Sauve nous !

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La chambre était spacieuse, permettant à plusieurs patients de profiter des meilleurs soins sous l'œil attentif d'une infirmière occupée à coucher un couple présent ici depuis plus de vingt ans. Vingt-quatre ans pour être précis. A l'abri des regards, derrière un rideau blanc immaculé, un homme de vingt-cinq ans dormait. Il était à l'écart et tous les jours l'infirmière le lavait, avait commencé à le raser vers ses vingt-et-un ans, coupait ses cheveux et vérifiait l'état de ce corps immobile.

Immobile sauf ce jour là. Ce fut d'abord un froncement de sourcils mais l'infirmière ne le voyait pas. Ce fut ensuite la main gauche se refermant puis une légère grimace sur un beau visage fin et pâle. Puis deux yeux bruns clairs s'ouvrirent et une longue respiration traversa deux lèvres roses. Le jeune homme resta un moment comme ça, prenant de grande inspiration. Il se décida à se redresser avec lenteur. Il passa sa langue sur ses lèvres. Il avait un peu soif. Il sentait qu'il avait faim aussi. Mais surtout il avait un pressentiment. Une alerte sonnait dans son esprit. Ils avaient besoin de lui, là maintenant. Il se glissa doucement hors de son lit et observa le rideau blanc, puis tourna la tête vers une petite penderie. Il plissa des yeux et vit son nom écrit dessus : B. Rosier. Il se leva et sentit le carrelage froid sous ses pieds nus. Il souffla en fermant les yeux. Il s'étira faisant craquer ses os. Puis il baissa les yeux vers son bras gauche. Il remonta la manche d'un pyjama et fixa ses yeux sur un tatouage encore bien noir. Il rabaissa son bras avec un soupir. Il tendit l'oreille, écoutant la voix d'une femme qu'il ne reconnaissait pas parler toute seule. Il arqua un sourcil. Il s'approcha de la penderie et l'ouvrît découvrant quelques vêtements. Il passa sa main dans les étoffes douces et de belles qualités et sourit. Il baissa les yeux vers une fine boîte rectangulaire noire. Il la caressa du bout de ses doigts fins et blancs. Il l'ouvrit délicatement et sourit heureux en voyant sa baguette magique. Il se décida à s'habiller avec des gestes lents. C'était un bel ensemble qu'on lui avait mis là. Un beau pantalon noir avec une fine rayure sur les côtés, longeant les jambes dans un fil rouge sang et un second en or. La chemise était blanche en soie, douce sur sa peau. Il attrapa un gilet à trois rangées de boutons dorés. Il l'enfila et caressa le coton serré et doux. Puis il prit le long manteau blanc au col large. Il n'était pas fait pour l'hiver. Il prit ensuite sa baguette magique et la rangea dans la poche intérieure du manteau spécialement conçu pour. Il ferma la porte puis tira le rideau.

Le bruit du rideau fit retourner l'infirmière qui ouvrit la bouche en voyant le jeune homme. Elle lâcha une tasse qui ne se brisa pas. Il l'avait arrêté sans bouger. La tasse s'envola jusqu'à une table de chevet.

— Quel jour sommes-nous ? Demanda l'homme d'une voix basse et douce.

L'infirmière ferma la bouche et la rouvrît mais aucun sons s'en échappa. Elle montra alors un petit bureau, la main tremblante. Le patient remis d'un long coma s'approcha du meuble simple. Il attrapa un journal et fronça des sourcils en voyant la photo à la première page. Il lut rapidement, regarda la date de parution puis d'un pas souple, félin et droit, il s'élança vers la porte de la grande chambre d'hôpital. Le cœur battant à se rompre, il descendit un escalier, bousculant des médecins, des visiteurs et des patients qui s'arrêtaient tous en le voyant.

Il arriva vite dans le hall de l'hôpital et se dirigea vers une cheminée, blanche, derrière l'accueil. Il crut entendre son nom mais il n'avait pas le temps. Il devait rentrer, savoir si ce qu'il avait lu était vrai. Il bouscula un homme et passa devant lui dans la cheminée, le corps fébrile.

La maison qu'il retrouva était étrangement silencieuse. Puis il entendit des bruits venant de l'étage. Il courut alors, monta les escaliers comme s'il fuyait quelque chose. La porte de leur chambre était ouverte.

— On va les retrouver, dit la voix d'un vieux monsieur. Repose toi, Circé.

— Non... je dois aller les chercher !

Les Roses NoiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant