Le silence d'une âme

88.

Nous voilà ici depuis plusieurs minutes à savourer nos retrouvailles. Je me sens planer, comme si j'étais dans un rêve. Après de longues semaines de lutte, de désespoir, après de longues semaines où je regardais l'homme que j'aimais s'éloigner de moi, en étant impuissante... je le retrouve enfin.

Soudain, j'entends un raclement de gorge. Je me retourne et vois mes frères. Ils étaient heureux de me revoir sourire, mais ne pouvaient s'empêcher de montrer leur mécontentement par rapport à la présence de Rüzgar.

- Tout le monde est partit. Me prévient Eymen. Il ne reste plus que nous.

Je hoche la tête. La plupart des invités étaient des gens de notre quartier, et tous connaissent mon histoire avec Rüzgar. Ils ne doivent pas être très surpris. Mais Ryad... je me sens mal pour lui. Je ne voulais pas l'entraîner dans tout ça.

- Abi... cette histoire de mariage est fini, n'est-ce pas ? Lui demandais-je.

Eymen et Serhat se regardent puis hochent la tête. Je soupire de soulagement et regarde Rüzgar en souriant.

- Puisque vous êtes tous là, je dois vous poser ces questions. Leur dis-je, puis je me tourne vers Serhat. Abi, cet homme qui t'a menacé... s'il est en vie, peux-tu le retrouver ?

Il fronce les sourcils.

- ... Je peux, je suppose. Me dit-il en haussant les épaules.

Puis je me tourne vers Rüzgar.

- Rüzgar, si mon frère le retrouve et qu'il confirme ce que Serhat abim a dit, lui pardonneras-tu ? Lui demandais-je.

Il me regarde en grimaçant.

- Ce sera compliqué, mais sûrement... Dit-il en soupirant.

- Bien. Alors, trouvez le. Faites le pour moi. Et réconciliez-vous. Leur dis-je, doucement. Fais payer le vrai coupable, Rüzgar. Pas mon frère.

Ils se regardent tous, ne sachant quoi me dire. Ils ne veulent pas me blesser, je le sais. Mais ils ne veulent pas abandonner aussi facilement. Leur guerre dure depuis des années, et ils se retrouveront à faire la paix après qu'un homme ait prononcé quelques mots. Je suppose que ce sera un énorme coup pour leur fierté.

Cependant, je sais que s'ils font la paix, notre vie ira beaucoup mieux. Mes frères et mon bien-aimé ne se feront plus la guerre, mes frères accepteront, je l'espère, notre union, et peut-être que mon frère se réunira avec Meryem. Avec son amour perdu, celle qu'il pensait morte. Je reste optimiste, malgré tout... mais pour cela, il faut trouver cet homme.

RÜZGAR

J'accompagne Nihan jusqu'à la voiture de ses frères. Je reste éblouie face à sa beauté dans cette robe blanche. La même flamme qui brûlait mon cœur chaque fois que je la voyais est revenu, et je ne peux en être que heureux.

- Serhat. L'interpellais-je avant qu'il ne monte dans la voiture.

Il s'approche de moi.

- Après que l'on aura trouvé cet homme, je viendrais te demander la main de Nihan. Le prévenais-je.

- Je ne suis pas encore prêt à te donner ma soeur. Rétorque-t-il. J'ai besoin de réfléchir.

Je soupire.

- Réfléchis autant que tu veux, mais mets toi en tête que je ne lâcherais jamais Nihan. Lui dis-je fermement. Je sais qu'être avec elle hors-mariage n'est pas la meilleure chose à faire. Je veux qu'elle devienne licite pour moi.

Il serre ses poings. Je sais que m'imaginer avec sa sœur l'irrite énormément.

- Nihan ne veut qu'une chose, et tu ne veux pas la rendre malheureuse, j'en suis certain. Lui dis-je. Si ma sœur était là, elle aurait encouragée mon union avec Nihan...

Il ne répond rien, alors je m'éloigne de lui.

- Envoie moi tout ce que tu sais sur cet homme. On le retrouvera, ensuite on reprendra cette discution. Lui dis-je.

Puis je m'en vais en direction de ma voiture. J'espère fortement que cet homme existe réellement, et qu'il confirmera les dires de Serhat. Je sais que ça fera plaisir à Nihan. Et si c'est le cas, j'avouerais à Serhat que ma soeur est en vie...

Je soupire puis démarre en direction de ma maison. Après quelques minutes, j'y arrive enfin. Enes me rejoint à l'extérieur. Il me regarde, inquiet.

- ... Nihan... Nihan s'est marié ? Me demande-t-il.

Je secoue ma tête en souriant.

- Je les ai arrêté à la dernière minute. Dis-je avec soulagement. J'étais à deux doigts de la perdre, Enes...

- Tout est rentré dans l'ordre, alors ? Me dit-il.

Je hoche la tête.

- Serhat va chercher l'homme qui l'a forcé à lâcher ma soeur. L'informais-je. S'il le trouve, Serhat et moi ferons la paix.

Je vois Enes sourire. À vrai dire, j'ai l'impression que cette paix est une fatalité. Comme l'avait voulu Nihan, elle est celle qui a enterré la hache de guerre. Ma Nihan.

Je finis par rentrer à l'intérieur, suivis d'Enes.

- Donc ta vengeance est terminée ? Me demande-t-il.

- Avec Serhat, oui. Même s'il ne trouve pas cet homme, je ne lui ferais plus de mal. Lui dis-je en soupirant. Mais il reste la seule vengeance que je n'abandonnerais pas... mon géniteur.

Avec tous ces évènements, je l'ai oublié mais je m'en suis rappelé avec l'anniversaire de la mort de ma mère. Demain fera vingt-et-un ans qu'elle a été lâchement assassiné par son mari. Lâchement assassiné face aux yeux de son fils de six ans. Cela fera vingt-et-un que je n'ai plus revu ma mère, que j'ai dû vivre auprès de sa famille, qui ne me voulait pas.

Et chaque année, à cette même date, je vais à Şile. Cette année, j'emmènerai Nihan avec moi. J'ai besoin qu'elle soit présente à mes côtés. Et par la même occasion, je la présenterais à ma mère... elle ne la verra sûrement pas, ni ne m'entendra, mais j'aime tout de même lui raconter ma vie, comme si elle était face à moi.

- Rüzgar, tu vas bien ? Me demande Enes.

- Oui... je me suis perdu dans mes pensées. Lui dis-je faiblement. Demain, j'emmènerai Nihan à Şile avec moi.

- Pourquoi dem-... Commence-t-il avant de s'arrêter. Oh, c'est vrai... Tu es sûre de toi ? Tu n'as jamais emmené personne là-bas.

Je hoche la tête.

- Mais Nihan n'est pas n'importe qui. C'est ma futur femme. Je veux partager mon passé avec elle. Lui dis-je. Mais après ça... je chercherais cet assassin sérieusement, et je terminerais sa vie.