, embrace the fight 'cause
Their fears then prove that courage existsHope...

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Clan V
ActionLes temps ont bien changé depuis l'époque glorieuse où les vampires de légende chassaient les êtres humains pour se repaître de leur sang. Faibles et anémiés, dépourvus de crocs, ils comptent aujourd'hui sur le clan pour survivre. Avec ses membres i...