Chapitre 19

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Le lendemain matin.

Je suis toujours à l'hôpital, je sors cet après-midi et je vais commencer mon alitement. Je n'ai pas du tout hâte d'être enfermée à la maison, surtout en sachant que je vais être seule tout le temp. Personne ne m'a recontacté, ça m'attriste vraiment. 

Enfin, je suis assise sur le lit, ma mère m'a apporté mon ordinateur alors je traine dessus, je travaille. Mes professeurs m'ont envoyés les cours, visiblement ils sont déjà au courant de mon absence prolongée et ils sont très gentils. Tous m'ont souhaité un bon rétablissement, ils ont compris et ne semblent pas trop me juger.

Quelqu'un toque à la porte, je lève la tête de mon écran et la regarde.

-Entrez.

La porte est ouverte, je suis surprise de ne pas voir ma mère derrière celle-ci mais Wilkins.

-Je ne te dérange pas ? Je peux entrer ?

-Je travaille, mais entrez.

-Merci.

Il entre dans la chambre, ferme la porte et s'approche.

-Vous n'avez pas cours ?

-J'ai été mis à pied. Alors j'en profite pour venir te voir.

-Si vous n'aviez rien dit, vous seriez encore en cours. Et vous ne seriez pas dans la merde.

-June, je te le dis que j'allais assumer ce bébé et ma connerie. Et pour le moment, je n'ai qu'une mise à pied. Le proviseur n'a pas encore décidé pour la plainte puisque tu as refusé hier.

-Et je ferais tout pour ne pas qu'il dépose plainte et que j'ai à subir un procès.

-En fait, c'est surtout pour toi que tu ne veux pas déposer plainte ?

-Parce que vous croyez que c'est pour vous que je le fais ? Evidemment que c'est pour moi, pour ne pas subir une énième humiliation. Et soyez content que j'ai pris cette décision. Je vous évite des emmerdes avec la justice.

-Tu sais que je vais déclarer ce bébé et que t'es mineure ? J'aurais quand même des problèmes avec la justice. La majorité sexuelle est à dix-sept ans, et tu vas avoir un bébé à seize ans.

-Donc, quoi qu'il en soit, je serais obligée de parler, de ressasser tout ça ?

-Ouais. Je sais que ce n'est pas ce que tu veux, mais je tiens à assumer jusqu'au bout. 

-J'ai compris ça. Et un truc, vous allez devoir parler à mon père. Lui dire que c'est vous le père de ce bébé. Il va falloir assumer.

-Donne son numéro et je l'appelle. 

Je fronce les sourcils, je ne pensais pas qu'il allait accepter si rapidement.

-Vraiment ? 

-Oui. Donne le numéro.

-D'accord.

Je récupère un papier dans la sacoche de mon sac, mon stylo et je note le numéro de mon père. Je le donne à Wilkins, il prends son portable et appelle déjà. Il pose le téléphone sur la tablette, le bruit de la sonnerie retentit dans la pièce. Ça sonne dans le vide, jusqu'à tomber sur le répondeur. Mon père est au boulot sans doute, c'est déjà neuf heures à Seattle.

-Bonjour monsieur Swanson, ici Brett Wilkins, le professeur d'histoire de June. Je vous appelles car j'ai besoin de vous parler le plus rapidement possible. Rappelez-moi quand vous êtes disponible.

Il raccroche et me regarde, je le vois d'ici qu'il est effrayé de parler avec mon père.

-Bon, j'espère qu'il me rappellera rapidement.

-Vous êtes effrayé à l'idée de lui parler, ça ce voit. Et vous avez bien raison d'avoir peur. Quand il saura, préparez-vous à ce qu'il prenne le premier vol pour vous tuer.

-Tu n'exagères pas un peu ?

-Non. Je n'exagère jamais sur mon père. Il a déjà honte de la grossesse, alors en connaissant qui m'a mise enceinte, il va vous tuer. Encore plus en sachant que vous avez quoi, dix ans de plus que moi ?

-Merci de me rassurer !

Il me regarde avec sérieux quelques secondes, puis il éclate de rire. Je hausse les sourcils, je comprends pas son fou rire. Je me râcle la gorge, Wilkins se calme.

-Pardon. June, rassure-toi, je ferais tout pour éviter qu'il me tue. 

-Bon courage.

-Sinon, comment tu te sens ?

-Franchement ? J'ai connu mieux.

-Tout ça à cause de moi. Je suis vraiment désolé.

-Vos excuses ne vont rien faire. Sachez-le. Et j'irais mieux quand j'aurais accouché et quand mon corps se remettra.

-Et tu vas garder le bébé ?

-Non. J'ai seize ans, encore une vie devant moi. J'ai envie de faire des études, de connaître des expériences de vies. Je veux juste être, après ça, une jeune femme comme les autres. S'il faut et si vous n'êtes pas en prison, je vous le laisserais ce bébé.

-De toutes façons, je t'ai dit que j'allais assumer cet enfant. Evidemment que je le prendrais ce bébé. Et tu auras toujours le droit de le voir si jamais. 

-Mais pourquoi vous êtes comme ça ? Pourquoi vous tenez tant à ce bébé ?

Wilkins décale la tablette et s'assoit à côté de moi.

-J'en sais rien. Je te mentirais en disant que j'ai une relation compliqué avec mon père, que ce bébé me permettra de ne plus faire les mêmes erreurs. Non. J'ai une bonne relation avec lui, avec ma mère, même si les deux habitent de part et d'autres du pays, ils sont divorcés. J'ai ma soeur ici, enfin, à la Nouvelle-Orléans, on se voit souvent.

-Donc rien pour vous pousser à attendre ce bébé et à l'assumer autant.

-Je te l'ai dit, je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. Après, t'es enceinte par ma faute, tu vas t'embrouiller avec tous à cause de moi. Alors rester, c'est la moindre des choses, pareil pour payer judiciairement parlant. Enfin, pour ce point, tu refuses.

-Et j'ai bien dit pourquoi.

-J'ai entendu, ne t'inquiète pas. Puis je pense que, malgré tout, ça va rassurer tes parents que je reste et que j'assume.

-Moi-même ça me rassure en quelques sortes.

Le bébé bouge dans mon ventre, je baisse les yeux et le regarde, j'ai l'impression qu'il s'amuse bien aujourd'hui. Déjà plus tôt dans la matinée il était comme ça. Il tape contre le ventre, je pose mes mains dessus pour le calmer.

-Waouh, c'est le bébé qui bouge comme ça ?

-Ouais. Il est toujours comme ça depuis un petit moment. Il bouge beaucoup.

-Est-ce que je peux ?

Je le regarde, il pointe mon ventre du doigt, je comprends qu'il veut poser ses mains dessus. Je les revois me faire du mal, mais je pense que ça m'aiderais à vaincre mes craintes.

-Oh, euh, c'est aussi votre bébé, alors allez-y.

-Merci.

Il frotte ses mains pour les réchauffer et les posent en douceur sur mon ventre, je me tends un peu.

-Si ça te gêne, tu me le dis et je retire mes mains tout de suite.

-Non, ça va. C'est juste que c'est la première fois qu'une personne autre que ma mère ne touche mon ventre.

-D'accord. Tu n'as pas de crainte à l'idée que je touche ton ventre ?

-Ça peut aller. 

Il regarde ses mains, le bébé tape doucement dessus, il sent que ce sont de nouvelles mains, beaucoup plus chaudes que les miennes ou celles de ma mère. Wilkins les bougent doucement sur mon ventre, suivant les coups. Je lève les yeux vers lui, son visage est remplis de tendresse pour ce bébé. Ça conforte mon idée que je ne veux pas qu'il parte en prison, il a tout pour s'occuper de son enfant et je sais qu'il en crève d'envie. Et même si je ne voulais pas que ce petit ne connaisse son géniteur, je change doucement d'avis. Il ne lui fera jamais de mal.

JuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant