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Les infirmiers posent Rüzgar sur le brancard et courent jusqu'à l'intérieur de l'hôpital. Je cours avec eux tout en tenant la main de mon bien-aimé...

- Je suis là, aşkım... Dis-je les larmes aux yeux. Ne me laisse pas.

Très rapidement, nous arrivons au bloc opératoire. Son torse est rempli de balles. Mon géniteur a vidé son chargeur sur lui, sous mes yeux effrayés.

- Docteur Nihan, vous devrez peut-être laisser docteur Adem faire l'opération. Me conseille une infirmière.

- Non, je vais l'opérer moi-même. Dis-je avec insistance.

Je porte mes gants avant d'entrer dans le bloc opératoire et me poser face au corps de Rüzgar. Je ne peux le confier à personne d'autre. Le plus dur est de me contenir... mes larmes veulent couler mais je dois me retenir jusqu'à la fin de l'opération.

- On commence. Dis-je.

...

- Il manque de sang, docteur ! Me dit l'infirmière. Je dois prévenir sa famille.

- Il n'a personne, quel est son groupe sanguin ? Lui demandais-je.

- A-, docteur. Me dit-elle.

- Je suis A-. Lui dis-je.

Elle hoche la tête. Je la suis dans une autre salle pour qu'elle puisse récupérer mon sang et le donner à Rüzgar. L'opération dure depuis plusieurs heures, et nous n'avons toujours pas réussis à enlever toutes les balles...

Je me sens vide de l'intérieur mais je tiens le coup pour lui. Et je ne perds pas espoir, parce que Rüzgar ne peut pas mourir. Il ne peut pas partir et me laisser.

- On reprend. Dis-je en prenant le scalpel.

...

Après trois heures, je sors enfin du bloc opératoire. Toutes les balles ont été retirées du corps de Rüzgar et il a été mis en soin intensif. Je jette mes gants dans la poubelle puis va dans le jardin de l'hôpital. Je m'assois sur le sol et relâche toutes les larmes que j'ai gardée jusqu'à présent.

- Je t'en supplie, Allah... ne me le prends pas. Dis-je en pleurant. Je veux qu'il soit mon époux devant Toi, je veux vivre et mourir avec lui. Je veux qu'on soit ensemble au Paradis... je t'en supplie, mon Seigneur... j'ai fais ce que j'ai pu mais la vie et la mort t'appartiennent.

Je me regarde et vois que j'ai encore son sang sur mes habits. Tout ça est de la faute de cet homme ! De ces gens que j'ai appelé parents ! Il a voulu me punir alors il a pris mon bien-aimé... qu'est-ce que je les déteste !

- Nihan ? Entendis-je.

Je lève la tête et vois mes deux grands frères. Je me lève et les prends dans mes bras.

- Il a tiré sur Rüzgar... Dis-je en pleurant. Il a dit que j'ai déshonoré la famille, et il lui a tiré dessus !

Je sens Serhat serrer sa main contre moi. Mais tout d'un coup, je recule. Ce jour-là, si je ne les avais pas arrêté... ils auraient fait la même chose.

- Vous voyez à quel point ça me fait mal ? Dis-je, la voix brisée. Mon bien-aimé se bat pour sa vie à l'intérieur ! Pourquoi ? Parce que mon géniteur lui a tiré dessus ! Mais cette scène aurait pu se passer quelques jours plutôt... et ça aurait été vous, et pas mon géniteur.

Ils se regardent puis baissent leurs têtes.

- Écoute, Nihan... me disent-ils.

- Je ne veux rien entendre... promettez moi seulement de faire partir ces deux personnes. Dis-je faiblement. Ils m'ont fait assez de mal...

- D'accord. On te le promet. Me disent-ils.

Je les remercie faiblement puis ils viennent s'asseoir avec moi.

- Mais explique nous, comment ça s'est passé ? Me demandent-ils.

Et de là, je leur raconte tout depuis le début. Je répète ce qu'ils ont dit, et ce qu'ils ont fait... je n'ai rien oubliée. Je ne peux pas, de toute façon. Cette scène tourne en boucle dans ma tête depuis ce matin...

- De quel droit parlent-ils au nom de notre famille ? Gronde Serhat. J'ai été assez patient, maintenant ça suffit.

- Serhat, ne te salis pas les mains pour lui. Lui dis-je. Il ne le mérite pas.

- Si c'est pour ma sœur, je vais me salir les mains. Aucun soucis. Dit-il.

Puis il s'approche de moi et m'embrasse le front avant de s'en aller en furie. Il ne va pas m'écouter et il ira les voir...

- Nihan, reste auprès de Rüzgar. Moi, je vais le suivre. Me dit Eymen.

Je hoche la tête puis il m'embrasse le front avant de s'en aller. Je rentre à mon tour à l'intérieur de l'hôpital et va voir Rüzgar en soin intensif. Je le regarde depuis l'extérieur par la vitre, les larmes aux yeux.

- Notre histoire ne se finira pas ici, aşkım. Chuchotais-je faiblement.

Alors que j'étais dans mes pensées, j'entends quelqu'un venir en courant. Je relève la tête et vois Enes.

- Rüzgar ? Dit-il, inquiet.

- ... On a réussie à retirer les balles, maintenant il nous reste plus qu'à attendre. Lui dis-je doucement.

Attendre... c'est la seule chose qui nous reste, l'attente. Je regarde les yeux de Rüzgar à travers la vitre. Une soudaine peur s'empare de mon corps. Et s'il ne rouvre plus ses yeux ? Il ne me regardera plus, me parlera plus, me sourira plus... mon Seigneur, je ne veux pas expérimenter une telle douleur !

- Qui lui a tiré dessus ? Me demande Enes.

- ... Ahmet et Zehra Kaya. Dis-je, honteuse.

Honteuse d'avoir de tel parent. Honteuse que ce qui ont fait du mal à l'homme que j'aime, au frère d'Enes, soit ceux qui portent le même sang que moi.

- Nihan... me dit-il doucement.

Puis d'un coup, je sens ses bras m'enlacer.

- Rüzgar est fort, il s'en sortira. Me dit-il.

Je me mets à pleurer. C'est ce que je me répète mais il est à la porte de la mort. J'ai si peur de détourner le regard et le voir partir. J'ai si peur d'entendre cette machine faire un bruit strident, m'indiquant que le coeur de mon bien-aimé ne bat plus. J'ai si peur que notre histoire s'arrête ici... que la mort m'arrache l'homme que j'aime comme elle m'arracherait le cœur.

Le silence d'une âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant