Le silence d'une âme

31.

Demain est le jour-J. Si vous vous demandez si j'ai réussi mon plan, alors non... Je n'ai pas pu me venger de Serhat. A vrai dire, je ne sais pas si je n'ai pas pu, ou si je n'ai pas voulu...

- Rüzgar ? Qu'est-ce que tu penses faire, mon frère ? Me demande Enes.

- ... Je ne sais pas, Enes. Dis-je en soupirant. Je ne sais pas.

- Il te reste encore aujourd'hui pour ton plan. Me dit-il.

Je baisse la tête.

- Enes... Tu m'avais souhaité que mon jeu se retourne contre moi... Lui rappelais-je. Ton souhait s'est exaucé.

Je vois un sourire se dessiner sur son visage.

- Mais c'est parfait ! Et demain, c'est votre mariage. Quoi de mieux ? Me dit-il.

- Non... Je vais annuler le mariage. Lui annonçais-je.

Il perd directement son sourire.

- Nihan doit tout savoir... Je ne peux pas vivre avec elle en cachant mes premières intentions. Dis-je en soupirant. La suite dépendra de ce qu'elle voudra.

Enes me regarde tristement. Il n'y a pas de pitié à avoir, personne ne m'a forcé à faire ce plan. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même... Je prends mon téléphone et envoie un message à Nihan. Je lui dis de passer chez moi après son travail. Apprête toi, Rüzgar... Peut-être ce sera la dernière fois que tu verras le visage de ta belle.

NIHAN

Il commence à faire nuit. Je me demande pourquoi Rüzgar voulait me voir tout de suite alors que demain, on se marie. Quelque chose a dû se passer... Je prends ma voiture et va chez lui. Une fois arrivé, je toque et il m'ouvre.

Je remarque à son visage qu'il ne va pas bien. J'avais raison... Quelque chose de grave s'est passé. Je le suis jusqu'au salon et attend qu'il parle.

- Nihan... Dit-il doucement. Notre mariage va être annulé.

A cette annonce, je fronce les sourcils.

- Pourquoi ? Lui demandais-je.

Il me demande de m'asseoir, c'est ce que je fais.

- Rien de tout ce qu'on a vécu était vrai. M'annonce-t-il. Tout était faux. J'avais tout planifié.

Mes mains se mettent à trembler. Je reste figée. Je ne sais quoi dire, ni quoi faire. Mon monde entier vient de s'effondrer sous mes pieds. Petit à petit, les larmes me montent aux yeux.

- Je suis tellement naïve, n'est-ce pas ? Tellement naïve que je t'ai laissé jouer avec moi... Dis-je faiblement. Qu'est-ce que je t'ai fais pour mériter ça ?

Je me lève d'un coup et me mets face à lui.

- Qu'est-ce que tu voulais de moi ? Lui demandais-je. C'était quoi... Ton plan ?

- Je voulais... Je voulais prendre ton honneur. Dit-il doucement. Mais heureusement, je n'ai pas réussis, je...

Et sans attendre, je le gifle. Sa tête tourne vers le côté.

- Pour qui m'as-tu prise, hein ? Pourquoi moi ? Lui demandais-je, tristement. Allah aşkına söyle... Neden? (Pour l'amour d'Allah, dis moi... Pourquoi ?)

- ... Pour me venger de tes frères, de Serhat. Dit-il. Cette histoire date d'il y a cinq ans.

Je le regarde pour lui faire comprendre que je vais tout savoir.

- J'ai une grande soeur, Meryem. Serhat et elle étaient mariés. Me raconte-t-il. Je l'avais déjà rencontré une ou deux fois, avant leur mariage. Puis les deux sont partis en lune de miel, tout allait bien entre eux mais... Mais quelques jours avant le retour en Turquie, Serhat avait disparu.

Je fais les gros yeux... Non... Pas mon frère...

- Il n'y avait plus ses papiers, ses vêtements, rien. Il avait juste laissé un peu d'argent pour ma soeur, qui est rentrée toute seule en Turquie. Continue-t-il. J'avais compris qu'il a eu ce qu'il voulait, puis il est partit. Mais ça, ce n'était que le début...

Je vois ses mains trembler, et sa mâchoire se serrer en même temps qu'il me racontait.

- Elle n'a pas pu supporter, alors elle a tentée de mettre fin à ses jours... Dit-il faiblement. Elle a survécu, mais elle est devenue paralysée. Elle reçoit encore des traitements pour guérir, mais sa guérison n'est même pas sûr.

Je me mets à jouer avec mes doigts.

- Et toi, tu as décidé de me faire la même chose. Dis-je faiblement. Ce que tu as vécus, tu voulais que mon frère le vive. Ton passé n'a pas été une leçon pour toi ?

Après ma réponse, il baisse la tête.

- Et qu'est-ce que j'ai pu croire, moi ? Dis-je, les larmes aux yeux. Reste-t-il une once de conscience à un homme qui a tué son propre père ? Je ne suis qu'une idiote ! Comment j'ai pu te faire confiance ?

- Nihan... Dit-il doucement.

- Ne prononce pas mon nom ! Criais-je. Ne prononce pas mon nom...

Il évite toujours de me regarder dans les yeux.

- Je ne suis pas ton ennemi, moi... Dis-je, la voix brisée. Je ne te voulais aucun mal. Je t'ai juste donné mon coeur, mais pas pour que tu joues avec. Mes frères voulaient te tuer pendant le mariage... Alors que j'essayais de trouver des solutions pour les arrêter, tu voulais me faire du mal.

J'essaie de me retenir pour ne pas pleurer devant lui, mais je n'y arrive pas.

- Tout le monde me prévenait contre toi, mais moi comme une idiote, je me disais que Rüzgar m'aimait ! Qu'il ne me ferait jamais du mal... Dis-je en pleurant. J'ai même tué un homme pour toi ! Parce que j'avais peur qu'il te tue ! 

Je passe ma main dans mes cheveux et sèche mes larmes.

- Tu ne t'es pas dis que mes frères pouvaient me tuer, ou même se tuer eux-mêmes si j'avais commis ce péché ? Lui demandais-je.

En le voyant lever sa tête vers moi d'un coup, je comprends que c'était son but. Je me mets alors à rire nerveusement, pour finir par pleurer.

- Je n'arrive pas à croire que tu es ce genre d'hommes... Dis-je, brisée. Ma vie n'avait aucune valeur... pour toi ? Mon Seigneur... Qu'est-ce que j'ai fais pour mériter ça ? Je... Je...

J'essaie de parler encore, mais les mots ne sortent plus de ma bouche. Mon coeur saigne, et je le sens. Ma vue est brouillée à cause de mes larmes. Je continue à pleurer, jusqu'à que je sente une douleur intense au coeur. Mes jambes ne me tiennent plus debout, alors je m'écroule au sol, et tombe inconsciente.