À l'université, les garçons retrouvaient un cadre sécurisé dans lequel les affaires du clan s'effaçaient, et avec l'effervescence de la rentrée, même la vision horrifique de Jesse en sang sur le sol de l'entrepôt s'estompait derrière les visages frais des premières années. Le campus semblait renaître avec ce monde un peu pressé, un peu stressé, un peu excité, qui arpentait couloirs et escaliers à la recherche de leur salle de cours. Pour Leo, ces centaines de nouvelles têtes, c'était autant de nouveaux sujets, il était aux anges quand Ewen consultait anxieux le programme de sa troisième année.
Avec Ionel Balci, ils descendaient en direction de la cafétéria. Ionel suivait les mêmes cours que Leo, en faculté d'économie. Pour ce petit brun méditerranéen, la rentrée, c'était avant tout l'arrivée d'une nouvelle cargaison de jolies filles et il ne cessait de s'extasier sur ce qu'ils croisaient : une paire de gambettes dénudées, un derrière rebondi, des seins qui débordaient d'un décolleté, plein de belles demoiselles vierges pour son regard de satyre débridé.
— Il y a de jolis petits lots parmi les nouvelles, cette année ! Ça promet ! fit-il remarquer.
Mais ses deux acolytes restaient stoïques devant les fesses qui se promenaient.
— Mecs, on dirait que je me traîne deux eunuques ! Bon Leo, O.K., il a Tessa, mais toi, Ewen... l'année n'a pas commencé, et t'es déjà scotché sur tes cours...
— Qu'est-ce tu voudrais que je regarde ?
— Les meufs !
— Quelles meufs ?
— Mais les meufs ! Là ! Partout ! Ouvre tes yeux, bordel !
Ionel fit un tour de trois cent soixante degrés, embrassant du regard toute la population féminine qui les entourait, mais aujourd'hui, jour de la rentrée, aucune fille ne pouvait rivaliser avec son programme et ses cours. Ewen lui adressa un regard condescendant qui témoignait de la pitié qu'il éprouvait pour ce pauvre garçon dont le niveau d'intelligence ne dépassait pas la pointe du gland. Leo sortit son portefeuille avec un petit ricanement moqueur. Ionel poussa la porte de la cafétéria, tout en pestant :
— Je vais vraiment finir par croire que t'es gay !
— Eh merde ! soupira Leo. J'ai oublié ma carte de réfectoire.
— J'ai du crédit sur la mienne. Je peux payer, proposa Ewen.
Ils déposèrent leurs sacs à une table vide. La cafétéria se bondait pour prendre le petit-déjeuner. Le radar de Ionel scanna la salle et se planta dans une croupe bien ensellée. Pas franchement coquette, la demoiselle, mais elle avait une silhouette haute et bien dessinée dans des vêtements simples mais ajustés avec un joli profil qu'il distingua lorsqu'elle pivota vers sa copine, la grosse blonde potelée.
— Regarde celle-là ! Elle est pas mal ! Pas la plus sexy du monde, mais elle a un joli cul et des putains de jambes de mannequin !
Machinalement, les deux cousins tournèrent la tête en direction du comptoir pour voir quelle pauvre jouvencelle il était en train de détailler. Mais Ewen blêmit, et Leo vira au cramoisi. Il y avait bien quelques croupes rebondies, pas toujours ce que l'on pourrait qualifier de joli... Leo demanda, la mâchoire serrée :
— Tu parles de la fille avec le chemisier rose ou de celle avec le débardeur orange ?
— De celle avec le tee-shirt blanc.
Mais le tee-shirt blanc n'était pas un choix possible. Leo l'agrippa par la nuque et le tira en arrière. Ionel poussa des piaulements étonnés. Ewen retint son bras. Leo grogna :
— Celle-là, tu oublies.
Son regard furieux s'acharnait sur l'objet de son irritation. Toujours en jean, tee-shirt, basket pour ne pas changer, un style banal au possible sans bijou ni maquillage qu'elle arborait trois cent soixante-cinq jours dans l'année ; ses cheveux noir corbeau, raides, lâches, à peine peignés, avec cette frange de petite fille qu'elle portait depuis au moins aussi longtemps qu'elle était née, flottaient au-dessus d'une chute de reins à se les briser. Voilà un problème auquel Leo ne s'était pas préparé, trop préoccupé par les vampires vagabonds et le branle-bas de combat de la rentrée, mais elle avait eu dix-huit ans en février dernier et débarquait à l'université au milieu de la foule des premières années. Pour l'occasion, Molly l'avait forcé à mettre un skinny, qui lui donnait moins l'air d'un sac qu'à l'accoutumée, ce que ne pouvait manquer de remarquer l'œil expert d'Ionel. Leo lâcha d'un air mauvais :
— Je vais à la chambre chercher ma carte. Ne m'attendez pas pour commander.
VOUS LISEZ
Clan V
AçãoLes temps ont bien changé depuis l'époque glorieuse où les vampires de légende chassaient les êtres humains pour se repaître de leur sang. Faibles et anémiés, dépourvus de crocs, ils comptent aujourd'hui sur le clan pour survivre. Avec ses membres i...