111.

218 14 0
                                    

Alors que je dormais, je sens une main caresser mes cheveux. Croyant que c'est Rüzgar, je ne bouge pas. Je garde les yeux fermés.

- Tu ne vas pas ouvrir tes yeux, mon coeur ? Entendis-je.

Cette voix. Mon Dieu... j'ouvre les yeux rapidement puis me tourne.

- Abi... ? Dis-je doucement.

Je me révèle et le prends dans mes bras.

- Abi... tu es en vie ! Dis-je les larmes aux yeux. Je le savais ! Tu es en vie !

Il me serre contre lui sans rien dire. Mais une odeur nauséabonde me force à me reculer. L'odeur du sang. Je vois du sang couler de son cœur.

- Abi... tu saignes. Lui dis-je faiblement.

Il hoche la tête, comme si c'était la chose la plus normale qui soit.

- Ne pleure pas, tu dois prendre soin de toi. Me dit-il. Tu dois prendre soin de tes enfants, Nihan.

Mes lèvres se mettent à trembler.

- Ils te sauveront de ce malheur, crois moi. M'assure-t-il. Et moi, je serais toujours à tes côtés. Tu ne me verras pas, tu ne m'entendras pas, mais je serais là pour toi, mon coeur. Toujours...

Je secoue ma tête et mes larmes se mettent à couler. Il commence à s'en aller.

- Ne t'en vas pas, abi. Dis-je faiblement. Abi, je t'en supplie ! Abi !

RÜZGAR

J'entends Nihan crier à l'étage alors je me lève en courant pour la rejoindre. Elle se débat dans le lit en pleurant, et criant le nom de Serhat. Je me mets à ses côtés et tente de la calmer, jusqu'à ce qu'elle ouvre ses yeux.

- Abi est partit ! Dit-elle en pleurant. Serhat m'a laissé...

Je la prends dans mes bras en la caressant doucement.

- Rüzgar... dis moi que c'est faux. Je t'en supplie. Dit-elle faiblement. Serhat n'est pas mort. Il ne peut pas mourir.

Je la garde contre moi sans rien dire. Qu'est-ce que je peux dire, après tout ?

- Sa peau était froide... il avait perdu toutes ses couleurs, ses lèvres étaient bleues. Ses yeux étaient fermés. Il semblait dormir. Me dit-elle les larmes aux yeux. Je l'ai serré dans mes bras. Je lui ai dis que j'étais perdue... que j'allais mal... il ne s'est pas réveillé.

C'était à la morgue. Elle a tellement insisté pour le voir une dernière fois qu'aucun d'entre nous n'a pu refuser.

- Serhat me manque tellement, Rüzgar. Dit-elle la voix brisée. Il ne devait pas mourir ! Maintenant... j'ai l'impression d'avoir perdu mon grand frère et mon père. J'ai l'impression de ne plus savoir où je suis. Je... je suis tellement vide. Le monde me semble tellement sombre, l'air me semble s'épuiser à tel point que je n'arrive plus à respirer.

Je prends sa main dans la mienne puis soupire.

- Et si je t'emmenais dans la maison de tes frères ? Lui dis-je tristement. Être au côté d'Eymen te soulagera beaucoup...

Elle relève alors la tête.

- Mon Seigneur... Eymen ! Comment va Eymen ? Me demande-t-elle.

Je la regarde en grimaçant. Il est aussi brisé qu'elle. Il a perdu son jumeau, après tout. Nihan se lève du lit d'un coup, porte sa veste puis me regarde.

- Je vais aller voir Eymen abi. Me dit-elle. Je dois rester avec lui.

Je hoche la tête puis sors de la chambre avec elle. Je l'accompagne jusqu'à Enes.

- Enes, mon frère... est-ce que tu peux la déposer chez Eymen ? Lui demandais-je. Je dois voir Meryem...

Il hoche la tête puis accompagne Nihan jusqu'à l'extérieur. Quand ils s'en vont, je monte dans la chambre de ma sœur.

NIHAN

Nous sommes arrivés devant le grillage de mon ancienne maison. Je reste à fixer le jardin, sans pouvoir entrer. Je dois rester avec mon frère, mais je ne peux pas rentrer... j'ai peur.

- Nihan... me dit Enes. Viens, on va rentrer ensemble.

Je hoche avec hésitation la tête, puis me tiens à son bras. Je ferme les yeux pendant quelques secondes et je déglutis péniblement. On franchit l'entrée puis on se dirige vers la maison. À peine suis-je entrée qu'un flot de souvenirs me submergent.

- Je vais monter seule... Dis-je doucement.

Enes hoche la tête puis me laisse monter. Je m'avance lentement jusqu'à la chambre de Serhat. Mes yeux se remplissent de larmes lorsque j'ouvre la porte.

- Eymen... Dis-je faiblement.

Il relève sa tête vers moi.

- ... Nihan. Viens, mon coeur. Entre. Me dit-il d'une voix faible.

Je rentre et m'approche de lui. Sans attendre, je le prends dans mes bras. Nous pleurons tous les deux, l'un contre l'autre.

- Ne me laisse pas, toi aussi. Dis-je en sanglotant. Je ne veux plus perdre un autre frère.

Il me serre de plus en plus fort contre lui.

- Jamais je ne te laisserais, petite soeur. Dit-il les larmes aux yeux.

Il se sépare de moi puis sèche mes larmes. Mais en vain, puisqu'à chaque fois qu'elles sèchent, de nouvelles coulent.

- Ils nous ont détruits, abi. Dis-je la voix brisée. Ils nous ont brisés. Je ne me suis jamais senti aussi impuissante, désespérée...

La scène de sa mort me revient en mémoire. Tout son sang sur moi. Ses mains qui aggripaient la terre à cause de la douleur. Son regard désolé, il ne voulait pas que je sois autant détruite mais il ne pouvait rien y faire.

- Allah nous a réuni tous les trois dans ce monde, et Il nous réunira dans l'au-delà. Dit-il tristement.

Je lève le regard sur la chambre de Serhat. Son odeur est encore présente. Il dormait ici, il y a encore quatre jours de ça. Je finis par poser ma tête sur le torse d'Eymen et je place mon bras autour de lui.

- Cette douleur s'en ira... pas vrai, abi ? Dis-je les larmes aux yeux.

- Un jour elle s'en ira... Dit-il doucement.

J'enfouis alors ma tête contre son torse pendant qu'il me caresse lentement les cheveux. Comme le faisait Serhat.

- Et même si elle s'en va, on ne l'oubliera pas. Hein ? Dis-je la voix brisée. Je ne veux pas l'oublier.

- On ne l'oubliera jamais. On vivra avec ses souvenirs, mais jamais il ne quittera nos cœurs et nos esprits. Jamais. Souffle-t-il.

Je ferme les yeux, l'imaginant à nos côtés. Formant de nouveaux notre trio, oubliant pendant un instant qu'il nous a quitté pour rejoindre son Créateur.

Le silence d'une âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant