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Kadir s'est enfin levé. Je n'ai pas pu dormir de la nuit, par crainte qu'il s'approche de moi. Lorsqu'il se lève enfin, je me lève aussi et rentre dans ma chambre en fermant la porte à clé. Avant de faire quoi que ce soit, j'ai besoin d'écrire.

Je me rassois sur mon lit et prends le carnet. Je n'attendais que ce moment de toute la nuit. Je ne peux pas parler, alors je peux exprimer mes sentiments en écrivant. Je prends mon stylo et me mets à écrire ce qui me passe par la tête...

"Rüzgar...

Aujourd'hui cela fait quinze jours que je suis prisonnière dans cet endroit. Cela fait deux semaines où cet homme est venu face à moi, me montrant vos maisons sur un écran de téléphone. Ne m'en veux pas, si je n'étais pas partis avec lui, il vous aurait tué. Toi, mes frères, mes neveux, ma belle-sœur, Inaya, Erkan, Ryad et leurs enfants. Je ne pouvais pas le laisser faire...

J'ai espoir que vous me trouviez. Mais est-ce une bonne idée ? Si vous me trouvez, cet homme me laissera-t-il partir ? Il vous tuera et me gardera encore à ses côtés. Rüzgar... ‏je n'ai jamais prié pour la mort de qui que ce soit, mais je me retrouve à demander à Allah de reprendre sa vie. Sa mort sera, peut-être, ma libération.

Mais tu sais ? Il est un homme très respecté, très puissant. Donc fuir n'est sûrement pas facile. Ses hommes me trouveront n'importe où. Cet homme essaie de m'impressionner avec cette maison qui ressemble à un palace, un dressing rempli de vêtements de luxe, des mets aussi luxueux les uns que les autres, des yachts, des jets privés, un personnel... etc.

Mais rien ne m'impressionne. Je veux simplement être dans tes bras. Est-ce que son argent pourra me donner cela ? Non... Rüzgar, cet homme me considère comme sa femme et me parle d'enfants. J'ai peur qu'il me force à porter son enfant. Que vais-je faire ? Quand il verra que je m'éloigne de lui, qu'il ne m'attire pas et que je ne l'aimerais jamais, j'ai peur qu'il me force.

Je t'écris mais je ne sais pas si tu liras cela un jour, j'espère que mes mots toucheront ton coeur de loin. J'espère que ton âme entendra la mienne, et je te le dis : je vais bien, aşkım. Je vais bien et j'attends le jour où nous nous reverrons..."

Puis je ferme le carnet et m'habille. Bientôt, on va m'appeller pour déjeuner. Je range le carnet sous mon matelas puis descends. La table est déjà prête et comme d'habitude, avec des milliers de repas différents.

- Tu as bien dormi ? Me demande Kadir.

Je le regarde sans rien dire. Je me sers à manger, puis mange en silence.

- Don Giovanni, désirez-vous autre chose ? Lui demande Pedro.

Il secoue sa tête alors Pedro s'en va.

- Pourquoi on t'appelle Giovanni et non Kadir ? Lui demandais-je.

- Ce sont mes deux prénoms. Ma mère est turque et mon père italien. Me dit-il. Je suis connu en Turquie en tant que "Kadir" et en Italie, en tant que "Giovanni Moretti".

Je hoche la tête. Je lui demandais simplement par curiosité. Donc... si je réfléchis bien, si mes frères cherchent mon ravisseur, ils tomberont sur "Giovanni". Mais j'espère qu'ils sauront que Giovanni n'est autre que Kadir.

- Finis de manger, ensuite on ira quelque part. Me prévient-il.

Je me demande où on ira encore une fois... j'espère que ce ne sera pas encore l'une de ses interminable réunions. Nous verrons bien.

RÜZGAR

Je fais les cents pas tout en gardant mon téléphone à l'oreille. Je passe des coups de fils de droite à gauche pour avoir plus d'informations, mais toujours rien. Voyant que je n'arrive à rien trouver, je monte à l'étage.

Je cherche la chambre de Nihan, puis la trouve. Je rentre à l'intérieur, sa chambre est à son image, simple. Je regarde les photos qui sont accrochées à son mur. Des photos d'elle plus jeune, de sa remise de diplôme, d'elle en blouse de médecin... 

Je continue à regarder autour de moi. J'ouvre son tiroir, peut-être qu'elle a laissé un indice mais à la place, je vois plusieurs photos de nous. Je les prends dans ma main et les regarde en m'asseyant sur le lit. Je me mets à sourire tristement. Les larmes me montent aux yeux.

- Où es-tu, ma doktor hanim ? Dis-je doucement.

- On va la retrouver, Rüzgar. Entendis-je.

Je relève ma tête et vois son amie, Inaya. 

- Ne baisse pas les bras... Elle n'aimerait pas te voir comme ça. Me dit-elle.

Je hoche la tête puis sèche mes larmes avec ma main.

- Allah sait ce qu'elle est en train de vivre, et je suis là, à rien faire. Dis-je la voix brisée. Mais je ne fais rien, pas parce que j'en ai envie mais parce que je suis impuissant...

Elle me regarde tristement.

- Au fond de moi, je sais qu'elle va bien. Sinon, je l'aurais sentis. Dis-je faiblement. Mais ne pas savoir où elle est, comment elle va réellement, me rend malade...

Je finis par me relever en regardant ses affaires.

- Si je ne la retrouve pas saine et sauve... Commençais-je.

Le reste de ma phrase ne veut pas sortir.

- Qu'Allah la préserve. Me dit son amie.

- Si je ne la retrouve pas saine et sauve... Répétais-je. Je ne pourrais plus jamais continuer à vivre. Je la rejoindrais...

Son amie continue à me regarder sans pouvoir rien dire. A sa place, je ne dirais rien non plus. Puis... Je n'attends pas forcément une réponse. Je conte mon malheur à moi-même...

- Rüzgar ! Rüzgar ! Entendis-je.

Je lève la tête vers la porte et vois Enes.

- On a trouvé quelque chose ! Dit-il en souriant.

Sans plus attendre, je descends en courant. Serhat est en appel avec son homme en Sicile.

- Serhat abi. Dit l'homme. Nous n'avons rien trouvés sur la femme appelée Dina, mais j'ai une image de Giovanni. Je te l'ai envoyé.

Je m'approche alors du téléphone. L'image charge... Serhat l'ouvre et je reconnais directement cet homme.

- Kadir ! Dis-je. C'est Kadir ! Il est en vie ! 

Le silence d'une âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant