Le silence d'une âme

42.

Rüzgar s'est enfin réveillé en même temps que le soleil s'est levé. Lorsqu'il me voit, il se relève rapidement.

- Doucement, ne te relève pas. Lui dis-je.

- Tu es resté toute la nuit ? Me demande-t-il.

Je hoche la tête alors il me sourit.

- Merci... Me dit-il d'une petite voix.

- ... Je dois partir. Lui dis-je. N'oublie pas de changer tes bandages tous les jours et si tu as besoin de moi, tu peux m'appeler.

Il hoche la tête puis je sors de chez lui. Je me mets à sourire toute seule, j'essaie d'effacer ce sourire mais c'est plus fort que moi... Je me ressaisis puis monte dans un taxi qui m'emmène chez moi.

Une fois arrivé, je rentre à l'intérieur. Normalement, mes frères devraient être réveillés à cette heure-ci. Je vais dans le salon et effectivement, ils sont là. Lorsqu'ils me voient, ils paraissent surpris.

- Nihan ? Tu es revenue ? Me demandent-ils, surpris.

Je hoche la tête.

- J'ai changée d'avis à la dernière minute. Je ne veux pas vous laisser. Leur dis-je. Je ne peux pas m'éloigner de vous.

Ils me sourient puis me prennent dans leurs bras. Finalement, c'est un soulagement pour eux. On ne s'est jamais séparé, on a toujours été ensemble, donc partir est aussi dur pour moi que pour eux.

Je suis peut-être revenue grâce à Rüzgar mais je pense que je n'aurais pas tenue un mois là-bas. Je ne me suis jamais imaginée vivre seule, sans eux...

- Abilerim, je vais monter dormir. Leur dis-je. Je suis restée réveillé toute la nuit.

Ils hochent la tête puis je monte. Je ferme la porte sur moi. Une fois allongée dans mon lit, je me rappelle de la fusillade d'hier. Je n'ai pas tué qu'un seul homme mais plusieurs... Je ne peux même pas les compter. Je pense que je commence à regretter. Je ferme les yeux et m'endors avant que ma conscience ne me fasse souffrir.

Je me retrouve dans un endroit isolé. Je revois la scène où je tire sur les hommes au côté de Rüzgar. Je tombe à genoux en pleurant de regret. Le regret m'amène à tomber dans le trou de ma conscience. Mais avant la chute fatale, une main m'attrape et me relève à la surface.

- Qui es-tu ? Lui demandais-je.

C'est une femme mais je n'arrive pas à reconnaître son visage.

- Ce n'est pas important. Me dit-elle. Le plus important c'est toi.

Je fronce les sourcils. Moi ? 

- Avant quoi que ce soit, regarde ce qui se serait passé si tu avais refusé de prendre l'arme. Me dit-elle.

Elle claque des doigts et la scène recommence du début mais cette fois, je ne suis pas là. Je vois Rüzgar tirer sur les hommes mais au bout d'un moment, il perd ses forces. Les hommes face à lui tirent une dizaine de balles qui viennent se loger dans sa chair. 

Il arrive à rester debout pendant quelques minutes mais finis par succomber et il tombe au sol. Son torse, ses bras et ses jambes sont toutes remplis de son sang. Les hommes se dirigent ensuite vers la voiture et me prennent.

Je cours vers Rüzgar et vérifie son pouls... Je lève la tête vers cette femme.

- Il est mort... Chuchotais-je.

- Il est mort... Répète-t-elle. Pourquoi ?

Je me lève et me mets face à elle.

- Parce que tu n'as pas voulu prendre cette arme ! Parce que tu n'as pas voulu te salir les mains ! Crie-t-elle. Comprends le enfin, tu n'es pas une fille normale, tu n'as pas une vie normale, tu n'as pas une famille normal !

Je soupire face à ses paroles.

- Les gens normaux n'ont pas à prendre une arme pour se protéger. Mais toi, tu es en constant danger ! Ces hommes n'ont pas d'honneur, ils s'attaquent aux femmes et aux enfants alors on est obligé de nous défendre. Me dit-elle.

Je baisse la tête, je sais qu'elle a raison mais je ne suis pas habitué à tout ça.

- Les ennemis de tes frères sont partout, tu dois te protéger. Et tu dois protéger ta famille ! Grâce à toi, Rüzgar est en vie. Mais ensuite ? Est-ce qu'en écoutant ta conscience avec les mauvaises personnes, pourras-tu sauver ta famille ? Me demande-t-elle.

Le trou de tout à l'heure se met à s'agrandir alors elle me tient les mains.

- Je suis désolé, cette mission t'est tombé dessus mais tu dois protéger Serhat, Eymen, ta belle-soeur, tes neveux, l'homme que tu aimes. Qui en sortira gagnant à la fin ? Je ne sais pas... Mais crois moi, si tu n'agis pas en conséquence, tu n'auras que tes yeux pour pleurer. Me dit-elle.

Je hoche la tête. Elle a raison. Je n'ai pas le choix.

- Aie le coeur dur avec tes ennemis et garde ta naïveté, ta gentillesse, ta miséricorde pour tes proches. Me conseille-t-elle. Sinon, tu tomberas dans ce trou, et cette fois, je ne serais pas là pour t'en sauver. La chute fatale sera la mort de tous tes proches. D'accord, Nihan ?

Je me réveille en sursaut. Je tremble entièrement. Ce rêve, aussi étrange soit-il, est un message... je ne dois pas avoir pitié de nos ennemis. Je passe mes mains sur mes cheveux. Je suis Nihan Kaya, mes frères sont les hommes les plus puissants de Turquie, je dois agir comme tel...

Mais est-ce facile ? Changer du jour au lendemain... et ma profession... ne serait-ce pas paradoxale que je prenne une vie et qu'à la fois, j'en sauve d'autres ? Alors comme une réponse à mes questions, les paroles de cette femme résonnent dans ma tête une seconde fois.

Je soupire puis me lève de mon lit. J'ai compris. Une nouvelle vie a commencé pour Nihan Kaya... mais pour affronter cette nouvelle vie, je ne peux pas être seule. Quelqu'un doit être avec moi. Et ce quelqu'un... je le sais, c'est Rüzgar. Je le sens. Ou peut-être que c'est ce que je veux. Enfin, peu importe... maintenant attendons, et voyons ce que notre Seigneur nous réserve.