Le silence d'une âme

35.

Trop tard. A peine ai-je lu le message que nous sommes arrivés. Je commence à paniquer. Rüzgar va se marier, et je serais là...

Je sors de la voiture avec mes frères. Je ne peux pas leur dire que je ne viens pas. Ils vont se douter de quelque chose... on rentre dans la salle. Je ne le vois pas, pour l'instant.

- Abi, c'est un mariage ? Demandais-je à Serhat.

- Oui, le mariage de Rüzgar. Je voulais te faire une surprise. Dit-il en souriant. Ils ne pourront plus te forcer à te marier à lui, maintenant.

Je hoche la tête en lui faisant un petit sourire. S'il savait que ses mots me brûlent l'âme...

- Les mariés arrivent ! Crient les gens.

Je vois alors Rüzgar venir, avec une femme. Cette femme, je la connais. Celle qui m'avait enlevée. Il a même orchestré cet enlèvement...

- Viens, on va s'asseoir. Me dit mon frère.

Je hoche la tête puis m'assois. En voyant Rüzgar, tous mes souvenirs avec lui me reviennent. Du début jusqu'à la fin.

- Il... Il allait te tuer... Je... Je voulais pas ! Dis-je en tremblant. Je... Je l'ai tué...

D'un coup, je sens quelque chose sur mes lèvres. Rüzgar ? Il s'éloigne de moi, tout en me regardant dans les yeux.

- Je... Désolé. Me dit-il. Je voulais juste te calmer.

...

- Parce que tu es mon docteur. Me dit-il en souriant légèrement. Je ne laisserais rien ni personne te faire du mal.

Je me racle la gorge et m'éloigne de lui.

- Donc tu dis que tu me protèges, c'est ça ? Lui dis-je.

Il hoche la tête.

- Et qui me protégera de toi ? Lui dis-je doucement.

...

- Rüzgar... Et si tu joues avec moi ? Dis-je les larmes aux yeux. Et si je te fais confiance, mais que tu joues avec mon coeur ?

Il me regarde dans les yeux, puis pose ses mains sur mes joues.

- Qu'Allah me punisse si je joue avec ton coeur. Me dit-il. Laisse moi une chance, et je te montrerais que je suis sérieux avec toi.

...

- Rien de tout ce qu'on a vécu était vrai. M'annonce-t-il. Tout était faux. J'avais tout planifié.

Je continue à le regarder sans bouger. Il m'a vu, mais fais mine de ne pas m'avoir vu.

- Vous, Arzu Demir acceptez-vous, en toute liberté, de prendre Rüzgar Aksoy pour époux ? Demande l'homme.

- Oui ! Dit-elle en souriant.

- Et vous, Rüzgar Aksoy, acceptez-vous, en tout liberté, de prendre Arzu Demir pour épouse ? Demande-t-il.

Rüzgar se met à me regarder.

- ... Oui. Dit-il doucement.

Les larmes me montent aux yeux. Qu'y a-t-il de pire que de voir l'homme qu'on a aimé se marier avec une autre ? Il y a quelques jours de cela, j'allais être à sa place. J'allais devenir la femme de Rüzgar.

Nous restons encore un peu, et pendant tout ce temps, mes yeux ne se détachent pas de lui. Je me fais du mal, je le sais mais je dois comprendre pour l'effacer complètement de mon cœur. Je ne dois plus lui laisser de place...

- Abi, est-ce qu'on peut partir ? Demandais-je à Serhat. Je vais travailler tôt demain.

Il hoche la tête puis se lève avec Eymen. Je les suis, mais ils se dirigent vers Rüzgar. Je les entends un peu plus loin. Je vois Rüzgar mettre sa main autour de la taille de... de sa femme. Les larmes me montent aux yeux. Cette vue me donne envie de vomir.

Quand Arzu me voit les regarder, elle s'approche de Rüzgar, et lui embrasse la joue. Il lui répond en l'embrassant sur le front. Je sens mon cœur se briser à nouveau. Ma vue se brouille. Je me plis en deux à cause de ma douleur au cœur puis tombe au sol.

Je vois encore autour de moi. Je vois Rüzgar sauter de sa chaise, et courir vers moi. D'entre toutes les voix, je n'entends que la sienne.

- Nihan ! Nihan ! Dit-il, inquiet. Appelez une ambulance, vite !

Et c'est sur cette phrase que je tombe inconsciente.

RÜZGAR

La salle de mariage se vide petit à petit. Nihan a été emmené mais je n'ai pas pu l'accompagner. Ses frères étaient là, et tout le monde allait se poser des questions.

- Rüzgar, qu'est-ce que c'était ce que tu as fais tout à l'heure ? Me demande Arzu.

- Je n'ai rien fais. Lui dis-je.

- Tu n'as rien fais ? Dit-elle, indignée. Tu as couru vers elle, pour la sauver ! Tu étais inquiet pour elle, Rüzgar ! Je suis ta femme, elle ne l'est pas. Comprends le !

Je soupire.

- N'importe qui à ma place l'aurait fait. Lui répondis-je.

- Pas n'importe qui. Dit-elle froidement. Pas n'importe qui la prendrait dans ses bras comme tu l'as fais.

Je décide de ne plus lui répondre. Qu'elle dise ce qu'elle veut, je n'allais pas réagir autrement avec Nihan. Si Nihan m'avait pardonnée, elle serait celle qui est à mes côtés.

Mais ce mariage l'éloignera encore plus de moi. Je veux qu'elle m'oublie, je ne veux pas qu'elle me pardonne, je ne le mérite pas. Un jour, elle trouvera un autre homme qui la rendra plus heureuse que moi. Mais si ce jour arrive, je ne sais pas si je pourrais garder mon calme.

Nihan est la première à être rentrée dans mon cœur. Avant, il n'y avait que ma mère et ma sœur... mais elle, je l'aime différemment. Elle m'a fait connaître un nouvel amour, elle m'a fait rappeler l'existence de ce petit bout de chair, qu'est mon cœur. Elle est le médecin de mon âme, ma doktor hanim.

Je décide enfin de rentrer chez moi. Arzu me suit. Je ne peux pas me plaindre de sa présence, puisque c'est moi qui lui ai proposé ce mariage mais j'ai été clair avec elle. Je n'irais jamais loin avec elle, car mon cœur a connu une femme, et il n'en connaîtra pas d'autre. Même s'il meurt de son absence.

Finalement... toute cette histoire m'est retombée dessus. L'aimer est si beau, mais si douloureux. Je me l'avoue enfin : j'aime cette femme. Cet amour est quelque chose de nouveau, et j'ai bien peur de ne pas en connaître ses limites...