Le silence d'une âme

98.

C'est le jour-J. Je me regarde encore dans le miroir, la boule au ventre. Mes mains tremblent et je tente de les cacher. Il ne reste plus qu'un petit moment avant que le maire ne vienne. Le mariage religieux sera fait en même temps que le civil. Après cela, je rentrerais avec Rüzgar dans mon nouveau chez moi.

Pendant que la coiffeuse me coiffe les cheveux, je sens une présence derrière moi. Je regarde dans le miroir et vois mes frères. Ils ont tous les deux les larmes aux yeux. Leur petite sœur va se marier. Celle qui a grandi entre leurs mains va partir.

- Pouvez-vous nous laisser deux minutes, s'il vous plaît ? Demandais-je à la coiffeuse.

Elle hoche la tête puis s'en va. Je me lève alors et m'approche de mes frères. Sans dire un mot, je les prends dans mes bras.

- Mon cœur... me dit Serhat. C'est enfin ton heure.

Je me sépare d'eux et les regarde dans les yeux.

- Je ne serais pas loin, de toute façon, abiler. Leur dis-je pour les rassurer. On sera à quelques minutes de la maison. Je viendrais vous voir tous les jours.

Ils m'embrassent le front. Je ne pourrais pas quitter la ville, de toute façon. Je ne peux pas être loin d'eux.

- Tu feras attention à toi, mon coeur. Si jamais tu as un problème, appelle nous à n'importe quelle heure, on sera là. Me dit-il. On sait que Rüzgar prendra soin de toi, mais sache qu'on est là, nous aussi...

Les larmes commencent à me monter aux yeux. Cette séparation m'est tellement dure. Mes frères me regardent avec fierté, mais aussi avec déchirement. Une partie de moi se déchire d'eux.

- Eymen, ma nièce pourra enfin prendre ma chambre. Dis-je en riant au milieu des larmes. Elle qui rêvait tant de l'avoir.

Ils rient légèrement.

- Tu vas tellement nous manquer, Nihan ! Me dit Eymen. Ces soirées qu'on passait tous les trois à rire, parler de tout et de rien jusqu'à l'aube vont me manquer. Ma petite sœur me manquera beaucoup...

- On gardera nos habitudes. Lui dis-je doucement, avec une voix qui se veut réconfortante. On passera d'autres soirées ensemble, on continuera à être trois, malgré tout. Vous êtes ma seule famille, abiler. Je ne peux pas être séparée longtemps de vous...

Je sens que malgré mes paroles, ils sont inconsolable.

- Madame Nihan, je dois finir la coupe. Dit la coiffeuse.

Je sèche mes larmes avec mon pouce puis hoche la tête. Je m'installe à nouveau et elle continue. En même temps, la maquilleuse se met aussi au travail. Mes frères sont restés assis un peu plus loin, ne voulant pas me laisser.

Après plusieurs minutes, elles ont enfin finis. Je me regarde dans le miroir... Le rendu est magnifique. Je les remercie avant qu'elle s'en aille puis je me tourne vers mes frères. Serhat s'approche, prend la couronne avec le voile et me le pose sur la tête.

- Tu es magnifique, mon cœur. Me dit-il.

Je lui souris puis regarde l'extérieur. C'est l'heure. Je prends les bras de mes frères puis nous sortons, à pas lent. Ils m'accompagnent jusqu'à l'estrade. C'est comme s'ils montraient qu'ils m'ont accompagnés depuis le début de ma vie, et lorsqu'ils m'ont lâchés pour que je rejoigne Rüzgar, c'est qu'ils m'ont confiés entre les mains de mon mari.

Rüzgar ne cesse de me regarder de bas en haut. Il recule ma chaise pour que je puisse m'asseoir, sans oublier de me murmurer à l'oreille à quel point il me trouvait belle. Ses paroles m'ont donnés de l'assurance, et mon coeur s'est apaisé.

Je vois le maire arriver. Lorsqu'il s'assoit en même temps que les témoins, la salle devient silencieuse. Le maire prononce son long discours habituel. Puis...

- Ces deux jeunes ont émis le souhait de se marier. Dit-il. Alors je vous demande, Nihan Kaya, désirez-vous de prendre pour époux Rüzgar Aksoy ?

- Oui ! Dis-je avec joie.

- Et vous, Rüzgar Aksoy, désirez-vous de prendre Nihan Kaya pour épouse ? Demande-t-il.

- Pour toute la vie, oui ! Crie-t-il en souriant.

Le maire demande ensuite la confirmation des témoins et nous signons les papiers.

- Alors je vous déclare mari et femme ! Déclare-t-il.

Les applaudissements fusent. C'est bon. Je suis officiellement la femme de Rüzgar. Je souris de toute mes dents. Mon Seigneur, comme je suis comblée ! Je me lève et prends Rüzgar dans mes bras, qui ensuite, m'embrasse le front.

- Nihan Aksoy. Dit-il en souriant.

Mes yeux brillent de joie. Je n'ai jamais connu un tel bonheur... il me prend par la main et on descend de l'estrade. Ils m'emmènent au côté de mes frères mais je vois une autre personne.

- Meryem ! Dis-je en souriant.

Elle était en fauteuil roulant mais elle était ici. Je suis tellement contente qu'elle soit là !

- Je ne pouvais pas rater votre mariage. Me dit-elle en souriant.

Tout est tellement parfait. Je n'arrive pas à croire que nous en sommes là. Nous discutons avec eux, mais je retourne sur l'estrade, les invités se mettent sur le côté et les hommes se mettent au milieu de la salle. Mon mari et mes frères se mettent côte à côte dans un cercle puis font une de nos danses traditionnelles. Le halay.

Leurs mouvements s'accordent parfaitement et je peux sentir la bonne entente entre eux. Quoi demander de plus ? Mon cœur bat fort lorsque Rüzgar me regarde et me fait un clin d'œil. C'est fou à quel point cet homme me fait le même effet qu'au début. Mais cette fois, il est mien et je suis sienne. Nous avons liés nos noms, nos âmes, nos cœurs, pour ne former qu'un.

Parce qu'après tout, c'est cela le mariage, non ? L'union entre deux cœurs qui battront même dans l'au-delà ensemble. Et malgré moi, je viens de comprendre une chose... Le cœur bat depuis la naissance dans l'unique but de se maintenir en vie... Mais lorsque l'âme rencontre son âme sœur, il en oublie ce but pour ne battre plus que pour elle, devenant dépendant de son souffle.

Rüzgar est mon souffle et j'en suis devenue dépendante. Malgré toutes les difficultés que nous avons vécus, j'espère que nous vivrons ensemble pour toujours, et que notre amour deviendra éternel, si Allah nous accorde le Paradis.