Je contemple la photo de ma Nihan, depuis des heures. Les larmes ont brouillés ma vue, mais je continue à la regarder. Mes poings se serrent lentement, jusqu'à ce que mes phalanges deviennent blanches.
- Enes. Criais-je.
Il ouvre directement la porte et entre.
- Je te confie toutes mes affaires. Lui dis-je. Que ce soit l'entreprise ou nos affaires illégales. Tout est à toi.
- Rüzgar, où vas-tu ? Me demande-t-il, soucieux.
Je regarde la photo de Nihan avant de tourner ma tête vers lui.
- En Sicile, ce soir. Le prévenais-je. Je vais venger ma femme. Soit je vais revenir en l'ayant vengé, soit je mourrais en tentant de la venger.
- Rüzgar, il fait partie de la mafia sicilienne ! Tu crois qu'ils vont te laisser vivre ? Me dit-il, en tentant de me résonner. Nihan n'aurait pas voulu que tu te jettes dans la gueule du loup, tu le sais mieux que moi.
- Est-ce qu'ils peuvent tuer un homme déjà mort ? Lui répondis-je, en me perdant dans mes terribles souvenirs. Je ne peux pas respirer sans elle, Enes. Et je sais que rien ne changera si je le tue, mais je ne peux pas me dire qu'il est en vie alors que ma femme est six pieds sous terre !
Je ne vois plus que par la haine. Et personne ne peut maitriser cette haine. Mes yeux se sont assombris, mon coeur aussi. J'ai perdu le peu de compassion et de bonté que j'avais. La seule chose que je désire est de venger ma Nihan. La venger, et par la même occasion, mourir.
Les larmes me remontent en pensant à la mort de Nihan, à cette explosion. Il y a comme un bourdonnement permanent dans ma tête, je pose mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre ce bruit strident mais rien ne l'arrête.
- Rüzgar, tu vas bien ? S'enquit Enes.
Je ferme les yeux fortement. Ce bruit continu ne me laisse aucun répit. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, c'est le cas à chaque fois que je me souviens d'elle. Je me tape la tête contre mon bureau, mais rien n'y fait. Cette fois est encore plus violente que toutes les autres.
- Ma tête ! Criais-je.
Je continue à me boucher les oreilles mais des voix se mêlent à ces bruits stridents.
- Deux voitures sont face à toi...
Je relève la tête. Mes yeux se sont remplis de larmes dû à la douleur.
- Laquelle choisiras-tu ?
- Ah ! Nihan ! Criais-je.
- A l'aide ! Crie-t-elle en pleurant. Rüzgar ! Aidez moi !
Je serre mes poings fortement jusqu'à saigner de la main. Enes appelle un médecin rapidement.
- Il a fait explosé Nihan
Et les sons se mélangent à des images. L'impression de vivre un cauchemar éveillé est réelle. Je vois le visage souriant de Nihan, mélangé à la détresse de ses frères, à cette voiture en feu, à Kadir avec un rire sournois.
- Rüzgar... Sauve moi. Souffle-t-elle, épuisée.
- NIHAN ! Criais-je.
- Laquelle choisiras-tu, Rüzgar ?!
Ce cauchemar continue encore durant de longues minutes avant que je ne lâche prise, et tombe au sol.
NIHAN
Alors que j'étais assise sur mon lit, je ressens une pointe dans le coeur. Une terrible douleur au coeur. Je me lève de mon lit en posant ma main sur ma poitrine puis ferme la porte à clé. Je me rassois en prenant mon carnet. Je ressens le besoin d'écrire. Comme à chaque fois, je ne réfléchis pas et écris ce que j'ai sur le coeur.
"Mon Rüzgar,
Je t'écris cette dixième confidence. Aujourd'hui, nous sommes le 8 août. Plus que deux jours, et cela fera un an que nous nous connaissions. Cela fera un an où tu es venu avec moi lors de ma fuite en Italie. Comme le temps passe vite ! Je m'en rappelle comme si c'était hier... J'aurais tellement voulu être à tes côtés ce jour-là, mais je ne peux pas.
J'ai su que Kadir m'a fait passer pour morte, alors que je suis bien en vie. J'ignore comment il a réussi à vous convaincre de ma mort mais j'espère fortement que tu sais au fond de toi que je ne suis pas partis... Je ne te laisserais pas, Rüzgar. Nous n'avons encore rien vécu ensemble ! Je suis là, en chair et en os. Je ne te laisserais pas, mon amour.
Malgré tout, j'espère que vous allez bien, toi et mes frères. Ce douloureux mensonge vous fait souffrir, je le sais, mais tenez bon. Je sais qu'un jour, nous nous retrouverons.
Kadir est tellement fier de son geste. Il pense qu'en vous éliminant, je me tournerais vers lui. Il veut que je l'aime comme il m'aime, enfin... Je ne peux pas dire qu'il m'aime. Ce n'est pas de l'amour. C'est de l'obsession. Rüzgar, si tu voyais mon bonheur autre part, tu me laisserais partir, rien que pour que je sois heureuse mais lui... Il me veut, de gré ou de force. Et à vrai dire, j'ai peur de ce qu'il peut faire. S'il décide que je sois sienne tout de suite, personne ne pourra l'arrêter. Personne...
Tu sais ? Je fais tout pour avoir l'air négligé. Je ne me maquille pas, je porte des vêtements très large, je ne me coiffe pas correctement, pour que je ne l'attire pas. Pour qu'il ne s'approche pas. Rien a marché, Rüzgar. La dernière fois, il m'avait drogué. Je te voyais à sa place... Si je ne m'étais pas évanouie, il serait parvenu à ses fins. Ce jour-là, Allah m'a sauvé. Mais quand il sera ennuyé de tous ces jeux, j'ai bien peur qu'il me prenne par la force. Si ce jour arrive, pardonne moi si je n'arrive plus à me battre, pardonne moi si je mets fin à ma vie.
De toute façon, je t'écris mais liras-tu ? Si je meurs ici, vous ne le saurez pas, parce qu'à vos yeux, je suis déjà morte. Peut-être que j'espère pour rien, peut-être que je resterais ici toute ma vie, peut-être que je ne rêverais que de ton nom, Rüzgar. Je me dis, peut-être qu'à la mort de cet homme, j'appartiendrais à son héritier et ainsi de suite. Mais aucun ne possèdera mon coeur, seul toi le possède, mon amour.
Je ne sais pas si un jour tu liras mes mots, mais sache que ta Nihan t'aime plus que tout. Elle ne t'aime pas qu'avec les mots mais avec le coeur. Tu es la maître de mon coeur, Rüzgar, sache le et ne l'oublie jamais."
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Le silence d'une âme
JugendliteraturNihan, une jeune femme à l'âme innocente se retrouve dans un monde sombre où seul l'adversité règne. Elle deviendra, malgré elle, la source d'une nouvelle guerre. Lui, il baigne dans ce monde depuis toujours. Mais que se passera-t-il lorsque deux êt...