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Je rejoins Adil hoca dans son bureau.

- Adil hoca ? Dis-je.

- Ah, Nihan. Entre, ma fille. Me dit-elle.

C'est ce que je fais puis m'assois.

- Adil hoca... Je sais que vous êtes contre mais... Mon mariage est pour bientôt. Je veux que vous soyez là. Lui dis-je, gênée.

- Donc ce mariage tiendra toujours ? Me demande-t-il.

Je hoche la tête et il soupire.

- Nihan, n'accepte pas. Va à la police, dis leur tout. Ils t'aideront. Me dit-il.

- Je ne peux pas. Si je préviens la police, mes frères risquent d'aller en prison aussi. Dis-je en grimaçant. Puis... Je ne veux pas annuler le mariage.

Il me regarde longuement après ma dernière phrase. Il passe sa main sur sa barbe. Il a compris ce que je voulais dire.

- Tes frères font des trafics illégaux, ton futur mari aussi. Me dit-il. Malgré toi, tu vas entrer dans leur monde, et même si tu n'y entres pas, tes fils le feront. Et, tu voudrais partager le même destin que la femme de ton frère Eymen ? Caché aux yeux de tous ? C'est ce que tu veux, Nihan ?

Je ne peux que lui donner raison, je n'y avais pas pensé... Mais maintenant, c'est trop tard. Il n'y a plus de retour en arrière, et j'en suis consciente.

- Je ne peux plus partir, hocam. Dis-je doucement. Je n'ai plus le choix...

- ... Je sais que quoi que je dise, tu ne m'écouteras pas. Tu as écouté ton coeur, et je ne peux rien n'y faire. Mais n'oublie jamais le serment que tu as fais. Tu as prêté serment de ne jamais prendre de vies, alors n'oublie jamais. Dit-il, d'une voix calme.

Je hoche la tête mais je me sens mal à l'aise. L'homme que j'ai tué en Italie me revient en tête. Ce n'était pas volontaire, mais je culpabilise toujours... Et ça, je l'ai fais pour Rüzgar. Pour qu'il vive.

- Hocam, je dois y aller. Mon professeur m'attend au bloc opératoire. Lui dis-je.

Il hoche la tête puis je m'en vais. J'ai l'impression que tout le monde veut m'éloigner de Rüzgar, mais plus je m'éloigne de lui, plus je me rapproche... Je suis en train de tomber amoureuse de lui, et personne ne peut empêcher ça.

RÜZGAR

- Rüzgar... Entendis-je. Rüzgar, où es-tu ?

J'entends seulement sa voix, mais le paysage autour de moi est comme effacé.

- Oh mon... RÜZGAR ! Crie-t-elle.

Je cours dans tous les sens. La peur s'empare de moi. Je finis par voir une maison, au loin. Je cours vers elle mais remarque plusieurs lumières. Mais les bruits... Je me rends vite compte que ce n'est pas des lumières, mais des armes à feu.

Des hommes sont alignés, tous portant du noir. Ils ont tous fusillés la maison. Après quelques minutes, ils s'arrêtent et s'en vont.

Je décide de rentrer à l'intérieur de cette maison. Il y a des bouts de verres partout... et du sang. Beaucoup de sang. Je m'approche un peu et vois deux corps au sol. Eymen et Serhat. Près d'eux, une femme est à genoux.

Son visage est sombre. Je ne vois pas ses traits. L'arme dans sa main est la seule chose que je remarque. Et les seuls bruits que j'entends sont ses pleurs. Je m'agenouille face à elle. Sa robe blanche est taché de sang.

Cette femme lève sa tête vers le ciel. Une larme coule, puis deux, puis trois, jusqu'à ce que le ciel s'assombrisse et pleut des cordes.

- J'ai espéré vivre un jour... mais chaque jour, j'ai vécue une nouvelle mort. Chuchote-t-elle.

Tout se passe plus rapidement. Elle lève son bras, et appuie sur la détente lorsque son arme touche sa tempe. C'est lorsque son corps s'est écroulé sur le sol que j'ai pu découvrir son visage... Nihan.

- Nihan ? Nihan ! Non, je t'en supplie, non ! Dis-je avec détresse.

Cet espace silencieux devient alors tel un cimetière, où seul mes cris se font entendre.

Je me réveille en sursaut. Tous mes membres tremblent. Pendant un instant, j'ai cru que c'était la réalité. Je soupire de soulagement. Mais malgré tout, j'envoie directement un message à Nihan pour savoir si elle va bien.

Je passe ma main sur mon visage. Ce rêve m'a fait beaucoup de mal au coeur. Mais j'ai compris le message... Nihan mourra, sans ses frères. Je ne peux pas les séparer. Je repense alors à la seule phrase qu'elle m'ait dite...

- J'ai espéré vivre un jour... mais chaque jour, j'ai vécue une nouvelle mort. Chuchote-t-elle.

La première mort qu'elle vivra sera de ma faute. Et la suite de sa vie sera un enfer pour elle. Mon coeur devient lourd. Mais si j'arrête tout, qu'est-ce que je vais lui dire ? "Je jouais avec toi depuis tout ce temps pour me venger" ? Je n'oserais pas.

Je me lève de mon lit en entendant quelqu'un sonner à la porte. Une fois que j'ai ouvert, je vois Arzu. Qu'est-ce qu'elle fait là ?

- Rüzgar, je suis désolé de t'avoir réveillé... Mais je voulais te parler. Me dit-elle.

Je soupire d'agacement.

- Dis ce que tu veux rapidement. Lui dis-je.

- Je vais partir. Dit-elle. Je ne sais pas si l'on se reverra un jour, mais je ne supporterais pas de te voir marié avec l'autre. Je ne peux pas supporter de vous voir ensemble.

Je tourne mon regard ailleurs. Je ne sais pas quoi lui dire. Si elle veut partir, qu'elle parte, ça ne me dérange pas. Mais... J'ai besoin de m'éloigner de Nihan, et je sais qu'il n'y a qu'elle qui peut m'aider.

- Je suis heureuse de t'avoir connu, Rüzgar. Me dit-elle.

Elle allait partir mais je la retiens par le bras.

- Attends... Lui dis-je.

Elle me regarde, avec espoir.

- Je suis avec Nihan que pour ma vengeance. Lui dis-je, en grimaçant. Si tu le veux... Après m'être vengé... On peut se... On peut se marier.

Il faut que j'oublie cette fille... Nihan ne peut pas faire partie de ma vie. Et je ferais tout pour m'éloigner d'elle.

Le silence d'une âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant